Chapitre 1 _ Hilda

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Suivant son bref entretient avec l'héroïne de sa contrée, Andreas s'en était tranquillement allé en direction de l'aile royale, sous bonne escorte de deux gardes qui l'avaient rejoint. Lorsqu'il fut devant les portes des quartiers de la jeune souveraine, il ordonna à ce qu'il soit seul, et entra sans autre forme de procès.

Hilda était bien là, assise dans son large lit fait du plus beau bois du pays, aux fins ornements qui rappelaient certains passages de contes et légendes d'Asgard. Son frêle corps, que l'on devinait malgré tout atteint par la maladie, était à moitié dissimulé sous ses draps blancs, bien moins épais que d'ordinaire. La Grande Prêtresse darda un certain regard à son médecin, qui refermait lentement la porte derrière lui. Lui adressant un regard empli de mélancolie, il vint jusqu'à son chevet, et s'agenouilla respectueusement devant elle. En signe de soumission, il resta au sol, paraissant ne plus oser l'observer.

- Qu'est-ce que tu fais ici ? demanda Hilda sans détour.

- Majesté... soupira-t-il. Je suis venu m'enquérir de votre état.

- Cesse de te jouer de moi, Andreas.

- Je ne comprends pas... murmura-t-il d'un air misérable.

Le médecin leva légèrement ses yeux bordeaux vers sa souveraine, attendant une explication de sa part.

- Comment oses-tu prétendre au titre de Grand Prête ? s'indigna-t-elle devant son semblant d'innocence. Tu ne sers nullement le dieu Odin.

- Je vous assure que mes intentions sont des plus nobles, Majesté Hilda. Vous n'êtes pas en état d'assurer pleinement votre rôle. La moindre prière pourrait bien vous faire perdre la vie, et après ce que le peuple a subit à cause de l'Empereur Poséidon, Asgard ne survivrait pas si vous trépassiez...

- Ce n'est pas ce que je te reproche, Andreas.

- Quel est donc la cause de votre colère ?

- Peux-tu seulement réellement l'ignorer ? s'énerva-t-elle presque. Tu as réveillé le pire fléau d'Asgard.

- Mais, Majesté ! s'horrifia-t-il en se redressant légèrement. Asgard n'a jamais été aussi prospère... Le peuple ne souffre plus de faim, et encore moins du froid dans lequel le Seigneur Odin nous a tous condamnés !

- Tu connais la légende, Andreas. Tu es le mieux placer pour la connaître, toi qui as toujours été proche de la famille royale. Yggdrasil ne devait pas renaître.

- Le peuple est heureux, Majesté. J'estime que c'est le devoir du Grand Prêtre de faire le bonheur de ses sujets.

- Je ne te contredis pas sur ce point.

Elle avait parlé sèchement, et le nouveau Grand Prêtre s'en offensa, lançant à sa souveraine un bref regard empli de noirceur. Mais cela fut si court qu'elle ne le remarqua pas. Et, de toute manière, ses yeux s'étaient à nouveau focalisés sur sa fenêtre.

- Andreas... murmura-t-elle après un temps. J'ignore ce que tu as en tête... Tu fais souffrir mille tourments à la famille royale. Pourquoi tant d'acharnement ?

Le médecin ne répondit pas.

- Je sais que tu étais particulièrement proche de ma tante. Et je sais également tout ce que vous avez perdu...

- Je vous en prie, Majesté... Ne faites pas remonter de tels souvenirs en ma mémoire.

- Il me semble que c'est nécessaire, objecta-t-elle froidement. Dois-je te rappeler ce que tu nous fais subir actuellement ? Tu ne fais rien pour me soigner, et je ne peux même plus sortir de ma chambre sans me faire interpeller par la férocité des gardes royaux. Et pire encore, tu as enfermé Freya, ma chère sœur, dans les sombres cachots du Valhalla !

- Cela était nécessaire... murmura-t-il doucement. La Princesse Freya a exprimé beaucoup de mécontentement face à mes choix... Je craignais qu'elle ne fuie le palais à nouveau.

- Elle aurait eu raison.

- Je vous rassure, Majesté Hilda. Elle n'est pas seule.

- Que dis-tu ?!

- Le Guerrier Divin Hagen de Merak s'est farouchement opposé à mon ordre.

- La famille royale, et à présent les fervents protecteurs d'Asgard ? Andreas... Mais par quelle folie ?

- Ce n'est pas de la folie, Majesté. Asgard voit naître un renouveau.

Hilda fronça légèrement les sourcils, courroucée. Cela ne coïncidait pas avec les préceptes de leur dieu. Elle se demanda pour la énième fois pourquoi Andreas agissait-il ainsi, contre le Seigneur Odin et leur terre glacée. Une hypothèse lui vint alors.

- C'est à cause de la Prêtresse Blanche, n'est-ce pas ? C'est à cause d'Helga ?

- Majesté Hilda, je vous ai déjà demandé de ne plus me rappeler de tels souvenirs. Je pense que nous n'avons plus rien à nous dire.

Sur ce, il se releva, dardant un certain regard contre la souveraine légitime d'Asgard.

- Il est inutile d'en vouloir au Seigneur Odin. Ma tante Helga a choisi seule sa propre voie. Elle est devenue la Prêtresse Blanche parce qu'elle l'a voulu, non par total obligation.

Andreas resta silencieux, mais l'on devinait à ses yeux que les paroles d'Hilda l'affectaient, d'une certaine façon.

- Elle n'a pas succombé à cause du climat de notre contrée, continua la souveraine. Je connais la véritable raison de son décès, elle...

- N'en dîtes pas plus, ordonna-t-il froidement. Helga appartient au passé, tout comme ce futur que nous n'avons pas eu. Majesté... J'ai tout perdu, ce soir là. Il ne me reste plus que ma dévotion envers Asgard... Dussiez-vous me croire ou non.

Il ne laissa pas à Hilda le loisir de plus lui parler. Il quitta les quartiers royaux, refermant lui-même la porte derrière lui. Adressant un bref regard aux deux gardiens de la chambre, il déclara sur un ton qui n'admettait aucunes contestations :

- Veuillez surveiller les quartiers de Sa Majesté Hilda avec la plus grande des attentions. Elle est encore terriblement souffrante, et je ne tolérerais pas qu'elle succombe en essayant de faire l'effort de se promener.

- Bien, Messire !

D'un geste, il congédia les soldats qui l'avaient escorté jusqu'ici, et prit la direction opposée, vers la salle du trône. En chemin, il ne put s'empêcher de sourire avec satisfaction. Tout se déroulait comme prévu... Et avec Sophia à portée de main, il était certain que ses plans réussiraient.

- Messire Andreas... résonna une voix sombre dans l'obscurité.

Le médecin s'arrêta, sans s'inquiéter. Un de ses nouveaux Guerriers Divins s'avança alors jusqu'à lui, son dos légèrement courbé. Son regard, perpétuellement teinté de cruauté, ne se lassait pas de fixer le nouveau souverain d'Asgard, celui qui l'avait élut au poste le plus privilégié du Royaume.

- Messire, reprit-il avec un léger sadisme. C'est ce soir que ça doit avoir lieu... J'en suis convaincu.

- Ce soir, hm... Et qu'en est-il de tes recherches personnelles ?

- Mes recherches... Hé, hé... Nous n'aurons bientôt plus besoin des éléments incompétents de l'ordre. Je sais exactement comment procéder. Je vais trouver le cobaye parfait, et nous aurons alors tout ce qu'il nous faut.

- Entendu. Tâche de me tenir au courant de tes avancées.

- Oui ! Avec grand plaisir, Messire !

Avec une brève révérence sans aucune grâce, le Guerrier Divin s'en alla. Andreas ne put alors s'empêcher de sourire à nouveau. Yggdrasil lui donnera la lance qu'il convoite tant, peu importe le prix à payer.

- Ce soir... murmura-t-il en jubilant. Ce soir verra renaître l'élite qui m'offrira la lance maudite... Plus rien ne m'arrêtera. Attend-moi encore un peu, ma chère... Tous les éléments seront bientôt réunis... Exactement comme nous. 

Les Héritiers des Dieux _ Tome 2 _ RésurrectionWhere stories live. Discover now