22. Ce qui compte

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_Allo ?

Je m'empresse de décrocher à l'appel de Giovani. Histoire de ne pas réveiller Léane, je sors en fermant doucement la portière. Ça doit être important pour m'appeler à 6 heures du matin. Tout est sensé se passer pour le mieux entre ma vie privée et professionnelle. Je m'en assure toujours au mieux. Mais je me rends compte que ce n'est pas vraiment le cas depuis que j'ai entendu le mot de code. Je vais devoir passer la journée à mettre de l'ordre.

À mon retour Léane est réveillée. A-t-elle vu mes cents pas et ma discussion presque irritable au téléphone ?

_Hey ! Déjà réveillée ?

_Oui. Tu étais au téléphone ?

Elle n'a pas l'air inquiet. Ça me rassure. Je n'aimerais pas me trouver dans la situation ou des questions se succèdent.

_Oui, on doit faire plein de truc aujourd'hui avec Giovani.

Elle se recroqueville avec la couverture que je lui ai posée avant de dormir. J'adore la tête qu'elle fait à son réveil le matin. Les yeux et surtout les lèvres enflées. Les cheveux en batailles avec quelques mèches collées autour de son visage par la sueur. Enfin, un air innocent qui se rapproche de l'enfantillage. Elle est mignonne. Je dépose un baiser rapide sur son front et l'aide à attacher sa ceinture. Le temps m'est compte et tout le long du trajet, je dissimule mal mon ennui. Pas de commentaires à chaque phrase qu'elle dit. Pas de blague. Lorsque je m'arrête d'un coup de frein sec à la rue ou je la dépose d'habitude, elle ramasse ses affaires et demande dans un sourire condescendant :

_Qu'est-ce qui te tracasse de la sorte ?

Je prends un air surpris :

_Oh rien. Tout va bien.

_D'accord. D'accord.

Elle descend de la voiture sans un regard. Le temps d'un pas, elle se retourne et se penche à travers la vitre de la portière et lance :

_J'ai une grand impression que tu veux te débarrasser de moi le plus rapidement possible. Te gènes pas Richard.

_Ce n'est pas ça...Je n'ai pas...

_Non, non t'en fais pas. Ta vie ne me regarde pas. Passe une bonne journée et sors-toi de ton merdier.

J'ai eu l'impression de sursauter. Essayait-elle de m'arracher des mots depuis la matinee tout en sachant que quelque chose clochait ? Il avait surement raison, celui qui disait qu'une femme qui pose des questions connaît toujours la réponse. Ai-je failli à une sorte de test ?

Je la regarde s'éloigner d'un pas ferme sans se retourner. Que peut-elle au juste ? EN tout cas elle avait raison sur un point. Ma vie privée de ne la regardait pas. Et pourtant, elle avait peut-être envie d'avoir plus. Il faudra qu'elle ait le courage de s'admettre vaincue par ses propres limites. Je me racle la gorge comme une promesse pour moi-même. Cette fille risque de me mettre les bâtons dans les roues et je suis conscient que je ne suis pas prêt à prendre un risque pareil.

_Un bordel à la fois. On règlera ca plus tard.

Je démarre aussitôt que je la voie disparaitre dans le premier virage à sa droite. Elle saura au moins que j'ai eu la patience de m'assurer qu'elle soit vraiment partie. J'espère que ça fera aussi pencher la balance de mon cote.

Un peu plus tard, j'attends le retour de Giovani au Rio club en sirotant une bière et tapant rageusement sur mon clavier :

_Tu es ou bon sang ?

J'ai l'impression que le sang me monte par la tête de temps en temps et je dois faire un grand effort pour trouver la meilleure solution qui peut me sortir de cette passe car si mon paternel savait, les conséquences seraient graves. Et pourtant je me suis assure que tout était règle avant sa venue. Qu'est-ce que je n'ai pas vu venir ? Je change de cap et épie la présence de Léane via WhatsApp. Elle est en ligne. J'essaie d'imaginer ce qu'elle est en train de fabriquer de sa journée. Mais je n'ose pas entamer la conversation. Il ne faudra pas le faire le temps qu'elle lâche l'affaire car elle n'oubliera pas. Mais je reste à croire que ça pourra lui passer. D'ailleurs je ne sais même pas quelle émotion l'animait véritablement avant de partir.

La fille de joie a l'identité perdueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant