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      Je m'étais réfugié dans la chambre d'amis avec un poids douloureux qui cognait ma cage-thoracique, presque prêt à la briser. Je me sentais mal, mon âme allait mal, mais j'avais surtout l'impression d'avoir fait n'importe quoi. Comme une énorme bêtise qui signait la fin. Parce que je venais de dire au revoir à Taehyung alors que je n'avais aucune envie de le voir disparaître. Le Jungkook audacieux, franc et capricieux qui s'était exprimer il y a un instant avait à présent disparu pour me laisser affronter seul la situation. Et je n'étais pas assez courageux pour ça.

      Ni les appels incessants de la voix grave appartenant à celui que je fuyais, ni le bruit de ses pas étouffés par ses chaussettes ne m'aidais. Je fermais brusquement la porte en m'appuyant de tout mon poids derrière celle-ci. La poignée se tournait à deux reprises avant que de petits coups ne résonnent dans mon dos, comme si Taehyung demandait l'autorisation pour me rejoindre dans la pièce.

— Jungkook, ouvre-moi s'il te plaît je ne veux pas te faire mal en forçant l'entrée.

— Alors ne rentre pas... couinais-je, la voix proche du sanglot. S'il te plaît, laisse-moi...

      Je me sentais beaucoup trop mal pour lui faire face. Taehyung était un homme formidable, c'était ma faute, j'en étais certain : je comprenais toujours tout de travers. Alors je ne vois pas pourquoi il s'entacherait de quelqu'un comme moi. D'un fardeau à l'état pur. Cette fois encore, j'avais poussé le bouchon un peu trop loin. Cependant, est-ce que je n'aggravais pas mon cas ? Est-ce que je n'attisais pas encore plus sa colère ? Est-ce qu...

— Min Yoongi m'a emmené à une réunion avec Kim Namjoon, c'est un autre de mes collaborateurs, expliquait-il derrière la porte qui formait une barrière entre nous. Nous travaillons sur un projet énormément ambitieux depuis déjà des mois... Nous préparions l'après...

— L'après ? Répétais-je sans vraiment comprendre.

— C'est bien ça... Écoute moi du début à la fin Jungkook, d'accord ?

— O-Oui.

      Il semblait prendre une profonde inspiration alors que j'entendais du bruit derrière la porte, comme s'il s'asseyait.

— Tout est parti de notre contact commun, il s'appelait Oh Se-Hun, c'était un de mes amis de longue date. Nous nous étions rencontrés lorsque nous avions à peu près treize ans, nous étions inséparable jusqu'à notre majorité, seulement nos choix d'avenir nous ont assez... Éloignés. J'ai été surpris de voir qu'il m'avait contacté à nouveau, il y a un peu moins d'un an, disons qu'une violente dispute nous avait pourtant séparés. Sehun m'a donné rendez-vous dans un lieu privé, c'était une réunion où je ne connaissais personne encore à cette époque. Nous étions quatre : Sehun, Namjoon, Yoongi et moi. L'atmosphère était tendue, chacun de nous comprenais mal ce que nous faisions là avec ces personnes qui nous étaient pourtant différentes de nous-même en tout point. Sehun était un politicien proche du gouvernement, il nous a fait part de ses craintes sur l'avenir de la Corée du Sud. Paraissait-il que le président jouait à un jeu dangereux avec une puissance qui avait recours à des solutions plutôt extrêmes pour punir ses ennemis : il les faisait disparaître comme bien d'autre avant nous. Très vite, ses craintes se sont fondées, le Premier ministre venait de recevoir une menace en guise d'avertissement : c'était cinq mois avant la catastrophe. Yoongi était le PDG d'une entreprise frauduleuse dans le domaine de l'électricité et de la télécommunication. Il avait terminé premier de sa promo à l'université, mais il était surtout un hacker hors-pair. Namjoon était à la tête d'une équipe médical dans le meilleur hôpital de Séoul, je pense que Sehun avait repéré en lui son âme de leader. Quant à moi... J'étais le chef d'un réseaux illégal dans le commerce d'armes à feu... Sehun nous a très vite fait comprendre l'importance capitale de notre mission : nous devions nous préparer à survivre après le chaos et la chute de notre pays. Nous avions l'avantage, puisque nous avions du temps devant nous pour nous assurer la réussite. J'ai convaincu mon frère, Seokjin, de nous prêter main forte, puisqu'il détient une ferme de plusieurs hectares. Il ne s'est pas fait prier pour accepter ma demande. Bien sûr, il a été choqué par cette découverte, mais Jin à trouvé que c'était le meilleur moyen de survivre. Nous avons passé plus d'un mois à trouvé un lieu adéquat pour réunir le plus grand nombre de personnes, le plus possible. Puis finalement, nous sommes tombés sur Cypher. Un énorme bloc avec beaucoup de pièces, trois étages, une grande cour, c'était éloignés de la ville. C'était le lieu parfait. Pendant les deux mois qui avaient suivi, nous devions constituer notre propre groupe dans le plus grand des silences. Nous étudions nos cibles aux préalables, leur travail, leur études, leur passé, leur mental. Tout y passait pour être certain de ne pas faire d'irréparables bêtises. Nous jouions à un jeu risqué avec le gouvernement, si jamais nous nous faisions prendre, nous serrions mort à coup sûr. L'un de nous a disparu dans le sang : Oh Se-Hun. Nous avions été idiots de penser que nous pourrions réussir sans nous faire coincer, mais même sous la pression Sehun ne nous a pas trahi... Son rêve était qu'une partie de notre nation puisse survivre... Et en l'espace de quelques mois, ses espérances nous avaient mis des étoiles dans le cœur. Je n'avais rien à perdre, j'ai continué à tenir des réunions avec Yoongi. Sehun nous avait donné l'occasion de continuer, il ne devait pas être mort en vain. Namjoon devait rester plus en retrait, éviter de se faire repérer alors nous ne nous contactions que très peu, mais je savais qu'il faisait toujours parti des nôtres. Nous avions besoin de plus de cerveau malgré tout, il y avait cette femme à qui Sehun vouait une confiance aveugle : Lisa. Elle connaissait notre existence, savait tout de notre projet. Elle patientait simplement dans son coin en attendant qu'on la contacte. Et puis ce soir-là, dans le café où tu travaillais alors que nous tenions une de nos réunions quotidiennes, la réalité nous avais mis une claque. Le moment était arrivé. Le pays était fini. Le projet n'était pas tout à fait peaufiné, il restait beaucoup de détails et de zones d'ombre à éclaircir... Du moins, jusqu'à hier. À présent, tout est prêt. Cypher est prêt à nous accueillir. Nous sommes cent-neuf. J'ai vingt-neuf hommes, Yoongi dix-neuf personnes avec lui, Namjoon vingt-trois et Jin vingt-cinq. Rajoutes-y treize enfants. Dix employés de la ferme de mon frère seront en transit chaque semaine pour approvisionner Cypher et s'occuper de la restauration. De cette manière, nous avons construit notre propre système : nous avons l'électricité, la nourriture, la communication, la défense et l'hospitalier. Sehun était un brillant génie. J'ai continué pour lui, pour l'honorer... Mais aussi parce que je crois en ce projet dur comme fer. Cypher représente l'avenir.

