4. Une journée gâchée

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Sans me doucher, j'enfile des vêtements que je prends au hasard dans la somptueuse garde-robe en acacia. Si je prends le temps de choisir, ça risque d'être difficile, tant il y avait de vêtements de toutes sortes. Quelle femme devait avoir ce beau petit monde? Bref, ce n'était pas mes affaires.Après avoir redressé mes cheveux sur ma tête, je prends le temps d'enfiler mes bottes. 

La demeure propice au tourisme ne me fait plus un effet paradisiaque lorsque je réalise que j'ai loupé mon rendez-vous de 9 h. Alors que j'avais prévu de profiter d'un déjeuner digne de ce nom (question d'économies anticipées). Je me sens tout à coup de très mauvaise humeur lorsque je heurte accidentellement Richard dans le couloir menant au salon, alors que je filais en douce.

_Oups! Fit-il en retirant ses écouteurs.

_Oh Merde! 

_Tu comptais te sauver comme ça?

_J'ai à faire. Tu dois aussi avoir à faire. Alors évitons les bavardages inutiles.

_Comme tu veux.

Richard est le genre de mec a travailler ses pectos et ses abdos tous les matins vu la quantité de sueur qui émanait de son abdomen. Il avait un beau physique que je prenais un curieux plaisir à admirer maintenant. La tête penchée sur son téléphone, il semble ne pas remarquer mon regard inquisiteur.

_Tu vas longtemps me regarder comme ça? 

Il lève la tête en même temps qu'il empoche son téléphone. Je le regarde sans ciller, me rappelant que j'étais énervée.  

_Bien fit-il simplement.

Il se dirige en sens inverse alors que je reste clouée sur place:

_Désolée d'être aussi chiante, mais j'ai raté mon rendez-vous à cause de toi!

Mon doigt se fait aussi menaçant que ma voix lorsqu'il se retourne:

_Excuse-moi d'avoir accepter de bon gré des cachotteries! Tu ne voulais pas me dire l'heure de ton fameux rendez-vous.

_Ce que je fais ne te concerne pas. Tu as aidé un bon prochain, qui te dit merci en passant et la vie continue! On ne va pas en faire tout un drame!

_C'est toi qui fait un drame de...quoi déjà? Bizarrement, hier soir tu étais un peu plus détendue avant de t'endormir...

Rien que d'évoquer la soirée précédente me fis voir rouge. 

_On va arranger cette histoire en appelant je ne sais qui et je vais lui expliquer ta situation.

_Tu ne comprends donc pas? T'en a assez fait. J'en veux pas de ton aide. Eh merde! Je fais quoi encore ici!

Je prends la direction de la porte sous son regard agacé lorsque je réalise que je n'ai pas un sou et retourne vers lui:

_J'ai besoin de 500 Gourdes! 

_Pardon?

_Non, 750 Gourdes. Considérons cela comme un dédommagement. 

Je cache au mieux ma gêne à devoir lui demander de l'argent sous un prétexte le moins valide.

_Si on parle affaire présentement c'est toi qui aura une dette envers moi Léane. Je t'ai sorti d'un fâcheuse situation, je t'ai aussi hébergé.

_Tu m'as mis en retard. 750 Gourdes doivent être de la paille pour toi. Alors?

_Tu fais une très mauvaise négociatrice. Très très mauvaise même. Tu sais une bonne négociatrice doit croire en ce qu'elle raconte. Principe de base. Même  si tu mens, tu dois y croire avant de me faire y croire.

_On aurait dit un prof de crime. Je te réserve une heure! Pas plus. Payée d'avance. A 2000 Gourdes.

_Deux heures Léane. Je veux deux heures avec toi. Je t'en offre 2500. D'avance. Et c'est quand je veux.

Sur ceux, il retire 5 billets de 500 Gourdes de son portefeuille et me les tend.

_On se reverra. Dit-il aussi rassuré que j'y crois sur place.

_Ce sera la dernière fois.


Il est de ces journées ou la lancée est irrécupérable. La course contre la montre. Les imprévus apocalyptiques. Les petits malheurs de la route. Ce furent tous ceux à quoi je fus confrontée avant d'arriver 30 minutes plus tard chez Madame Antoine, dégoulinante de sueur. A ce qui me saurait aux yeux, elles s'était arrangée sans monde.

Ah oui. A défaut de ne pas vivre assez de mon corps le soir, je travaillais quelques fois la journée. On dit que des doigts féeriques peuvent servir. Les miennes paient au moins deux fois la semaine. Ce qui me permet de compenser quelques frais entre la nourriture, les produits de beauté et mes vêtements. Mon métier exigeait des investissements et seule un produit bien présenté à de la chance d'être mieux vendu. Alors sur quelques rendez-vous à domicile, je donnait des services ci et là en attendant de voir où ça me mènerait. Car je ne savais pas vraiment pas où la vie me mènerait.

_Mh...Ou resi parèt?

En fait j'étais partagée entre la colère et l'envie de lui sauter dessus. Stacy était entrain de desservir ma cliente sous mes yeux, mine de rien. J'avais envie de lui arracher les yeux. J'avais besoin de cet argent. La somme avancée par Richard était un plus. Je devais envoyer de l'argent à ma  mère le plus tôt possible, histoire de payer sa prochaine consultation. Et ma colocataire de pute venait de me piquer ma roue de sortie. Je garde mon calme. En toute situation, il faut garder la tête froide. Ou du moins essayer.

_  J'ai eu un petit accident. Je vous prie de pardonner mon retard Mme Antoine.

Les tresses de Stacy, plutôt mieux que les miennes laissaient entrevoir le danger. Car elle excellait mieux que moi dans les coiffures à extension en général. Je détestais le sentiment d'échec que j'éprouvais.

_Plus besoin de te déranger à présent. Mwen jwenn yon moun ki pap fè mwen pèdi tan.

_Map jere sa Léane. Pa bay tèt ou pwoblem. Renchérit Stacy d'un air triomphal.

Et je vis mes mille Gourdes scintiller dans son iris. Au moment où mon instinct me dicta le scénario qui devait suivre, j'eus un instant d'empathie pour la cause de ses soucis qui prenait forme dans son ventre, réalisant que si une solution n'était pas trouvée sur le long terme, j'en pâtirai. Car à bien y réfléchir, c'était un signal de guerre qui venait de s'annoncer.

La fille de joie a l'identité perdueWhere stories live. Discover now