chapitre 20

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J'aimerais m'enfoncer dans un trou, tout de suite. Personne d'autre ne cherche à se dévouer, trop ennuyé. Ce qui est à la limite du démoralisant.

- Mademoiselle Edwards ? M'interpelle notre professeur de maths.

Je rassemble mon courage et me lève. Nick est à l'entrée, comme imperturbable. J'essaye de faire impasse. Même si j'ai une soudaine envie de me tirer une balle.

Monsieur Sterling nous a demandé, à lui et moi, de lui rapporter certains dossiers qu'il aurait oublié chez le principal. J'ai voulu refuser, mais ça aurait été mal vu. Donc je me suis résignée et ai accepté. Et ça me coûte.

- C'est par là, dit-il.

- Merci, je sais.

Ce malaise n'est pas nouveau, juste lourd. Nous cognons contre la porte du bureau, puis par maladresse, nos poignets se frôlent. Nos regards se croisent et je rentre mes mains dans mon sweat. Très gênant, oui.

Le principal nous ouvre. C'est Nick qui s'accapare la parole pour nous deux. Je me retiens à maintes reprises, de rouler des yeux devant son éternel charisme. Son existence affaibli mon moral plus que je ne l'aurais cru.

Puis nous retournons vers notre salle, dans ce même mutisme. Les couloirs sont vides, certains élèves sèchent un peu partout, et j'aimerais être ailleurs que là. Surtout lorsqu'il se décide à être bavard.

- Danielle, il faut qu'on parle.

- Je n'ai rien à te dire, répondis-je du tic au tac.

- Moi si, et c'est important.

Il m'empoigne, puis nous tire vers les casiers. Bleu contre vert. Nos yeux. Mon ciel envoi des éclairs et sa forêt, un sentiment perçant. Trop perçant pour que je le comprenne. C'est ridicule. Je retire nerveusement sa main, de mon poignet.

- Qu'est-ce que tu me veux, Hamilton ?

- J'ai besoin de m'excuser. Pour tout. Il faut que tu m'écoutes, s'il te plaît.

J'essaye d'avancer mais il m'arrête avec ses mains. Le contact m'effraie alors je recule pour éviter ça. Et je me retrouve encore, entre lui et les casiers. Ce n'est pas mon jour.

- S'il te plaît, répète t-il doucement.

Je croise les bras, en soufflant. Ce qu'il interprète à sa manière.

- Pardon. Pardon pour tout ce que j'ai fait. Pour tes larmes, ta tristesse et notre histoire gâchée, pardon.

- Ok, dis-je en le dépassant.

Il s'exaspère mais je ne relève pas. Je marche plus vite, pour m'éloigner. Nick Hamilton a ce grand pouvoir de persuasion, que je redoute. Si je laisse ses mots m'atteindre, je céderai. Je me connais. Mes poumons partent en vrille, mais je passe outre.

- Je t'ai vraiment aimé.

Mon cœur manque un battement.

Et le temps semble s'arrêter de voler.

- Et c'est toujours le cas, ajoute le blond en s'approchant.

- Arrête ça.

Je me retourne dans sa direction. La nostalgie et la tristesse qu'il communique, me donnent envie de crier. D'exploser de mon être. Mes sentiments sont entrain d'étouffer ma raison. Je suis vraiment faible.

- Si je n'avais pas tout bousillé, notre histoire aurait pu être incroyable.

- Tais toi pitié, tais toi, ordonnais-je la voix vacillante.

Mais il ne le fait pas. Et ça me foudroie.

- À mes yeux, tu as rendu le monde tellement plus beau si tu savais. J'ai appris à vivre pour de vrai avec toi, à voir l'arc-en-ciel. Et tes sourires. Bon Dieu, que j'aimais tes sourires. Tu étais mon soleil, cette belle lumière que j'ai égoïstement obscurci.

Il s'avance lentement, doucement, puis douloureusement. Je sens mon poing se contracter de stress. Ça me rend anxieuse. Pouvoir de persuasion, c'est le mot parfait pour expliquer tout ça. Pour expliquer ce contrôle qu'il a sur moi, que je ne supporte pas.

- Comment tu peux dire tout ça à une autre, alors que tu es en couple ? Sophie ne mérite pas ça.

- Non, attends...

- En quoi c'est de l'amour, Nick ? Tu me rends minable, tu me détruis, tu t'en vas. Et je dois t'attendre bien sagement ?

- Je sais que je ne peux plus rien arranger.

- Effectivement, tu ne peux plus.

- Mais c'est Sophie, elle-même qui m'a conseillé de t'en parler.

Quoi ?

Sa copine lui a dit de faire ça... je ne veux pas y croire. Je réfute cette réalité. Savoir qu'elle a peut-être un fond aussi bon, me noue la gorge. Fait du mal à mon égo.

J'en suis déstabilisée.

- Elle me rend heureux, vraiment, renifle t-il. Avec elle, je me suis promis de ne pas la faire souffrir, d'être honnête.

- Tout ce que tu n'as pas été avec moi.

Il acquiesce, la tête baissée.

- Sauf que ce n'es pas toi. Et elle ne le sera jamais, Edwards. Notre relation nous a fait plus de mal que de bien, à tous les deux. Mais c'était parfait à sa façon, rit-il maladroitement. Alors avec Sophie, ce n'est peut-être pas ton sourire sur son visage, ni tes jolies yeux océans à la place des siens, mais elle me fait découvrir le monde avec d'autres couleurs.

Je suis partagée entre hurler de tous mes maux, ou juste m'effondrer. Ça a quelque chose de dramatiquement douloureux. La réalité est douloureuse. Quand est-ce que j'arrêtais enfin de m'en prendre plein la tête ? La vie me sourira t-elle vraiment un jour ?

En cet instant fatidique, il n'y a qu'une seule chose qui me traverse l'esprit. C'est qu'à lui, et seulement lui, j'aurais pu offrir le monde entier même si il ne me l'avait pas demandé.

Mes iris brillent de chagrin. Parce qu'il est heureux, sans moi. C'est aussi visible que blessant.

- Quand tu m'as quitté, j'ai déprimé. J'avais peur de continuer tout seul et...

- Ça va, Nick.

Je le prends dans mes bras et il se paralyse. Mes doigts s'agrippent fort à son dos. Comme un besoin urgent. Ou une bouée de sauvetage. Le remède à ma peine, et ma colère. Dans le genre de relations toxiques, la nôtre l'a été. Si nocive mais pourtant si éclatante, à la limite du feu d'artifice. On s'est aimé, on s'est haï, puis détesté, pour finir par se retomber dans les bras.

Mais là, c'est différent. On ne s'apprête pas à basculer, il me dit adieux. Il s'en va. Il dit au revoir à nos souvenirs, nos rires, nos ''je t'aime''. Il passe à autre chose et ça, ça c'est broyant.

- Ne me fais pas regretter de t'avoir pardonné, s'il te plaît, Soufflais-je dans son cou.

- Je te le promets.

Il enroule ses bras autour de moi, son menton sur mon épaule. Et on reste figé dans le temps. Lui aussi en avait besoin, au fond.

Et j'ai fini par m'effondrer, finalement.

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