Esprit en miettes

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Lorsque Sirius était à Azkaban, il survivait en s'accrochant à sa certitude d'être innocent. Il n'avait pas trahi James et Lily. Il avait peut être causé leur mort en refusant d'endosser le rôle du gardien du secret pour le Fidelitas, mais jamais il n'avait cherché à leur faire du mal.
Il avait juste cherché à les protéger, parce qu'il était un choix trop évident. Une cible trop facile puisque sa famille était du côté des Ténèbres.
Il avait regretté ce choix chaque jour depuis la mort de ses amis les plus proches. Il se sentait terriblement coupable de les avoir abandonné et il s'était persuadé mériter son châtiment.

Lorsque la peine était trop grande pour lui, il prenait sa forme animagus pour oublier. Lorsqu'il était un chien, il ne se torturait plus avec sa culpabilité. Il cessait de penser et les Détraqueurs ne le voyaient plus.
L'esprit de Patmol était simple. L'animal n'avait besoin que de manger et de dormir après tout. Patmol oubliait les mauvais traitements des gardiens, la cruauté de leurs mots, la terrible présence des Détraqueurs.


Sans cette capacité qu'il avait soigneusement cachée aux gardiens - après tout, il n'était pas déclaré au Ministère et il risquait d'aggraver son cas - il n'aurait pas tenu un an.


Azkaban avait été une longue journée en enfer, interminable, pleine de douleur lorsque les gardiens le frappaient et de désespoir quand il se souvenait de tout ce qu'il avait perdu. Tout ce qui comptait pour lui, tout ce qu'il avait construit autrefois. Parfois, il était assez lucide pour se rendre compte des trahisons qui l'avaient menées à cet endroit.


Peter d'abord. Ce fichu rat qu'ils avaient traité comme un frère les avait poignardé dans le dos à la première occasion. Il les avait vendu à Voldemort sans hésitation, pour quelques miettes d'attention probablement.
Peter avait tué James et Lily en premier lieu, en dévoilant leur adresse.
Puis, il avait été celui qui l'avait piégé en tuant tous ces moldus et en se faisant passer pour mort.


Il y avait eu Remus ensuite. Remus, celui qui les avait rassemblé. Celui pour qui ils étaient devenus Animagus, pour ne pas le laisser seul, pour le soutenir.
Remus et son loup, qu'ils avaient toujours respecté malgré sa condition.
Remus qui n'était jamais venu le voir, qui n'avait jamais cherché à savoir s'il était innocent ou non.
Les premiers jours de sa captivité, Sirius avait attendu la visite du loup, prêt à tout lui expliquer. Il était certain que son ami le sauverait, dès qu'il apprendrait ce qui s'était passé.
Mais Remus n'était jamais venu. Jamais.


Enfin... Dumbledore. Il avait suivi les conseils du Directeur de l'école. Il avait renié sa famille, ignoré son petit frère jusqu'à sa mort. Il avait pris position haut et fort contre les familles sang-pur, rejetant son héritage, ses ancêtres... Tout pour blesser sa mère.
Lorsqu'elle était morte, elle le détestait de toute son âme...
Aspics en poche, Sirius avait suivi James et était devenu Auror. Puis il avait accepté la proposition de Dumbledore et il était entré dans l'Ordre du Phénix. C'était lui qui avait encouragé les Maraudeurs à le rejoindre, assurant qu'ils seraient plus en sécurité s'ils se battaient contre le mal.
Dumbledore l'avait trahi lui aussi. Il avait défendu ce fichu Snivellus avec sa marque sur le bras, mais il avait refusé l'ouverture d'un procès pour Sirius.


Toutes ces trahisons avaient été autant de coups sur l'esprit en miettes de Sirius. S'il s'accrochait encore à la vie, c'était uniquement parce qu'il avait un filleul qui avait survécu. Le souvenir de Harry, tout bébé dans ses bras, était la lueur de bonheur qui lui permettait de ne pas se laisser engloutir par le désespoir qui régnait.

Alors qu'il n'était plus qu'un animal cherchant à survivre, sa cousine Narcissa était venue. Il avait pensé qu'elle était là pour l'humilier un peu plus, pour lui montrer à quel point il s'était fourvoyé en choisissant le camp de la lumière.
Mais elle l'avait sorti d'Azkaban avec l'aide de Severus et de son mari.


Narcissa n'avait jamais parlé du passé, se contentant de le soigner et de le nourrir.
Severus, son ancien ennemi, avait lui aussi pris soin de lui. Et c'était lui qui lui avait redonné le goût à la vie.

Et puis, Sirius avait rencontré Harry de nouveau. Le bébé qu'il avait connu était devenu un petit garçon adorable, à qui il s'était immédiatement attaché. Il y avait Charles aussi. Un garçon du même âge qui n'était pas un Potter mais qu'il avait inconsciemment adopté.


Après tant d'années d'errance et de souffrances, Sirius s'était enfin trouvé une famille, et il avait trouvé sa place.
Lucius était froid et distant, mais Sirius l'avait toujours connu ainsi. Il n'y avait que Narcissa et les enfants qui avaient le pouvoir de le dégeler un peu. Même s'il restait méfiant, Sirius devait reconnaître que l'aristocrate n'avait jamais émis la moindre objection à sa longue présence sous son toit. Il n'avait jamais dit un mot contre lui, et il avait toujours évité avec soin leurs opinions radicalement opposée dans la précédente guerre.


Narcissa... Elle était une énigme à ses yeux. Sa cousine le traitait comme s'il n'avait jamais renié sa famille, comme le fils prodigue enfin rentré chez lui. Elle prenait soin de lui, et s'assurait toujours discrètement qu'il se sente à l'aise parmi eux.


Severus n'avait pas changé. Toujours aussi distant, toujours aussi sombre. Mystérieux et silencieux. Sans ses amis Maraudeurs, ce n'était plus vraiment amusant de s'en prendre à lui, et puis Sirius se sentait coupable. L'homme qu'il avait tellement humilié était celui qui avait cru en lui sans hésitation, parce qu'il le connaissait. Ses propres amis lui avaient tourné le dos, Remus le premier.
Ils observaient une sorte de cessez-le-feu prudent, laissant les trois enfants vivant au Manoir être le lien entre eux. Sirius était le chien fou qui se chargeait d'amener un peu de folie et de jeu dans leur quotidien alors que Severus était le professeur austère qui n'hésitait jamais à partager ses connaissances pour le plus grands plaisir des garçons.


Sirius était revenu d'entre les morts, et il se sentait plus vivant que jamais. Tout ça parce qu'il avait accepté la main tendue de sa cousine autrefois ennemie et qu'il avait laissé trois enfants devenir le centre de son univers. Charles et Drago n'étaient pas liés magiquement à lui comme Harry, mais il les aimait de tout son coeur de la même manière.


Prompt de demain : Ruines de la vérité

Tu es mon doubleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant