chapitre 19

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PDV de Danielle.

- Comment il va ?

À travers mon ordinateur, je fais une visioconférence avec Peyton et Taylor. Je renifle en m'enroulant dans la couette. La jolie blonde, aux cheveux désormais bouclés s'inquiète.

- Je ne sais pas, admis-je, il refuse d'en parler.

- À personne ?

- Il fait comme si tout allait bien.

Je secoue doucement la tête. Les filles m'envoient chancunes de tristes sourires.

- Vous vous souvenez du nouvel an ?

Taylor et moi regardons Peyton. Nous semblons sans doute confuses, vu qu'un air nostalgique s'immisce sur son visage.

- Celui où Tommy essayait de faire une tarte.

- C'était horrible, rigole Taylor, tout avait cramé.

Je ris. C'est l'un de nos souvenirs les plus amusants.

- On avait dû appeler une pâtisserie d'urgence, pour sauver la face, rappelais-je.

Et on se met à se raconter nos meilleurs moments ensemble. Ceux du Noël dernier, du collège, des balades et des sorties. Même nos instants gênants. Et ça me fait du bien. Cette discussion me fait décompresser.

Taylor se plie sur son lit, suite à une blague de la châtaigne. Tandis que je m'amuse en les regardant, ma joue dans une main.

- C'est jolie, dis-je, fascinée par les mûrs maquillés de Peyton.

- Oh, ça ?

Elle décolle le papier qui y était accroché et le mets face à la caméra.

- Ce sont des chevaux noirs sur une mer rouge.

- C'est hard, commente Taylor.

- Oui, ma mère pense pareil.

Je me suis perdue dans ses belles œuvres derrière. Peyton a un vrai dont pour la peinture, sauf que trop souvent, j'ignore si elle même en est consciente. Elle s'y donne beaucoup depuis qu'on se connait. C'est sa passion, sa raison, son tout. Parfois, je lui envie d'être autant accrochée à quelque chose qui lui fait du bien.

Je n'ai jamais eu de passion. Avant il y avait Nick pour occuper mon monde, mais il a fini par le briser. Une partie de moi avec. Me souvenir de ça, me rend plus morose que jamais. Je bascule ma tête contre les oreillers en soufflant.

- Il faut que j'y aille les filles, nous informe la blonde.

- Déjà ?

- James m'a proposé de sortir, il m'en voudra si je tarde.

On acquiesce. Elle nous promet de tout nous raconter ce soir, puis se déconnecte. Peyton raccroche aussi, quelques minutes après.

En fermant mon ordinateur, je regarde mon plafond beige. Mon esprit est vide. J'ai rarement des instants d'absences.

***

J'entre dans la cuisine, puis jette mon énième pot de yaourt à la poubelle. Mon père est aux fourneaux. L'odeur de nourriture fait rugir mon estomac. Visiblement, je meurs de faim.

- Ça va, papa ? Demandais-je en lui faisant bisous sur la joue.

Il me répond positivement. Puis je m'installe sur les chaises du îlot central. J'ai passé toute la journée dans ma chambre. Et ce n'est que maintenant que je le réalise. Il est vingt heures, passé.

- Le voyage de votre mère a été prolongé, elle te l'a dit ? Demande t-il en coupant des légumes.

- Oh oui, elle m'a envoyé un mail.

Je me gratte les phalanges en regardant le vide. C'est un tic, ça. Je me détend plus facilement en me sentant ailleurs. Mon deuxième instant d'absence de la journée.

- Bon, ok. Dis moi, entame mon père.

Je me redresse, surprise. Les sourcils froncés, je me perds dans ses yeux aussi bleus que les miens.

- Quoi ?

- Je suis ton père, Danielle. Tu as l'air dépassée et perdue. Ma description à 18 ans. C'est à propos des cours ?

Je pouffe, plus amère que prévu.

- Non, de Tommy. Je m'inquiète pour lui.

Il essuie ses mains dans un torchon, en me souriant. Avec l'absence de ma mère et le travail prenant de mon père, les repères dans la maison se sont un peu fissurés. On ne se dit que la surface des choses, parfois des banalités. C'est le temps qui nous manque, pas l'amour.

- Le voir autant se renfermer me fait paniquer, confiais-je. J'ai peur que ça ne s'arrange pas.

- Aucuns de nous ne peut lui éviter de souffrir, tu sais.

- Très encourageant, ironisais-je.

Il roule des yeux, dans un soupire.

- Ce que j'essaye de te dire, c'est qu'on ne sera pas toujours là. Le monde dehors, c'est un vrai champ de bataille. Et ça me terrorise de vous y laisser mais c'est inévitable. C'est inévitable que vous grandissiez. Que vous souffriez...

Je me souviens d'un de ces grands moments avec mon père au parc. Ce genre de moments où il faisait tout pour me faire éclaté de rire et que moi, je le regardais comme si c'était un super-héros. Mon super-héros. C'était magique.

À cet instant précis, je me suis mise à le regarder comme ça. Comme une petite fille qui avait besoin qu'on la réconforte avec des blagues. Être enfant c'était sincèrement beau.

- Ce n'est qu'une étape, ok ? Le tout c'est de pouvoir être assez fort pour la dépasser.

- Et si il ne l'est pas assez ? Demandais-je dans un murmure.

J'ai peur qu'il abandonne. Qu'il trouve l'école et les jugements trop difficiles à encaisser.

- Ça, ça ne dépend pas de nous.

Et c'est vrai. C'est à lui d'en décider. Je me sens impuissante à ne pas pouvoir le protéger. Je me sens inutile, comme une figurante. C'est un mélange de tout, en ce moment.

- Oh, chérie, dit doucement mon géniteur.

Il contourne l'îlot et je le regarde faire. Ce n'est que lorsqu'il me prend dans ses bras que je comprends que je suis entrain de pleurer. Mes larmes ont coulé toutes seules. Et je n'ai rien senti.

- Désolée, riais-je nerveusement.

- C'est normal, ne t'en fais pas.

- Dani' ?

Je me tourne, ainsi que mon père. Tommy dans son petit pyjama vert, nous regarde tour à tour. Je nettoie mes joues puis lui tend les bras pour qu'il y vienne. Ce qu'il fait.

- C'est à cause de moi que tu as pleuré ?

- Non, pouffais-je, tu n'as rien à voir.

- Pour quoi alors ?

Je fais mine de réfléchir.

- Rien en particulier. Je suis bizarre comme fille, hein.

Il sourit et je lui caresse les cheveux. Les relations fraternelles c'est étrange au fond. Une minute, on peut se détester à mort puis l'instant d'après, on rigole ensemble comme si de rien n'était.

Aussi charmant que complexe.

Puis on a fini par dîner tous les trois en se racontant la journée. C'était agréable, simple, allégeant. Papa a beaucoup rit. Tommy nous a avoué ne plus vouloir retourner à l'école et je n'ai rien dit. Je n'avais pas mon mot à dire. Il m'a uniquement regardé et on a acquiescé. Même si ça m'a touché.

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