Reality

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« Ce n'était pas un baiser vide. »

Le souffle étranglé, je cours de toutes mes dernières forces.

« Ce n'était pas un baiser vide. »

J'entends sa voix appeler mon prénom, alors que j'arpente les escaliers sans même les voir.

« Ce n'était pas un baiser vide. »

En plissant fortement les yeux, je m'interdis de croire à cette phrase qui n'a de cesse de m'accabler. Je la réfute, je la fui. Simplement, parce que ça ne peut pas être vérité. Rien de tous ses déblayages ne peuvent être vérité.

Comment puis-je me permettre de croire en quelqu'un qui s'est amusé de mes sentiments ? Pourquoi devrais-je accepter ces mots si doucement amers qui m'ont heurté justement pour leur beauté, venant de quelqu'un d'aussi infranchissable que lui ? Je ne peux pas lui faire confiance. On ne sait de lui que ce qu'il dit, lorsqu'il le dit. Ce serait trop simple, trop facile. Le monde n'est pas un parfait conte de fée. Il ne peut pas l'être. Pas pour moi, ni en cet instant.

Il savait qu'il était la raison. La raison pour laquelle j'étais toujours aussi étrange lorsqu'il errait dans mes parages. La raison qui gonflait mes yeux d'étoiles et d'admiration à chaque fois que je le regardais de ce regard, qu'il semble tant affectionné. Ce regard qu'il apprécie me voir aborder. Ce regard qui jure de son importance pour moi. Ce fatidique regard qui me trahit. Ce regard de judas. Ce regard qui me blesse moi, plus que ça ne le réconforte lui.

Mon propre regard est un poison.

Je me sens boueuse, dégoûtante. Comme si j'avais forcé quelque chose qui n'était pas sensé se réaliser. Comme si j'étais responsable de cette situation qui n'a d'égale que mon incompréhension. Je me sens comme une dupeuse qui a influencé son jugement pour l'amener à être confus, et à penser qu'il pourrait peut-être m'aimer autrement qu'une amie.

Au final, j'ai beau y penser autant que je le peux. La conclusion en reste toujours aussi fataliste : je suis la fautive qui a poussé Jake Burton à m'embrasser. C'était ma responsabilité, mon erreur. Mes actions l'ont poussé à croire que je l'intéressais, et il a indéniablement suivi ce mouvement sans en prendre conscience. J'ai mélangé ses émotions pour l'attirer à moi. Je l'ai chosifié et je lui ai fabriqué des sentiments à valeur artificielle qu'il a naturellement adopté.

Tout ça ne résulte que de moi depuis le début.

Lui même l'a dit. Il s'est laissé emporté. Il n'était pas capable de savoir si cette attirance pour moi venait vraiment de lui, ou si il se faisait des idées. Il a cependant continué de me voir, parce qu'il souhaitait comprendre. Il voulait savoir si ça ne tenait qu'à un caprice ou réellement à lui. Sa curiosité a été la lumière au bout du tunnel. Elle a été le guide dans cette rivière de confusion. Dans ce tourbillon de mots et d'actes inexpliqués.

C'est tellement mal, terrible.

C'est moi la véritable gourmande des deux. Parce qu'il ne devait pas se retrouver à douter d'un amour infondé pour moi. Il ne devait pas avoir foi en des ressentis qui étaient les miens.

Je m'écroule sur un banc enraciné sous un grand arbre. J'ai mal aux yeux. C'est comme si le soleil me brûlait pour me punir. Il n'y a personne ici. C'est vide, éteint, inerte. Pourtant, c'est en ce genre de temps que le monde ressent le besoin de se rassembler. Mais, il n'y a personne, seulement moi, et mes remords. J'ai l'impression que la terre entière me juge, me condamne. Qu'il n'y aura aucune main tendue assez compatissante pour prendre la mienne.

En enfonçant mon front dans mes genoux, je ressens le besoin de fuir. Le besoin d'échapper à tout ça, cette situation. De m'évader de cette forteresse qu'est devenue mon propre corps. Je m'en veux de tout, à présent. Je m'en veux de l'avoir suivi dans cette aventure jusqu'au soir de cette fête où nous nous sommes parlés pour la première fois. Je m'en veux de l'avoir approché, d'avoir trituré les files d'un destin qui n'avait aucune raison d'exister. Mes souvenirs de lui commencent à devenir blessants. Ils sont entrain de m'étrangler profondément, me priver d'oxygène et de liberté.

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