29. La cabane

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Forêt de Shawnee, Illinois


Il faisait froid en cette fin de matinée automnal. L'hiver n'avait pas encore sonné, que la neige avait déjà pris allégrement racine. Le mois de décembre s'annonçait rude.

« Un kilomètre à pied, ça use, ça use ! Un kilomètre à pied, ça use les souliers ! » chantonnait à plein poumons Alison, cassant les oreilles aux malheureux qui l'accompagnaient et perturbant le calme âpre de la forêt.

La jeune femme, Eleven, Kali, Owens, Rupert et Murray marchaient - depuis ce qui paraissait des heures - au milieu de la forêt de Shawnee. Cette forêt était trop étroite et à la végétation dense pour que la voiture de Steve - que ce dernier avait gentillement prêté sous la pression- puisse passer. Ils s'étaient donc résignés à la laisser sur le bas-côté de la route et à continuer à pied.

« Deux kilomètres à pied, ça use -
— Pour l'amour de Dieu, Lili, pourrais-tu te taire ?!, supplia Rupert.
— Oui, par pitié ! On croirait qu'un sac rempli de chatons est claqué contre un mur, tant ta voix est horrible ! » ajouta Kali, exacerbée.

Alison les toisa un instant, fit un sourire sournois et reprit avec entrain, décidant simplement de les ingnorer.

« Deux kilomètres à pied, ça use, ça use ! Deux kilomètres à pied, ça use les souliers !, brailla-t-elle de plus belle.

Eleven rigola en voyant l'air excédé de Rupert et Kali qui roula des yeux et se boucha les oreilles à l'aide de ses mains. El était ravie qu'Alison sache toujours détendre l'atmosphère. La boule qui lui nouait l'estomac ne faisait qu'accroitre en elle et elle avait grand besoin que cela cesse ; elle n'était pas seule et ne décevrait personne. Elle devait croire en elle. Pour eux, pour lui. Sa voix résonnait toujours au creux de son être.

« Je peux me battre.
Mieux que n'importe lequel d'entre nous. »

Owens n'écoutait point les autres et se concentrait sur ce qui l'entourait. Fort était de constater que tout se ressemblait. Les arbres, les ordeurs, les bruits quasiment inexistants... au point où il pensa qu'ils tournaient en rond et que Murray s'était perdu. Mais ce dernier lui prouva le contraire quand il s'exclama enfin :

« Nous y voilà ! »

Tous observèrent d'un œil septique ladite cabane. De taille moyenne, faite à moitié de bois et de plaques de métal rouilliées ; elle ressemblait parfaitement au bunker improvisé du paranoïaque dégénéré que Murray se faisait l'honneur d'être. Le concerné remarqua le regard de ses camarades.

« Je sais, elle ne paie pas de mine. Mais elle est très confortable et amplement vivable, je vous l'assure, affirma-t-il.
— Nous n'en doutons pas, répondit Rupert, de sa politesse légendaire d'Anglais.
— Je vais vous faire visiter !
— Pendant ce temps, je vais commencer à installer un périmètre de sécurité » annonça Owens.

Du souffle d'une cuisante nostalgie, le périmètre de sécurité rappela à Eleven celui qu'Hopper avait installé autour de la cabane dans laquelle ils avaient vécu. Je dois y croire...

Chacun leur tour, ils franchirent le seuil de la porte d'entrée. Murray alluma toutes les lampes. Les fenêtres étant recouvertes de plaques de métal de chaque côtes, la lueur du jour ne pouvait guère filtrer à travers. L'état des lieux fut rapide ; des tonnes de papiers, des bouteilles de Vodka, des déchets, des verres et du linges sales éparpillés un peu partout. Aucun doute possible, ils étaient à la bonne adresse. Une odeur de renfermé prenait à la gorge et tous soupçonnèrent intérieurement que de la nourriture devait moisir dans la petite cuisine.

« Vous voyez, ce n'est qu'à deux heures de chez Joyce, fit remarquer Murray.
— Dont une heure de marche fatiguante, ajouta Alison, sans prendre la peine de cacher son irritation. Je déteste l'humidité et marcher dans la neige.
— Avec chance, ça t'aura fait maigrir, plaisanta Kali.
— Pardon ?, s'offusqua la petite brune face à la réplique de son amie. Je n'ai absolument pas besoin de maigrir !
— Où sont les toilettes ?, demanda Kali, ignorant royalement Alison.
— Dans la salle de bain. C'est tout droit, au fond du couloir, lui indiqua Murray. Venez Rupert, je vais vous montrer les recherches que l'on doit ramener à Joyce. »

Les deux hommes s'enfermèrent dans le foutoir qui devait faire office de bureau. Alison et Eleven se retrouvèrent seules dans ce que l'on ne pouvait point appeler être un salon. Elle s'installèrent sur le canapé en tissu vert, sans prêter réel attention à ce qui s'y trouvait.

