La fille de joie a l'identité perdue

30. Au nom de l'amour

Il est bientôt 3h. Je m'empresse de mettre dans un sac les derniers vêtements qui restaient sur mon lit alors que Claire essaie de me résonner :

_Vous êtes tous les deux en colère...Ne prends pas de décision hâtive je t'en prie...

_Je ne changerai pas d'avis.

_Tu ne peux pas partir définitivement comme ça...

_C'est pourtant ce que je fais.

Claire referme le sac pour me forcer à la regarder :

_Après tout ce que notre famille a vécu, tu veux finalement briser ce qui nous reste !

_Je te rappelle que notre famille était déjà brisée. Donc ça ne fait pas de grande différence.

_Papa est dur et il exagère par moment...

_Par moment ? Tu blagues j'espère ! Dis-je d'un ton cynique. Dois-je te rappeler que c'est lui qui nous a privé de notre mère pendant deux années ?

Claire cherche ses mots, incertaines de pouvoir me convaincre d'aller a l'encontre de la décision la plus importante de ma vie jusque-là:

_Il ne voulait pas que ça nous affecte...On s'en est remis...

_Tu t'entends quand même ? Tu fuies maman depuis 4 ans et tu retires le tort a papa ? Je croirais presque que tu veux lui ressembler...

_Ce n'est pas parce que tu peux supporter de la voir dans sa souffrance que j'en suis capable !

La voix de Claire se fait plus tremblante alors qu'elle se laisse échouer sur le lit :

_Tu as toujours été plus fort que moi Richard. Je ne saurai pas comment m'en sortir si tu pars. Laisse-moi parler à papa, on pourra..

Je me penche vers Claire avec un brin de compassion en lui tenant le visage :

_Tu sais que je t'aime. Je serai toujours là pour toi. Mais je refuse de continuer à mener une vie de faux semblant. Je ne suis pas heureux ici. Et de toute façon l'un de nous serait parti un jour ou l'autre. J'ai choisi une vie avec Léane. Tu peux comprendre ça. Mais ne garde pas de faux espoir à propos de papa.

Je l'embrasse sur le front alors que les larmes perlent sur ses joues. Mais je ne reviendrai pas sur cette décision. Mon père est allé trop loin. Je conduis avec une impatience non-dissimulée par des coups de frein et de volant maladroit. Je me suis mis dans une situation stressante et il me faudra y remédier avant que Léane ne pose trop de question. Penser à Léane en ce moment me rend nerveux car je me sens coupable. J'ose espérer que ça finira le plus vite possible.

Je sens que j'ai fait une erreur. Pour la première fois de ma vie, j'ai suivi mon père dans les ténèbres, sentant qu'il fallait vraiment faire payer à ce salaud toutes les montagnes russes qu'il a dû me faire traverser à moi et a Léane. Seulement, je n'avais pas prévu la seule issue logiquement possible. Pourtant à cet instant, je suis décidé. Dans la vie, il est toujours mieux d'assumer ses choix jusqu'au bout au lieu de vaciller. Mais je me rends compte que je regretterai longtemps les conseils de mon père car au lieu de vouloir m'aider, je crois qu'il voulait faire ressortir la bête noire qui sommeillait en moi. Je dois bien lui ressembler un peu plus que je ne le pensais.

C'est encore en plein vol dans le ciel confus de mes pensées que je décroche le téléphone sous l'appel de Giovani. On dit souvent que la peur attire davantage ce que nous craignons et je viens d'en avoir la preuve. Je me dépêche d'accélérer, conscient que je vais devoir jouer les plus grandes cartes de ma vie pour me sortir de ce merdier. Il ne me fallait qu'une journée de plus. Une toute petite journee.