29. Ma seule verité

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J'entends des voix murmurer des paroles incompréhensibles. Est-ce à cela que ressemble la mort ? 

Je n'ai jamais pensé à mon après-mort depuis quelques années déjà. Ce n'était pas l'ordre du jour. À ce moment, j'aurais laissé une mère pleurante, des frères et sœurs qui seraient un peu trop jeunes pour me pleurer pour de bonnes raisons. Ils n'auraient plus prononcé mon nom au bout de deux ou trois ans pour ne pas rappeler à maman de douloureux souvenirs. Je serais oubliée vite fait. J'aurais été une victime supplémentaire pour alimenter des ragots de quartier et attiser la pitié de quelques personnes.

Maintenant que le contexte était diffé0rent. J'aurais été au centre d'un meurtre perpétré de prostituée. C'est un sujet palpitant qui aurait attiré l'attention de plus d'un. Je crois que la nouvelle de ma mort aurait même atteint des rives étrangères. Les gens parleraient de moi comme référence à leur fille en disant : « tu te rappelles ce qui est arrivé à cette prostituée, Léane ? » Ma mort pourrait servir à alimenter le combat de plein de cause, notamment celles de l'inégalité des hommes et des femmes, l'insécurité, le chômage et j'en passe. Je serais une victime plus ou moins célèbre. Ça doit être un peu ca l'immortalité à laquelle j'aspirais quelques années plus tôt.

Mais ce n'est plus ce que je voulais. Cela ferait trop de mal à Richard. Il aurait eu des années sans répit à entendre remuer ces dossiers. Le plus terrible de tout ça, c'est qu'il serait confronté à celle qu'il a connu et celle qu'on décrira. C'est un dur supplice de ne pas savoir et surtout de ne jamais avoir de réponses. Avec le temps, Richard finirait par être dégouté de mon nom et des souvenirs qui l'accompagnaient. Il referait sa vie juste pour oublier. Même si j'ai essayé de lui montrer qui j'étais, il douterait à cause de mes mensonges. Non, ce serait trop. Je préfère la pitié des gens que je ne connais pas au lieu d'être une célèbre-morte détestée par la seule personne dont j'aurais dû hanter l'existence en bien.



Je me réveille en sursaut, comprenant que j'étais plongée dans l'un de mes terribles marasmes nourri par mon subconscient.

_He ! Tu es enfin réveillée.

Claire était penchée vers moi souriante. Je parcourrai la pièce du regard et eut un instant de panique avant de réaliser que je n'étais pas à l'hôpital. La chambre était mal éclairée et j'avais du mal à réaliser à quel moment de la journée nous étions. J'étais surement chez Giovani. Le souvenir des derniers événements me revenaient peu à peu... Ou était Richard ? J'essayai de me redresser lorsque Claire m'en empêcha :

_Tu dois te reposer, Léane.

_Richard...

À cet instant précis, je n'avais qu'un besoin brulant : dire toute la vérité a Richard. Il avait le droit de savoir. J'étais effrayée à l'idée qu'il puisse me détester. C'était insupportable.

_Chuut. Repose-toi.

_Il faut que je parle à Richard

_Il doit régler de la paperasse avec la police.


Les souvenirs de cette soirée me revenaient avec un gout amer : « Tu croyais que tu allais t'en sortir comme ça ? » Je revis le visage de cet homme penché sur moi, me causant des sueurs froides. J'essayai de me relever mais il me repoussa sur le sol :

_Je ne sais rien! Je vous le jure ! Stacy ne m'a rien dit...

Mon esprit essayait de formuler toutes les hypothèses probables et intelligibles des conneries que Stacy avait pu commettre ces deux derniers jours. Dans quoi avait-elle fourré son nez ? Était-ce pour m'avertir qu'elle m'avait appelé ? Je la tuerais de bon gré si je lui mets la main dessus. Comment a-t-elle pu me faire un coup pareil ?

La fille de joie a l'identité perdueWhere stories live. Discover now