« Tu me trouves grosse, toi ?, demanda la jeune femme, après un court silence. C'est vrai que j'ai un peu forci, mais c'est l'hiver, ça tient chaud.
— Non, répondit sincèrement Eleven, tu n'es pas grosse du tout. »

Alison ne doutait pas de sa silhouette, mais elle essayait de détendre sa nouvelle amie et de détourner son attention de ses tracas. Elle sentait qu'elle stressait énormément et avait de nombreux doutes.

« Tout ira bien, tu sais. Je ne veux pas que tu te mettes la pression, d'accord ? » tenta-t-elle de la rassurer, appuyant ses paroles en lui pressant fermement la main.
— D'accord. » sourit Eleven.

Kali refit surface, la mine écœurée.

« Je crois qu'il y a un truc mort dans la douche, annonça-t-elle.
— Mais non ? Je veux voir ça ! » s'exclama Alison en se levant d'un bond.

Kali prit la place de la petite brune. Un silence presque palpable s'abattit entre les deux amies.

« Alison est vraiment gentille, fit Eleven.
— Oui, très gentille. Quoique un peu loufoque » rigola Kali.

Les deux jeunes pouffèrent, mais Eleven reprit vite son sérieux et avoua à Kali ce qui la pesait depuis qu'elles s'étaient quittées.

« Je suis désolée de t'avoir abandonné... je n'aurais pas dû. Enfin, si. Je ne regrette pas d'être revenue parmi ma famille, mais j'aurais pu essayer de te retrouver avant et -
— Tu as bien fait, la coupa Kali, c'est moi qui n'aurais pas dû t'entraîner dans cette stupide et vaine Vendetta. Je n'aurais jamais dû y entraîner qui que ce soit, d'ailleurs. Moi y compris. Ça m'énerve de l'avouer, mais c'est Ali qui a raison. Son plan tient la route et j'ai confiance en elle.
— Je suis contente que tu aies accepté de la suivre.
— Et moi que nous soyons finalement réunies, petite sœur. »

Eleven prit Kali dans ses bras, peinant à retenir les larmes qui menaçaient de tomber. L'étreinte des deux filles fut interrompue par le cri strident de leur autre sœur. Cette dernière surgit en bondissant.

« C'était pas mort ! C'était pas mort ! » hurla-t-elle en se mettant debout sur le canapé, son regard balayant vivement la pièce de tout sens.

Un raton-laveur courut à sa suite. Alertés par les cris de la jeune femme, Rupert et Murray sortirent en panique du bureau. Au même moment, Owens ouvrit la porte, afin de pénétrer dans la cabane, et la pauvre bête en profita pour s'enfuir à toute allure au fin fond de la forêt, aussi loin que possible de l'agitation humaine.

« Qu'est-ce que, balbutia le scientifique, décontenancé.
— Il y a des ratons-laveurs dans l'Illinois ?, s'interrogea Rupert.
— Vivable, en effet, couina Alison.
—  Ne me demandez pas comment il est arrivé là, fit Murray, en se grattant le crâne. J'avais pourtant verrouillé la porte.
— Je ne doute pas du plan, confirma Kali, la cabane, en revanche... »

[...]

Après un long nettoyage afin de remettre à neuve la cabane de ce cher Murray, avoir trouvé par où le raton-laveur était passé - ce qui s'avéra être par un trou dans le bat du mur de la salle de bain, que Murray combla d'une énième plaque de métal sortie de nulle part - et qu'Owens ait terminé de sécuriser un temps soit peu les parages, les trois hommes reprirent la route dans le sens inverse afin de rejoindre la demeure familiale des Byers. Kali souffla de soulagement en les regardant s'éloigner.

« On peut enfin se mettre au boulot !, clama-t-elle.
— Prêtes, El ?, s'enquit Alison.
— Prête ! » répondit la concernée, le regard volontaire et brûlant de détermination.

STRANGER THINGS 4 : Le Monde Renversé (abandonnée) Où les histoires vivent. Découvrez maintenant