Espoirs en cage

2.1K 227 14
                                    

La journée avait bien commencé.


Harry et Charles avaient réussi à manger un peu au petit déjeuner sans que personne ne leur dise quoi que ce soit. Ils avaient esquivés leur cousin idiot, alors qu'il était décidé à les frapper.
La liste des tâches ménagères était réduite, puisque Pétunia avait prévu d'aller courir les magasins l'après midi, et qu'ils seraient comme toujours enfermés dans leur placard pendant son absence.

Les deux garçons étaient donc peut être un peu moins nerveux qu'à leur habitude. Ou peut être étaient ils encore fatigués de s'être réveillés durant la nuit.
Toujours est-il qu'ils furent moins prudents, moins sur leurs gardes.


Les choses dérapèrent quand Charles servit le bacon. Contrairement aux autres jours, il y avait une tranche en plus, parfaitement cuite, à la fois craquante sur les bords et juteuse au centre.


Machinalement, le garçon l'avait attrapé et l'avait séparé en deux avant de manger une moitié. Il tendait la seconde partie à Harry quand il écarquilla les yeux, se rendant compte de ce qu'il avait fait.


Si quelques instants plus tôt Vernon et Pétunia discutaient en les ignorant, ils s'étaient tus, les dévisageant. La main serrée sur le morceau de bacon qu'il destinait à son frère, Charles déglutit, se maudissant de son geste. Il savait pourtant que ni l'un ni l'autre n'avait le droit de se servir en nourriture. Ils devaient attendre que leur oncle ou leur tante leur donne quelque chose, même si leur estomac grognait pendant des heures avant qu'ils ne se montrent "généreux".


Vernon passa au rouge puis au violet au fur et à mesure que la colère montait en lui. Harry le regardait avec une fascination horrifiée, espérant qu'ils s'en tireraient avec des heures dans leur placard.
Il se leva brutalement, envoyant valser sa chaise. Sa moustache tremblait d'indignation, et les deux garçons n'auraient pas été étonnés de voir de la fumée sortir de ses oreilles.


Harry se rapprocha de Charles, pour lui montrer qu'il n'était pas seul. Il tremblait légèrement, effrayé, même s'il ne reculerait pas devant son oncle.
Puis Vernon hurla.
- Comment oses-tu ! Misérable vermine ! Bon à rien !
Charles se tendit, et Harry attrapa son poignet fermement. Il surveillait son oncle comme il aurait pu surveiller un animal sauvage et dangereux. Les coups pouvaient pleuvoir à n'importe quel moment. Ou Vernon pouvait décider de leur jeter un objet à la tête. Mieux valait ne pas être distrait face à lui...


L'homme obèse poursuivit, les pointant du doigt avec un dégoût parfaitement visible.
- Oser nous voler, sous notre toit ! Devant nous !
Leur tante ne disait rien, les dévisageant juste, ses lèvres pincées en une fine ligne. Ses sourcils étaient froncés, et il était évident qu'elle était parfaitement en accord avec les mots de son mari. Dudley ne tourna même pas la tête vers eux. Il se pencha légèrement pour mieux voir la télévision et monta le son.


Vernon contourna la table, s'avançant vers eux, et Harry tira Charles un peu en arrière.
- Quand je pense qu'on a eu la bonté de vous accueillir ici ! Profiteurs !
Une boule d'indignation se forma en Harry, menaçant d'exploser à tout moment, pour répondre à son oncle qu'il n'y avait aucune bonté à martyriser des orphelins et à les priver de nourriture. Cependant, il repoussa fermement ses pensées.


Charles resta silencieux. S'il avait osé prendre la parole, la colère de Vernon serait devenue dévastatrice.
- Tu n'es qu'un voleur ! Comme ton débile de père !
Les deux garçons n'avaient pas connu leurs parents - ils ne savaient même pas à quoi ils ressemblaient - mais ils étaient certains au fond d'eux qu'ils n'étaient pas comme les décrivaient Vernon et Pétunia. Cependant, ils ne pouvaient pas vraiment protester. Comme pour le reste.


Avec un sourire mauvais, Vernon s'approcha un peu plus et leva le bras, décidé à frapper le garçon devant lui. Celui qui lui avait volé un morceau de bacon.
Si Charles ne bougea pas, Harry lui, eut une réaction purement instinctive. Au moment où le bras de Vernon s'abattait avec force, il se jeta devant son jumeau pour lui épargner un coup.


La gifle s'abattit sur Harry, violente. Le garçon tomba au sol et ses yeux se remplirent immédiatement de larmes sous la douleur cuisante. Sur son visage, la marque écarlate ne laissait aucun doute sur ce qui venait de se passer.
En voyant son frère au sol, un peu étourdi, Charles laissa échapper un grognement de colère. Harry avait juste voulu le protéger, il n'avait rien fait et Vernon l'avait quand même frappé.
Le petit garçon laissa la rage l'envahir, l'accueillant en lui alors qu'il regardait l'homme face à lui avec dégoût.


Avant qu'il ne comprenne ce qui venait de se passer, Vernon fut projeté une fois encore à travers la pièce.
Cette fois cependant, le choc fut bien plus violent que la dernière fois. Un morceau de plâtre se détacha du mur et un filet de sang coula sur la joue de Vernon. En voyant son époux au sol et inconscient, Pétunia hurla à s'en déchirer les cordes vocales.


Profitant que personne ne les regardait, Charles aida Harry à se relever, et lui jeta un regard désolé. Il était désolé d'avoir commis une erreur, désolé qu'il ait pris un coup à sa place, désolé d'avoir perdu le contrôle.
Puis, il prit la main de son frère et le tira à sa suite.


Sans un regard en arrière, les deux garçons quittèrent la maison des Dursley. Il n'y avait pas de regrets possible : ils n'avaient jamais été heureux. Cet endroit n'avait jamais été un foyer pour eux.
Charles tira Harry jusqu'au parc de jeux plus loin dans la rue, et il le poussa dans un buisson, le forçant à se cacher. Ils avaient laissé tant de temps leurs espoirs en cage, que d'être libres leur tournait un peu la tête.


Charles donna le morceau de bacon qu'il avait gardé à la main à son frère, l'obligeant à le manger. Enfin, il laissa échapper un sanglot en voyant l'ecchymose qui se formait sur le visage de son frère.
- Oh Harry... Ta joue...
Le garçon aux yeux verts haussa les épaules.
- Ça ira. Sauf s'ils nous retrouvent...
Charles lui adressa un léger sourire.
- On va rester caché ici un peu. Ils viendront pas nous chercher à cet endroit. On doit juste rester silencieux, et ne pas bouger... Comme à la maison.


Les deux enfants échangèrent un regard et hochèrent la tête, avant de se pelotonner l'un contre l'autre, prêts pour une longue attente.

Prompt de demain : briser les barreaux de sa prison

Tu es mon doubleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant