Chapitre 32 - Palpitations

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Livaï s'empara de la tasse en prenant bien soin de placer ses doigts sur le bord du récipient, avant de tremper ses lèvres dans le breuvage brûlant.

Il n'y avait pas à dire, il était foutrement bon, ce thé. Le jeune homme se demandait s'il l'appréciait uniquement pour sa haute qualité, ou simplement parce que se voir offrir un tel cadeau l'avait particulièrement touché. Surtout qu'il venait d'elle.

Peut-être était-ce un peu des deux. Ou peut-être - et surtout - la deuxième hypothèse, à vrai dire. Qui sait.

Le caporal n'avait même pas tenté de réfléchir à tout ça. A quoi bon se torturer l'esprit? Il finissait toujours par se heurter à une impasse, de toute manière. Il avait abandonné d'office.

Pour éviter de se noyer davantage au cœur du chaos qui régnait dans sa tête, il avait opté pour le passe temps le plus ennuyeux du monde: la paperasse.

Aussi étonnant que cela puisse paraître, remplir les foutues lignes de divers rapports aussi insignifiants les uns que les autres avait le doux pouvoir de vider les esprits les plus tourmentés tant cela était abrutissant. Le mouvement mécanique de sa plume dessinant toujours les mêmes mots sur le grain du papier était presque aussi apaisant que de donner un bon coup de balai dans une pièce poussiéreuse, et lorsque Livaï en arriva à cette conclusion, il se demanda s'il n'était pas définitivement devenu fou.

Quelques exclamations se firent entendre à l'extérieur, l'extirpant de sa rêverie. Lorsqu'il réalisa qu'il avait écrit trois fois le même mot à la suite, il soupira et se dit que, finalement, cette tâche était tout aussi merdique qu'à l'ordinaire. Presque naturellement, il se leva, la tasse à la main, et se plaça dans l'encadrement de la fenêtre pour observer l'origine de ce brouhaha.

Depuis son bureau, il avait une vue imprenable sur le terrain d'entraînement et chacun de ses angles morts, si bien qu'il pouvait détecter tous les glandeurs à un kilomètre à la ronde. La rumeur courrait que le caporal-chef Livaï était doté d'un sixième sens pour repérer tout ce qui concernait le tir au flanc, en long, en large et en travers, mais il avait simplement la position idéale pour griller tous les paresseux qui pensaient sécher les entraînement tranquillement. C'était bien pratique pour coller les bleus qui se croyaient malins à la corvée de ménage, en fait.

Mais lorsqu'il baissa la yeux vers le terrain d'entraînement en cette fin d'après-midi de novembre, ce n'était pas dans l'espoir d'envoyer un nouveau condamné au nettoyage des écuries.

Son regard fut immédiatement attiré vers la silhouette d'une jeune femme à la longue chevelure bouclée qui tirait l'oreille d'une adolescente braillarde sans aucun ménagement. Mélanie Koelher, s'il ne se trompait pas: un bon élément en tant que soldat, mais surtout une reine lorsqu'il s'agissait d'enquiquiner son monde. Si Ash n'était pas en train de la remettre à sa place, il aurait tôt ou tard finit par s'en occuper lui même.

Mais de ce qu'il voyait à cet instant, il n'en avait aucun besoin. La bouclée avait apparemment un certain talent pour se faire respecter de ses cadets, c'était inéducable: Mélanie s'était tue pour la première fois depuis son entrée au Bataillon. Quel exploit!

Il observa longtemps la balafrée dans son rôle de cheffe d'escouade, comme fasciné. Mêlant autorité et bienveillance à la perfection, sèche lorsqu'il le fallait sans pour autant renier l'empathie dont elle était naturellement pourvue, Ash imposait des exercices ardus sans jamais entrer dans l'exagération, adaptés au niveau de ses subordonnés qui semblaient progresser plus encore à chaque seconde. Elle mettait en pratique ses propres ordres aux côtés de son escouade, sans jamais laisser place à l'inertie; c'était étonnant de voir la façon dont elle était parvenue à mêler ses convictions à ses devoirs de haut-gradé au sein du Bataillon. Elle voulait rester l'égale de ses pairs, user de sa prétendue autorité le moins possible, et voilà que ses subordonnés la respectaient par la simple prestance qu'elle dégageait tout en restant sur un même pied d'égalité. Confiance, complicité, force, considération mutuelle, humilité, tolérance: tout était là. En quelques semaines seulement, elle avait presque créé une escouade d'élite, dont il restait simplement à affûter les capacités. Et elle qui ne se sentait pas capable d'endosser un rôle pareil! C'en était délirant.

𝔼𝕤𝕡𝕠𝕚𝕣 | Livaï x OCOù les histoires vivent. Découvrez maintenant