Porte ouverte

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Lorsque Narcissa lui avait annoncé d'un ton calme qu'elle avait invité Sirius à rester au Manoir Malefoy sans limite de durée, Severus n'avait même pas cillé. Pour être honnête, il avait déjà accepté cet état de fait, depuis l'instant où l'ancien Gryffondor était sorti d'Azkaban.


Compte tenu des sévices qu'il avait subi et de son état, il était évident qu'il n'était pas prêt à être livré à la vindicte populaire. Sans compter que Severus se souvenait parfaitement de la répulsion qu'il éprouvait pour la maison de famille Square Grimmaurd.


Ainsi, il avait hoché vaguement la tête, sans montrer la moindre expression, sous le regard satisfait de Narcissa.
Un jour, Severus ferait remarquer à Lucius que son épouse était une redoutable manipulatrice... cependant, il doutait que Lucius y puisse quoi que ce soit : il mangeait littéralement dans la main de sa douce moitié.


Perdu dans ses pensées après cette conversation, il avait erré dans le Manoir à la recherche des enfants Potter. Drago avait été invité chez les Parkinson, et même si l'invitation s'étendait aux deux autres enfants vivant au Manoir, Narcissa avait refusé en rappelant que si les anciens Mangemorts avaient accepté de protéger les garçons de Dumbledore, ils n'avaient pas précisé qui les protégeraient d'eux...


Harry et Charles n'avaient pas semblé vexés d'être écartés, au contraire de Drago qui avait supplié sa mère de laisser ses deux compagnons de jeu l'accompagner. Harry avait calmé rapidement Drago en lui assurant qu'ils seraient mieux au calme, qu'ils n'aimaient pas vraiment être entouré d'enfants. Pansy fêtait son anniversaire et il y aurait assurément d'autres invités... Sans compter qu'ils n'avaient pas encore rencontré la petite fille.


Le blondinet avait acquiescé et aussitôt cessé de protester. Narcissa avait lancé un regard plein de gratitude à Harry, se jurant une fois de plus de les rendre heureux lui et son frère.

**

En voyant une porte ouverte dans le couloir qu'il parcourait, Severus s'approcha, curieux. C'était un genre de jardin d'hiver, empli de plantes en tous genres, et pourvu d'immenses baies vitrées qui laissaient entrer le soleil à flots.
La pièce était merveilleuse et le maître des potions comprit immédiatement pour quelle raison les jumeaux semblaient aimer l'endroit. Ici, ils ne devaient jamais se sentir enfermés comme ils l'étaient autrefois dans leur misérable placard...


L'homme ne put empêcher de laisser un sourire étirer ses lèvres en voyant Harry et Charles penchés l'un vers l'autre, visiblement très occupés. Harry avait les sourcils légèrement froncés, concentré, alors que Charles avait un petit sourire amusé.


Ils regardaient tous les deux quelque chose au sol, sans que Severus ne puisse voir ce dont il s'agissait. Il allait s'approcher mais il s'immobilisa brusquement, choqué.

Harry venait de siffler quelque chose. Siffler comme dans "parler Fourchelang". Le seul autre Fourchelang qu'il ait connu avait été l'homme qu'il avait appelé Maître. Lord Voldemort.
Un désagréable frisson lui parcourut l'échine alors qu'il entendait le petit garçon siffler dans cette langue effrayante. Ce ne pouvait pas être une coïncidence...


Alors qu'il pensait ne pas pouvoir être surpris plus qu'il ne l'était déjà, Charles prit le relais, sifflant lui aussi avec aisance. Harry comprenait sans peine visiblement, puisqu'il pouffa à quelque chose que son frère "disait".


Severus laissa son regard aller de l'un à l'autre, stupéfait. Il nota l'information qu'ils étaient fourchelang dans un coin de son esprit, persuadé que c'était important. Alors qu'il allait se détourner de la scène, il se figea.


