6. Répression et colère

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J'avais le nez collé à la vitre espérant fortement qu'il n'y ait pas de rempart.

Il y avait un lourd silence. Comment quelque chose d'aussi invisible pouvait être autant insupportable? Mais le pire, c'est que le silence cachait tellement de mots que le temps pris à le garder serait insuffisant pour les dire. En fait c'est dans ma tête que les mots défilaient à cent milles la seconde, sans ralenti. J'en avais l'habitude.  Ma mère ne m'avait-elle pas appris à taire mes émotions?

Glacée.

J'étais glacée. Je ne parle pas de la froidure dont la sensation physique était due à cette forte pluie. J'étais froide de l'intérieur. Peut-être est-ce le résultat de la colère que j'ai si longtemps abrité. Car cette fois, elle semblait vouloir échapper de sa carapace. Forcer le mur. Faire pression encore et encore. Cette colère dont j'avais peur. Je ne savais plus si c'était pour me protéger ou protéger ceux que j'aimais. Mais à la limite, je savais qu'elle me submergerait. Ma bombe à attardement ne m'épargnerais pas de ses éclats quoi que je fasse puisque c'était moi la bombe en soi.

Le problème, c'est que Richard venait de tout réactiver. C'était super. Non c'était l'enfer.

D'une part, j'éprouvais la liberté d'un fardeau à réaliser que j'avais encore des sentiments. Que je pouvais être capable d'aimer. D'autre part, c'était un réveil brusque de mon passé. Richard me rappelait le passé que j'ai vécu et l'avenir auquel j'aspirais. Je ne pouvais encore balancer si c'était une bonne ou une mauvaise chose qu'il soit rentré à nouveau dans ma vie. Surtout dans des circonstances inappropriées. En fait Richard me faisait une impression douce à la bouche mais très amère aux entrailles. C'est pourquoi j'ai cherché à l'éviter durant presque deux semaines.

Vu que je n'avais pas son numéro et lui non plus, j'allais pouvoir m'en tenir tant bien que mal. Même si j'avais espéré qu'il passe quelques fois près de mon lieu de travail puisque sa présence me réconfortais d'une certaine manière.

Mais il était à présent difficile pour moi de savoir si c'était une illusion ou la réalité, car Richard venait de foutre la pagaille dans ma piètre existence et que ce n'était pas simple. Tant que je pouvais me tenir à une certaine logique, je m'éviterais bien  des soucis. Tant que je pouvais le tenir à carreau de ma vie, je me sentais plus sûre de moi car c'était la meilleure  chose à faire.

_Quoi encore? Tu vas me faire la tête tout la soirée? 

Richard était exaspéré au volant et le trafic difficile n'arrangeait en rien la situation.

En théorie, tout aurait du être simple. Richard prend son du, il en profite de mon corps et puis bon vent! Finito. Il n'aurait qu'à inventer quelques prétextes pour ne plus jamais donné signe. D'ailleurs on ne se connaissait pas vraiment et c'est ce qui m'ennuyait  le plus et me mettait en rage lorsqu'il occupait mes pensées. Parce qu'il était dans ma tête tous ces derniers jours à pratiquement chaque instant. C'étaient des sentiments de craintes et d'espoir qui m'animaient tant à son sujet. En plus d'avoir un physique  désirable, et à défaut d'avoir un esprit supérieur à la moyenne, j'avais une imagination très active. Peut-être que c'est l'effet secondaire d'une lecture acharnée, car Stacy me le répétait assez souvent.

En dépit de tous les efforts fournis, je n'avais pas oublié ma première soirée chez Richard. Cette soirée qui l'avait imprimé quelque part dans mes pensées. 

Richard m'avait soigneusement ramené chez lui car je refusais d'aller à l'hôpital et porter plainte n'était pas envisageable. Seulement, il s'était sérieusement inquiété lorsqu'il avait réalisé à quel point j'étais secoué par cette tentative de viol. Je crois même qu'il pensait à ce que Patrick avait bien pu me faire il y a quelques années. Il m'a regardé avec tant de tendresse que j'en ai oublié le regard pitoyable que les gens avaient toujours eu à  mon égard.

La fille de joie a l'identité perdueWhere stories live. Discover now