Chapitre 11 _ L'échange

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C'était durant la nuit, comme convenu. Sophia sorti la première de sa chambre, anxieuse comme jamais, observant bien de tous côtés pour s'assurer que personne ne viendrait les déranger. Ofelia suivit, plus adroite que son amie.

- La voie est libre, murmura la française. Nous allons pouvoir y aller...

- C'est bizarre... marmonna Ofelia en s'immobilisant au milieu du couloir. Pour être honnête, je pensais qu'on allait trouver un peu plus de garde que ça...

Sophia ne répondit pas, mais elle ne pouvait que rejoindre l'avis de son amie. C'était beaucoup trop silencieux pour un palais royal en guerre... Néanmoins, les deux jeunes femmes décidèrent d'en profiter, et elles commencèrent à s'aventurer dans la pénombre du couloir, à peine éclairé par les chandeliers.

Alors qu'elles obliquèrent vers un passage qu'elles pensaient dégagé, elles s'immobilisèrent net. Elles n'étaient pas seules. Au milieu du couloir, se tenait le Seigneur Andreas lui-même. Calme, posé, il les observait toutes les deux avec un grand sourire plein de bienveillance et de douceur. Ofelia, qui ne savait pas qui il était, recula d'un pas en demandant d'une petite voix :

- Qui est-ce ?

- Andreas lui-même... marmonna Sophia.

- Oh, non...

Ofelia regarda l'usurpateur avec un air presque ébahi. Elle ne s'attendait pas à un homme comme lui, et trouva à tort qu'il n'avait pas l'air si terrible. « Faible » n'était pas le mot qui lui vint, mais elle le qualifia intérieurement de bel homme, comme nombreuses jeunes asgardiennes qui le vénéraient.

- Ma chère Sophia... s'avança Andreas sans que son sourire ne s'efface. Où allez-vous donc ? Il me semblait pourtant que nous devions dîner, ce soir.

- Je... J'ai changé d'avis... bredouilla la française en reculant.

- Comme c'est dommage... déplora-t-il en secouant lentement la tête. Moi qui me faisais une joie de passer du temps en votre compagnie.

Andreas leva son inquiétant regard vers Ofelia, qui tressaillit en s'en apercevant. Il parut la jauger de ce simple regard, avant de déclarer, affichant cette fois un étrange sourire :

- Et ne serait-ce pas Ofelia à vos côtés ? J'ignorais qu'elle était arrivée dans mon palais.

- Le Valhalla... N'est pas votre palais... marmonna Ofelia en serrant les poings.

- Oh ? Je vous trouve bien insolente, pour une héroïne.

- Je ne suis pas...

- Quoiqu'il en soit, la coupa-t-il en s'avançant encore un peu. Votre présence rassurera la population. Je veillerais à ce qu'on vous donne une chambre, Ofelia. En attendant, ma chère Sophia, je vous prierais de bien vouloir m'accompagner pour ce dîner, que je n'ai que trop attendu.

- Je refuse... Je... Je veux partir.

- Mmh ? Ce n'était pas convenu.

- C'est un départ précipité, admit-elle en essayant de paraître polie. Mais néanmoins nécessaire.

- Et vous vouliez me quitter sans me l'annoncer ? Je vous trouve bien cruelle...

Il parut réellement accablé de la nouvelle, affichant une mine attristé qui ne semblait pas feinte. Mais Sophia se méfia aussitôt de lui. Elle prit Ofelia par le bras, et commença à reculer, et s'excusant auprès d'Andreas. Cependant, elles ne purent aller bien loin, car deux gardes, postés derrière elles, leur empêchèrent toute retraite.

- Je ne pensais pas en arriver là, déclara Andreas en s'arrêtant juste en face d'elles. Vous m'en voyez désolé... Mais il me faut employer les grands moyens.

- Qu'est-ce que vous dîtes ? s'énerva Sophia.

- J'ai besoin de vous à mes côtés, Sophia. J'ai trop attendu pour que vous me filiez à nouveau entre les doigts. Vous ne quitterez plus jamais le palais de Valhalla.

- Vous rêvez ! s'écria-t-elle. Ma famille passe avant tout !

- Mais, Sophia... susurra-t-il en se penchant vers elle. Ne suis-je point de ta famille ?

- Vous ? Bien sûr que non !

- Alors tu ne penses qu'à ton fils.

Il se redressa, toujours aussi calme. Il fit un signe, adressé à quelqu'un derrière lui, et aussitôt un autre soldat arriva, poussant devant lui deux enfants ; Kévin et Sage.

- Comme je ne savais pas lequel était le tient, j'ai demandé à ce qu'on me ramène les deux, annonça Andreas avec un sourire.

- Mais qu'est-ce que vous voulez ? siffla Sophia en s'efforçant de ne pas se précipiter sur son fils mal en point.

- Que tu restes bien gentiment à mes côtés. Accepte, et ces enfants te seront restitués sans le moindre problème. Je guérirais même Kévin de son mal. Après tout... La Malédiction des Glaces est tenace.

- C'est bien vous qui l'avez...

- Oui, c'est moi. Je pensais que si l'un d'eux était souffrant, tu resterais pour en prendre soin. Mais au lieu de cela, tu as préféré partir avec eux... Mais je remercie néanmoins Albérich de Megrez pour t'avoir ramené de pied ferme.

Sophia manqua d'écarquiller les yeux, car les choses ne s'étaient pas du tout passées ainsi. Mais sans doute Albérich avait-il maquillé la vérité pour qu'il reste dans les bonnes grâces du Seigneur Andreas. Cela ne l'étonnerait pas... Mais où était-il maintenant ? Avait-il livré Kévin et Sage, ou bien les avait-il vraiment ramenés à la Palestre ? Elle n'arrivait ni à comprendre, ni à se faire des hypothèses.

- Le marché est simple, Sophia. Ou bien tu acceptes de ton plein grès de rester à mes côtés, auquel cas ces deux là repartiront libres avec Ofelia... Ou bien tu refuses, et c'est en prison que vous irez tous. Et je n'hésiterais pas à rétablir la peine de mort pour montrer l'exemple aux citoyens.

- Vous êtes ignoble ! cria la française.

- Il me faut agir en conséquence, se contenta-t-il de répondre. Décide-toi, Sophia. Je n'attendrais pas éternellement.

Sophia se mordit la lèvre inférieure. Elle n'avait pas d'autre choix que d'accepter, mais cela ne lui plaisait pas beaucoup. En réalité, cela ne lui plaisait pas du tout. Elle était terrifiée. Perdue dans ses pensées, ce fut Ofelia qui la réveilla, lorsqu'elle lui pressa doucement le bras.

- J'accepte... laissa échapper Sophia d'une voix amère.

- Voilà qui est parfait ! se réjouit Andreas. Néanmoins, je tiens à changer l'un des termes du contrat...

- Quoi ? s'exclamèrent les deux amies, horrifiées.

Elles n'eurent pas le temps d'en réclamer davantage ; les deux jeunes femmes furent saisies par les gardes, et bien qu'elles se débattirent, rien n'y changea.

- Le jeune Kévin restera au palais, décréta Andreas. Il me semble bien qu'il s'agit de ton fils, n'est-ce pas ?

- Laissez-le tranquille !

- Oh, non... Il me faut accroître son pouvoir. La Malédiction des Glaces ne pourra pas tout faire toute seule.

- Vous avez dit que vous le soigneriez !

- En quelque sorte. Il ne souffrira plus, n'est-ce pas une bonne nouvelle ?

- Monstre ! Vous êtes un monstre !!

Sophia s'égosillait, mais Andreas ne faisait qu'en rire. Bientôt, elle retrouva sa chambre, où on l'enferma à double tour, et cette fois-ci des gardes restèrent pour surveiller l'entrée. Kévin fut emmené dans les prisons du palais, tandis qu'Ofelia et Sage furent tous deux expulsés, seuls dans la nuit. Tout allait selon les plans d'Andreas, et il en était totalement satisfait. 

Les Héritiers des Dieux _ Tome 2 _ RésurrectionKde žijí příběhy. Začni objevovat