Charles sifflait encore, et il avait un air satisfait. Ses yeux sombres brillaient.
C'était un beau petit garçon, qui deviendrait probablement un homme magnifique et charismatique. Ses traits étaient fins et harmonieux, et le contraste entre ses cheveux de jais et sa peau blanche était saisissant.
Là où Charles dégageait une impression de force, Harry semblait plus fragile. Plus menu.
Cependant, Severus savait que c'était une illusion. Malgré son air enfantin, Harry était aussi puissant que son double, et il deviendrait sans conteste aussi dangereux lorsqu'il serait adulte.


Les deux garçons ne se ressemblaient pas vraiment physiquement. Il était évident qu'ils ne pouvaient pas être frères biologiques. Severus le savait parfaitement, et la réaction de Sirius avait été une preuve de plus que Charles venait... d'ailleurs.


Il s'était attaché aux deux garçons. Et plus il les connaissait, plus il les aimait. L'un autant que l'autre.

Charles siffla de nouveau, provoquant un gloussement amusé chez Harry et Severus ferma les yeux, blême. Il savait maintenant.

Il savait qui il était.

C'était surréaliste, c'était impossible. Et pourtant...
Il l'avait reconnu. Difficilement, parce qu'il était un enfant et qu'il avait changé en caractère, mais Charles ne pouvait être qu'une seule personne : Voldemort lui-même.


Il tenta de trouver une explication qui puisse lui faire oublier cette pensée délirante. Cependant, tout semblait s'assembler parfaitement.
James et Lily n'avaient eu qu'un seul fils. Personne ne savait ce qui s'était produit dans leur maison le soir de leur mort. Au moment de l'attaque, il y avait eu quatre personnes. Les Potter, Harry et Voldemort.
Après l'attaque... il y avait eu quatre personnes encore : le corps des Potter, Harry et... Charles.

Quoi qu'il se soit produit lorsque le lord avait tenté de tuer Harry, ça l'avait transformé en bambin, visiblement privé de ses souvenirs. Ça expliquait la douleur dans la marque des Mangemorts ainsi que la disparition de celle-ci : l'enfant-Voldemort n'ayant plus de mémoire, il ne connaissait pas la Magie Noire qui avait créé cet affreux tatouage. Il n'avait plus aucun contrôle dessus.


Le jour où ils avaient trouvé les enfants, la marque avait de nouveau brûlé ses porteurs : c'était Charles qui avait défendu Harry en puisant dans sa Magie pour mettre son oncle hors d'état de nuire. Son explosion de Magie avait visiblement réveillé brièvement quelque chose.


Pensif, Severus se demanda ce que cette situation entraînerait comme conséquences. Voldemort avait haï passionnément les moldus, et ce vieux fou de Dumbledore l'avait placé chez des moldus abusif... Cependant, il avait grandi avec Harry, et les deux garçons s'aimaient visiblement sincèrement.
Il avait vu Harry s'interposer pour protéger son frère, autant que l'inverse et il se demanda ce que ça avait changé dans le caractère de l'enfant-Voldemort.
Harry était le Sauveur, celui qui devait tuer Voldemort : mais le gosse aux yeux verts ne pourrait jamais se dresser contre son double. Pas plus que Charles ne pourrait blesser Harry.


Avec un soupir, Severus décida que ça importait peu. Plus maintenant.

Charles avait peut être été Voldemort, mais désormais, il était quelqu'un d'autre. Un gosse attachant qu'il aimait autant que Harry ou Drago. Un enfant curieux, avide d'apprendre et câlin, demandeur d'affection tout comme Harry.


Il entra dans la pièce et les deux garçons levèrent la tête. Tous les deux eurent un large sourire ravi en le voyant, lui montrant le jeune serpent sombre avec lequel ils avaient été en train de converser, et Severus sentit son cœur se réchauffer. Ils se jetèrent contre lui, et il les enlaça, fermant les yeux un instant.
En sentant les bras de Charles autour de sa taille, Severus jura de ne jamais l'abandonner quelle que soit son identité. Peu importait qui il était, il l'aimait, autant que Harry. Autant que Drago.

Prompt de demain : vitre brisée

Tu es mon doubleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant