— Vous portez encore ma chevalière, fit remarquer le Jeune Maître. Vous a-t-elle tenu chaud ?

— Vous n'imaginez pas à quel point elle comptait pour moi, geignit Hiwang. Lorsque j'étais possédé, je discernais encore cette sensation sur mon doigt, ce petit objet qui m'appelait, qui m'envoyait des bouffées d'espoir. Je suppose qu'elle a fait le lien entre mon âme et le moment présent, pour me garder en vie, parce que je vous savais à mes côtés. Tôt ou tard, vous me sauveriez, et je ne me suis pas trompé... Mais, si vous la réclamez, je vous la rends.

— Hors de question ! Gardez-la autant que vous le souhaiterez, elle vous sied mieux qu'à moi. Elle brille à votre doigt.

L'aîné le câlina un long moment, mais jugea qu'il était temps de retourner en sécurité à l'intérieur.

Ils regagnèrent lentement le temple, ils allèrent dans la chambre attitrée du Jeune Maître, puisque Wulong et Yichen avaient pris celle où dormait auparavant le Seigneur. Bien que la lune entamait peu à peu sa montée, et que le soleil se courbait, ils s'allongèrent sur le côté, se faisant face. Leurs mains surélevaient leurs visages coincés sous leurs joues. Hiwang ne le regardait pas vraiment, il s'en présumait incapable, honteux. Au contraire, Xian-Jun essayait sans cesse de capter son attention, de verrouiller ses yeux dans les siens. Il lui soufflait un réconfort bienveillant. Et avant que la nuit ne surplombe les Songes Téméraires, ils s'étaient assoupis.

Quelque part au milieu du clair de lune et des étoiles, deux paupières se hissèrent. 

Hiwang se réveilla et impuissant, il admira la voûte céleste, aussi noire que sa magie. Pourtant, elle semblait si belle, si attrayante, l'opposé de ses pouvoirs. Il lutta pendant d'innombrables minutes sans réussir à rejoindre le sommeil, et il décida donc de se promener. S'il restait au sein du temple, rien ne lui arriverait. Il se tourmentait encore avec ses souvenirs absents. Il s'inventait des tueries, des actes affreux qu'il devait punir à tout prix.

Il comprenait les peuples.

Une porte se présenta à lui. La chambre qui logeait Muwen et son épouse. Cette dernière était mercenaire, elle ne refuserait pas de lui rendre service. Non ? Mais, elle exigerait d'en parler d'abord à Xian-Jun. Il avança davantage, s'enfonça dans les couloirs.

Un dessein funeste à l'esprit. Un projet qui mettrait fin à toutes les douleurs. Il satisferait les peuples et trouverait la paix intérieure. Il se condamnait.

C'est pourquoi il s'arrêta devant une deuxième porte. Où dormaient Yichen et Wulong. Il s'apprêta à toquer, mais une intuition lui murmura qu'ils ne dormaient peut-être pas. Cette intuition naissait des gémissements lubriques qu'il percevait. Gêné, il s'écarta pour ne plus entendre cette indécence, et patienta sagement. Ils ne s'amuseraient pas toute la nuit. Si ? De toute façon, il fallait agir quand le Jeune Maître nageait parmi ses rêves, sinon il le dissuaderait.

— Ah ! mon amour, je ne suis pas en sucre ! gronda Wulong, à bout de souffle.

— Tu ne tiens même plus debout, railla son amant.

— Oh, tais-toi ! Et active-toi !

Aussitôt l'ordre donné, le jeune guerrier accentua ses mouvements qui se transformaient en amples et profonds va-et-vient. Dans cette chambre, se jouait une musique virtuose composée par les plaintes de l'alchimiste et les râles de son cadet. Ils avaient eu l'envie de prouver leur passion au milieu de la pièce, mais Wulong s'était aperçu de la faiblesse de son corps. Ils s'étaient en conséquent rapprochés du bureau ; l'aîné y avait appuyé son torse et empoignait les bords, faisant remuer le meuble à chaque pénétration.

Si son amant avait mis longtemps pour remarcher sans tomber et qu'il avait trébuché quelques jours, désormais il comptait bien utiliser sa nouvelle énergie pour combler Wulong. Celui-ci se perdait dans le désir. Depuis l'avènement des Ombres, depuis qu'elles l'avaient touché avec le corps de son amour, il espérait goûter derechef à cette sensation exquise. Il ne voulait pas diminuer les éclats de sa voix. Yichen stimulait ses bourgeons sensibles et il embrassait inlassablement ses omoplates, lui provoquant des frissons à l'échine.

— Rappelle-toi que tu es censé accepter tout ce que je te fais, soupira-t-il à son oreille.

À ces mots, le plus jeune réduisit son allure et l'alchimiste geignit, il le faisait languir. Il cognait la zone favorite de son aîné d'une véhémence lascive. Malheureusement pour leur plaisir commun, Wulong ne tarda pas à se relâcher sur le bois, alors que Yichen chassa la jouissance de son amant. Il gémissait de plus en plus fort et finit par répandre sa semence en lui. Essoufflés, ils ne se séparèrent pas pour autant. Il fallut que l'alchimiste soit dérangé par la position et par sa fatigue pour que son homme daigne se retirer de son antre.

L'aîné souhaita joindre le lit et s'endormit dans l'instant, épuisé, mais le jeune guerrier ne partageait pas son avis. Il glissa ses bras autour de ses hanches, en profitant pour frôler la naissance de son postérieur galbé, et ils s'embrassèrent avec leur fidèle tendresse. Leurs langues jouèrent jusqu'à ce qu'ils n'aient plus de souffle. Et ils auraient continué, si un individu ne les avait pas ennuyés en toquant à leur porte, à cette heure-ci. Yichen soupira, mais s'apprêtait à ouvrir...nu. Roulant des yeux, Wulong l'en empêcha et lui marmonna :

— Tu n'as pas intérêt à te montrer dénudé à une autre personne que moi, vaurien !

Leurs regards s'accrochèrent et s'y lisait tout l'amour qu'ils se vouaient. L'alchimiste enfila seulement un pantalon et se coucha, couvert par les draps, et son amant risqua une dernière œillade sur ses courbes, puis il l'imita. Yichen fit enfin coulisser la porte et la surprise se peignit sur ses traits. Pourquoi le Seigneur se trouvait-il ici, tard dans la nuit ? Surtout que sa mine semblait défaite, comme si la misère du monde s'abattait sur ses épaules. Le guerrier voulut le questionner, mais Hiwang prononça une phrase qui le figea des pieds à la tête.

— Tuez-moi.

La fosse des LamentationsWhere stories live. Discover now