14. Revirement

97 11 1
                                    


Une nouvelle semaine bat son plein car aujourd'hui est Dimanche. Et pourtant, j'ai un énorme chagrin. Mes inquiétudes ont eu raison de moi. J'étais en colère. Je l'avais pourtant prévenu. J'ai failli faire une déclaration à la police. Stacy n'a jamais disparu plus de deux jours. L'essentiel, c'est qu'elle était encore en vie. Je savais ce qui allait arriver. Je savais comment ça finissait la plupart du temps. C'était la seule chose de laquelle je devais me protéger. Coûte que coûte, il me fallait éviter de tomber enceinte. L'idée même m'effrayait. C'était une transition trop important dans la vie d'une prostituée. J'imagine qu'on est jamais assez prêt pour ce genre de situation dans le métier. Surtout si l'on est conscient qu'il y a un tas de possibilité de paternité

L'infirmière m'a appelé ce matin. Un Dimanche qui aurait dû me servir à faire le plein pour la nouvelle semaine. Un Dimanche ou je me serais ressourcée pour reprendre ma vie en main le temps d'une semaine. Ou je me serais guérie de mes pensées maladives au sujet de Richard. Elle avait appelé sur la demande de Stacy comme seule famille proche. Depuis qu'elle s'était réveillée de son coma de deux jours à l'hôpital général, j'étais la seule personne qu'elle avait choisi de contacter. Surtout pas sa folle de mère. Personne de sa famille. Ça devait être plus grave que je ne le pensais. Ce qui ajoutait une pointe désintéressant a la liste de mes soucis.

Et puis, je me suis mise à penser à Richard. Pensait-il à moi, lui? Si c'était le cas, il n'avait pas eu la chance de me voir depuis notre dernière conversation. Et pourtant, je crois que je serais réconfortée à l'idée qu'il pensait à moi. Je me sentais si seul depuis que ma semaine a ouvert sur un cycle émotionnel continu. Je lui aurais raconté combien je m'inquiétais pour Stacy qui, je croyais avoir le choix entre deux bêtises: un avortement ou un harcèlement. Et dans les deux cas, c'était désespéré. Je lui aurais raconté comment mes sœurs étaient heureuses de me voir et que ça me faisait vivre. Mais je savais que si je continuais à penser à lui, je me rapprocherais de la folie.

Bien évidemment j'ai dû me rendre à l'hôpital général ou Stacy moisissait déjà depuis 3 jours et bientôt un quatrième. Je savais qu'elle devait être déprimée. Je savais qu'elle aurait besoin de moi. Mon choc fut pétrifiant dès mon arrivée. Je ne m'étais pas préparée à affronter mais démons. Et pourtant, j'aurais dû y aller. Mais un fois au pas de la porte, je n'ai pu la franchir. Alors j'ai fait la seule chose raisonnable à laquelle je pensai. J'appelai Richard avant que j'aie le temps de penser si je le regretterais. Il décrocha à la troisième sonnerie, ce qui n'était pas si mal, puisqu'il aurait pu m'ignorer:

_Allô? Léane?

_Richard. Je prends une longue pause et continue:je ne savais pas si c'était une bonne idée de t'appeler...

_J'avoue que je suis un peu surpris. Est-ce que ça va?

_Oui... En fait j'espère que je ne te dérange pas. Je disais cela en pensant à sa colleteuse de copine qui aurait pu être dans les parages.

_Je suis au volant, mais à part ça. Tu es ou?

_En fait j'ai quelques soucis. Mais je voulais savoir si tu pourrais m'aider.

_Bien sûr, raconte-moi.

Ce fut une conversation thérapeutique. Richard n'étais pas sur la défensive. Il n'était pas non plus désintéressé et il fit un peu mieux que ce que j'espérais. J'avais besoin d'argent, certes, mais aussi d'un réconfort face au bâtiment traumatisant qui se dressait en face de moi. Il arriva environ une heure plus tard, avant qu'il ne soit midi et apporta même de la nourriture dans des plats a emportés. Loin de lui raconter ce qui me bloquait dans la cour de l'hôpital, je me cachai derrière les contraintes financières et lui résumai la situation de Stacy sans rentrer dans les détails. Et l'inévitable arriva. Je pénétrai les bâtiments qui me donnaient la nausée. Je le fais pour Stacy. Je le fais une fois. Ce n'est pas si mal que ça. Richard est là. Même s'il ne le sait pas, il m'apaise.

La fille de joie a l'identité perdueWhere stories live. Discover now