Aliénor déconcertée

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Elle arrivait assez rapidement rue de Rome. La chambre louée par Marie était au dernier étage d'un immeuble face à la gare. Ce n'était pas le grand luxe, un lit, une table, une chaise, une mini cuisine composée d'un évier et d'un rond de cuisson, quelques placards et c'était tout. Quand à la douche et aux toilettes tout est sur le palier. Ce n'était pas insalubre mais c'était loin d'être confortable et propre.
« Merci de venir m'aider Aliénor tu es gentille.
- Y' pas de soucis. Dis moi ce que tu as besoin de faire. Marie commençait à énumérer ce qu'elle avait besoin de faire, une jolie liste. Ok Marie on va faire tout ça, sors ton ordi on va faire tout ça par Internet.
- Je n'ai pas d'ordinateur et encore moins Internet.
- ... c'est une blague.
- Non, ma famille refuse tous ces objets qu'elle juge inutiles.
- Sauf que beaucoup de choses se font directement sur Internet maintenant. Il y'a donc deux solutions qui s'offrent à toi, 1° tu viens chez moi et on fait toutes tes démarches sur Internet dans l'après-midi, 2° tu tiens absolument à faire tes démarches au guichet et je t'accompagne, tout en sachant qu'il est possible que certaines se fassent uniquement sur Internet et que cela prendra plus de temps. Il faudra se déplacer et faire la queue. Ou 3e solution, on coupe la poire en deux.
- Je préfère qu'on fasse comme ça. Mais ça ne te dérange pas ? On se connait à peine. Et tu as sans doute plein de choses à faire.
- T'inquiètes pas pour moi. Il faut juste que je cherche où il faut aller. Tu comprends je fais tout par Internet. D'ailleurs on va peut -commencer par là, faire les démarches en ligne et chercher où aller. Parce que j'ai beau habiter Paris depuis 4 ans, je connais pas les adresses de toutes les administrations. Ca te va ?
- Ca me va.».
Les deux jeunes femmes partaient à pieds chez Aliénor dans le quartier de St Michel. Aliénor bien qu'elle soit sportive avait un peu de mal à suivre Marie habituée à la marche. Arrivées chez Aliénor, Marie pouvait constater la différence avec sa studette. Il se trouvait au dernier étage d'un vieil immeuble parisien du quartier St Michel. Equipé de manière simple ce studio appartenait depuis la fin du XIX e siècle à la famille d'Aliénor qui l'utilisait pour ceux de ses membres qui étudiaient à Paris, loin du vieux castel aquitain de Montbazac. La décoration était simple, le blason des Montbazac, une photo du château, quelques images accrochées au mur, Aliénor qui posait sur sa moto, une vieille peluche, un modèle réduit de voiture, une guitare. Rien ne pouvait laisser penser que l'habitante des lieux aimait les filles, sauf peut-être le drapeau arc-en-ciel du mouvement homosexuel. Aliénor laissait Marie faire le tour du studio.
« C'est bien arrangé. Tu as de la chance d'avoir un studio et aussi sympas. Ca change de ma chambre.
- C'est le pied à terre parisien des Montbazac depuis 110 ans.
- C'est votre blason et votre château ?
- Oui. Il est dans notre famille depuis le XIIIe siècle.
- Vous portez un titre de noblesse ?
- Mon père est le 21e baron de Montbazac. Et mon frère Henri sera un jour le 22e.
- Tu es donc une authentique noble.
- Oui.
- Vous êtes 2 enfants ?
- J'ai aussi une sœur Bérénice. Je suis l'aînée. C'est cette origine aristocratique qui fait que je m'intéresse à l'Histoire.
- J'ai l'impression que tu es très attachée à ton château et ta famille.
- Oui et c'est réciproque pour ma famille.
- Dis moi le drapeau accroché au mur, c'est le drapeau de quel pays ?
- Euh ... c'est juste le drapeau du groupe auquel j'appartiens, je t'expliquerais ça plus tard. Par contre pas besoin de t'expliquer la photo de la moto, c'est la mienne. Mon père me l'a donner.
- Tu as de la chance d'avoir cet appartement et ta moto. Même s'ils le voulaient mes parents ne pourraient pas m'offrir tout ça.
- Il m'a même laissé sa vieille R5 pour descendre les voir.

Heureusement Marie ne semblait pas du tout connaître le drapeau, mais bon par précaution elle avait quand même détourné le sujet. Elle proposait à Marie d'allumer son ordi. Maintenant Aliénor avait compris une chose. Marie devait cacher quelque chose de douloureux. L'ordinateur allumé, l'imprimante-scanner branchée, les papiers que Marie avait pris soin d'emmener, les formalités ont été assez rapidement expédiées. Si Marie restait discrète sur ce qui la préoccupait elle acceptait enfin d'en dire un peu plus sur elle. Elle se sentait plus en confiance avec Aliénor qui semblait l'écouter avec attention et dont la douceur semblait l'apaiser. Aliénor douce ?! Aussi étrange que cela puisse paraître Aliénor semblait réagir de manière différente au contact de Marie. Marie avait 3 frères et 2 soeurs plus jeunes qu'elles, Guy, mécanicien dans la Marine Nationale, Robert, apprenti boucher, Michel, Yves, Jeanne et Anne encore élèves au collège et en primaire. Son père Guy était retraité de la Marine Nationale. Il avait été mécano sur le navire école « Jeanne d'Arc », la frégate antiaérienne « Jean Bart », le transport léger «Dumont d'Urville », la frégate anti sous-marine « Montcalm », avant de finir sa carrière sur la frégate multimission « Aquitaine ». Sa mère avait été femme au foyer.
Aliénor lui expliquait de son côté en quoi le téléphone et l'ordinateur portables pouvaient lui êtres utiles. Marie n'était pas convaincue.
« Le téléphone j'ai compris tu veux pas être dérangée n'importe où. L'ordinateur pour chercher des renseignements sur Internet, tu vas me dire que tu peux chercher ailleurs tes renseignements, sauf que c'est beaucoup plus rapide, et surtout le traitement de texte ... .
- Le quoi ?
- Le traitement de texte. C'est le terme que l'on utilise pour parler de ce qui nous permet de taper les textes à l'ordinateur. Pour faire simple. Rien que pour écrire les cours ou nos travaux il est beaucoup plus simple de le faire avec un ordinateur. 1° c'est bien écris, tu peux te relire et les autres aussi. 2° tu fais une erreur, tu peux effacer. 3° tu as besoin d'envoyer ton travail à quelqu'un tu peux le faire par courrier électronique. Notamment si la personne est loin ou n'a pas les mêmes horaires que toi.
- La Poste n'a pas été inventée pour rien.
- Oui mais ça met plus de temps.
- Parce que maintenant tout doit être fait rapidement.
- Eh oui. Mais dis moi vous n'aviez pas d'ordinateur à l'institut catho de Rennes ?
- Si mais je ne m'en servais pas.
- Ils ne disaient rien ?
- Non.
- En même temps c'est pas les plus modernes. Ils ont quelques décennies de retard sur pas mal de points. Ce qui m'amène à dire pour que suis complètement athée et que je l'ai toujours été. Tu es sûre que les ordinateurs et téléphones portables ne servent à rien.
- Sûre, d'autant plus que ça coûte cher.
- C'est vrai que tes moyens sont réduits. Mais dis moi si tes parents sont pauvres comme tu me l'a dit comment vas-tu payer le loyer de ta chambre ?
- Mon parrain paie tous les frais. Sans ça je n'aurais jamais pu venir faire mes études ici.
- Je comprends. Mais si c'est ton parrain qui paie et qu'il a les moyens peut-être que ... .
- N'y pense même pas. Fit Marie dans un sourire. Je suis une jeune fille sérieuse.
- Justement je te trouve un peu trop sérieuse.
- Coincée tu veux peut-être aussi dire.
- Je n'osais pas.
- Tu as raison. C'est d'ailleurs une autre des raisons qui m'ont poussée à quitter Rennes. Mes parents sont des catholiques intransigeants. Chez eux il n'y a pas de téléphone, pas de télévision, pas de radio, bien sûr pas d'ordinateur, ... . J'ai voulu me sortir de tout ça. Si sur certaines choses ils ont raisons ils ont je pense tort sur d'autres. Il ne faut pas tout refuser de la modernité, il faut accepter ce qu'elle peut nous apporter de bon et laisser de côté ce qu'elle a de mauvais, comme cette folie de vouloir toujours aller plus vite. Qu'est-ce que tu as Aliénor ?
- Ca décape ce que tu viens de dire. J'ai jamais entendu une fille de notre âge parler comme ça, avec autant d'intelligence et de sagesse. Surtout tu rejoins ce que je pense. J'ai une allure de citadine branchée. Et c'est vrai j'aime mon blouson de cuir, mes jeans, ma moto, mais en dehors de ça je ne rêve que de retrouver mon village, d'une vie au grand air avec les quelques apports positifs de la science moderne. »

Elles avaient finies les démarches par Internet, maintenant elles allaient s'occuper de celles que Marie voulait à tout prix faire sur place. Dans la file d'attente de la Sécurité Sociale elles discutèrent à nouveau.
« Il n'y a pas que dans un ordinateur que tu devrais investir Marie, il y'a aussi je pense tes vêtements.
- Pourquoi ? Ils ne sont pas usés.
- Ce n'est pas ça. Tu ne t'es pas rendue compte que tu dénotais sérieusement par rapport à notre génération ?
- Comment cela ?
- Tes fringues, ça fait vieillot, je dirais même qu'on voit que tu viens d'un milieu catholique, tu fais petite fille sage.
- Normal je suis une jeune fille sage et catholique. Disait elle en souriant.
- Un peu trop pour que tout ça soit bien catholique répondait Aliénor en partant dans un éclat de rire. Sa répartie faisait aussi rire Marie.
- Admettons que je change de vêtements, quel style tu me recommanderais ?
- Je ne sais pas, tout dépend de toi, de ce que tu aimes. Tu as le style gothique, tout en noir, le style girly pleins de couleurs, le style que j'appelle bobo ou africain, t'as le style motarde, comme moi, le style nature, qui tire vers le montagnard, le style rappeuse et le style classique, comme on peut voir des dizaines de milliers de femmes dans les rues.
- Je ne vois pas trop à quoi tout ça peut ressembler.
- Je te montrerais. Mais si tu n'as pas envie de changer, ne change pas. Il ne faut pas changer pour les autres mais pour toi, tu dois être comme tu as envie d'être. C'est une leçon que j'ai apprise et c'est sans doute la meilleure que j'ai reçue.
- Je ne sais pas encore si je changerais, tu as raison, il faut être soit, pas ce que les autres veuilles que l'on soit.
- Tu as déjà vécue ce genre de situation ?
- Oui. Mais je ne veux pas en parler.
- Il n'y aucun problème, tu m'en parlera si tu veux, je ne te forcerais jamais la main.
- Merci c'est gentil. »

Après les files d'attentes, la difficulté à se faire comprendre par les personnes derrières les guichets, Aliénor proposait à Marie de se détendre en allant à la piscine nager un peu. Les filles étaient passées chez l'une et l'autre pour prendre serviette et maillot. Marie en profitait également pour acheter un abonnement au tarif étudiant. En sortant de la cabine et malgré le maillot une pièce de son amie Aliénor pouvait constater qu'en effet Marie était jolie. Cheveux détachés, lunettes enlevées, son maillot dévoilait de jolies formes rondes, une poitrine généreuse.

Aliénor en la voyant repensait à Sabine la touriste allemande avec laquelle elle avait couchée une nuit d'été

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Aliénor en la voyant repensait à Sabine la touriste allemande avec laquelle elle avait couchée une nuit d'été. Elle se souvenait avoir aimé ce corps rond, loin des standards de la mode. Bizarrement cela lui plaisait, sans être à tomber par terre elle trouvait Marie très jolie. Marie lui faisait penser un peu à elle avant sa rencontre avec Delphine. Et comme Delphine il y'a 3 ans, elle était en train de tomber sous le charme de cette jeune femme. Les filles nageaient jusqu'à la fermeture. Marie n'était pas à l'aise dans l'eau, elle ne nageait pas très bien et bizarrement pour une sportive elle ne tenait pas longtemps. Mais elle ne se plaignait pas. Elle avait l'air d'apprécier le fait de sortir la tête des études, des formalités, ... même si visiblement la piscine ce n'était son truc. Aliénor au contraire s'éclatait et comme à son habitude nageait à fond les ballons. Sur le chemin du retour elles discutaient Histoire, pourquoi chacune aimait l'Histoire et en particulier l'époque médiévale. Aliénor avait raccompagnée Marie jusqu'à chez 'elle. Marie était heureuse d'avoir trouvée une amie. Aliénor était heureuse, elle sentait son cœur vaciller, ce qui faisait longtemps.

Aliénor, le romanOnde as histórias ganham vida. Descobre agora