      J'avais pris soin de ne pas l'interrompre pendant son récit, je me contentais de l'écouter attentivement. Il avait raison, ce projet était incroyable et bien trop important. L'homme qui l'avait élaboré était une lumière, une lumière qui s'était éteinte. Je n'aurais jamais pu imaginer que Taehyung pouvait être lié à ce genre de projet, non pas que je ne l'estimais pas capable de ça, non, c'était simplement trop énorme pour que mon imagination puisque ne serait-ce qu'y penser.

— Est-ce que tu t'es endormi ? Soufflait-il.

— Non, je réfléchissais à mes bêtises.

      Je me décalais en attrapant la poignée ronde pour la tournée et ouvrir la porte. Taehyung ne devait pas s'y attendre puisqu'il s'étalait au sol prêt de moi emporté par le vide.

— Je suis désolé pour mes réactions, je ne savais pas...

— Bien évidemment que tu n'en savais rien, je ne t'ai rien dit alors que j'aurais dû le faire. Ce n'est pas à toi de t'excuser, mais bien à moi, je te demande pardon. Je ne veux pas que tu penses que tu ne vaux rien Jungkook, tu es trop précieux pour ce monde crois-moi sur parole.

      Je détournais le regard, les joues envahies par le rouge. Les paroles de Taehyung avaient toujours cette sorte d'effet sur moi, un effet papillon comme j'aimais bien l'appeler. J'avais lu dans des livres à l'eau de rose que cette sensation était décrite comme celle d'avoir des papillons dans notre ventre. C'était complètement absurde, mais c'était une jolie façon de voir les choses.

— Je m'étais souvent fait la remarque que c'était étrange que ton téléphone soit toujours opérationnel alors que le pays avait été coupée du monde.

— Yoongi a créé un canal privé qui est maintenu par son équipe. Seuls Namjoon, Yoongi, Lisa, Jin, Yeonjun et moi y sommes branchés.

— Qui est Yeonjun ?

— Yeonjun est mon... Chef d'équipe, si tu veux. Il gère mes hommes pendant que je suis ici.

      Le regard de Taehyung me sondait, analysant les moindres traits de mon visage à la recherche de détails précieux. Je pouvais voir qu'il se sentait mal, qu'il avait presque peur.

— Tu ne me déteste pas ? Tu n'es pas déçu par mon ancienne vie ? Par mon égoïsme de ne pas avoir crié à tout le monde que notre pays allait s'effondrer ?

— Q-Quoi ?! m'exclamais-je réellement surpris. Taehyung, tu... C'est... Je veux dire, je ne peux pas te juger sur ton passé, je me fiche de ce que tu as pu faire parce que j'ai appris à te connaître et tu n'as rien d'une mauvaise personne. Grace à toi, plus d'une centaine de personne on échapper au cauchemar, ils vont pouvoir vivre presque normalement. Comment quelqu'un pourrait t'en vouloir ?

      Il me remerciait par le regard, je pouvais le sentir : les yeux étaient plus sincères que les mots. Sa paume venait se poser sur ma nuque en y appliquant une légère pression à laquelle je ne résistais pas et me laisser tomber sur son torse pour l'entourer de mes bras.

      Il y avait une seule chose qui me torturait l'esprit, qui me brûlait la gorge. Une seule question que j'avais peur de poser au risque de connaître la réponse.

— Est-ce que ça veut dire que toi aussi tu vas devoir partir pour Cypher ?

      Il plantait ses orbes fauves hypnotisant dans mes pupilles d'un fade grisant. À ce moment-là, je m'étais perdu moi-même afin de me noyer en lui.

— Oui, et je t'emmène avec moi.

Thorns Of Chaos - TaekookWhere stories live. Discover now