24. C'est quoi son problème ?

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Maukdale, Illinois


Alison était couchée, dormant à poings fermés, sur le lit d'Eleven, dans sa jolie chambre aux tons jaune clair et rose pourpre. Par le passé, quand elle vit la chambre de Nancy, en faisant le tour de la maison des Wheeler en attendant que Mike rentre de l'école, El avait envié la féminité qui en dégageait. Elle avait développé un sens du style et avait affirmé ses goûts, mais elle ne pouvait pas s'empêcher de porter de temps à autre les vêtements que Hopper lui avait acheté. Son envie d'explorer son côté féminin s'était décuplée cet été-là, après sa séance shopping avec Max, qu'elle remerciait pour cela.

En parlant de cette dernière, elle était dans l'entrebaîllement de la porte de la chambre de sa meilleure amie, en compagnie de Lucas et de Dustin.

« Vous pensez que c'est quoi son problème ?, demanda Lucas.
— Aucune idée. Elle devait être affaiblie, c'est tout, répondit Max en haussant les épaules.
— Ce n'est pas plutôt Will qui a un problème ? Elle s'est évanouie après l'avoir regardé. Vous avez entendu ce qu'elle a dit ? Elle pense qu'il y a un truc qui cloche chez lui.
— Elle devait être confuse, voilà tout. Peut-être qu'elle voulait dire qu'elle le trouvait chiant à râler. Will va parfaitement bien, assura Max.
— Il n'empêche qu'il n'a pas tort. Mais je ne crois pas que c'était à ça qu'elle faisait allusion. Vous avez vu son regard ? Elle était définitivement bouleversée.
— C'est normal vu ses capacités. On l'était tous, donc elle aussi, genre, fois mille.
— Je suis presque sûr que c'était plus que ça.
— Laisse tomber, Dustinet, elle nous le dira quand elle sera réveillée.
— Vous n'allez pas vous y mettre aussi ! Quand j'arrive à éviter ta sœur, j'aimerais avoir la paix » pesta Dustin à l'entente de ce surnom qui lui paraissait pourtant si mignon dans la bouche de sa petite amie.

Sans se consulter, Lucas et Max commencèrent à chanter en chœur.

« Turn around, look at what you seeeeeee ! In her face, the mirror of your dreamssss ! »

Dustin se boucha les oreilles en se plaquant les mains contre.  Ses deux amis massacraient la chanson préférée de sa Suzie-chou, et la danse ridicule qu'ils faisaient ne l'embellisait guère.

« Justement, retournez-vous, vous avez du public ! » s'exclama-t-il, suffisamment fort pour se faire entendre par-dessus les braillements.

Le couple se tut net et se retourna d'un même mouvement synchronisé, comme si cela faisait part de la chorégraphie. Le rouge monta aux joues, d'ordinaire si blanches, de Max en constatant, qu'en effet, ils n'étaient plus seulement que tous les trois. Rupert se tenait au bout du couloir, en haut des escaliers, et sur son visage, on ne pouvait pas lire qu'il avait rêvé de ce moment-là. Et les visages exagérément effarés de Max et Lucas prouvèrent qu'ils se savaient ridicules et qu'ils ne souhaitaient guère de public inconnu.

« C'est une manière d'aider Alison à se réveiller plus vite ?, plaisanta l'homme tout en s'avançant vers les trois adolescents.
— Avec leur voix, ils réveilleraient même les morts. Sans mauvais jeu de mots » renchérit Dustin.

Lucas prit Max par la main, balbutia une vague excuse, et se hâta de traîner sa copine dans les escaliers. Dustin entendit la rouquine essayer de chuchoter, de sa voix partant dans les aigus, à quel point ce fut la honte pour eux, surtout à leur âge, et il jubila d'avoir une occasion de se moquer d'eux avec cette chanson à son tour.

Ses amis et leur honte envolés, Dustin se retrouva alors seul avec Rupert dans ce long couloir.

« Je ne voulais pas les mettre mal à l'aise.
— Ne vous inquiétez pas pour ça, ils y arrivent toujours tout seuls. »

Rupert pouffa en secouant la tête. Il pénétra dans la chambre d'Eleven et s'assit au bord du lit. Dustin le regarda poser sa main sur le front d'Alison, pour vérifier sa température, et lui prendre sa tension. Ses gestes se faisaient assurés et tendres. On aurait dit qu'il avait peur, impuissant, qu'elle ne disparaisse en fumée devant lui à chaque instant.

« Vous savez ce qui lui est arrivé ? » osa questionner Dustin.

Rupert le jaugea de haut en bas, avant de remonter ses lunettes sur son nez.

« Elle a accumulé trop de choses en trop peu de temps. Ça, plus la fatigue, ce fut de trop pour son corps.
— Si elle pense pouvoir contrôler le Flagelleur mentale sans que cela ne l'affecte, vous pensez vraiment qu'elle s'évanouirait pour si peu ?
— Tu es bien perspicase pour ton jeune âge. Honnêtement, je mise sur la fatigue et le stress, parce que je ne comprends pas. Cela ne lui était pas arrivé depuis des lustres. Peut-être s'est-elle évanouie parce qu'elle était en présence de deux personnes avec des pouvoirs tels que les siens.
— Peut-être. C'est vrai qu'elle peut tout ressentir.
— Et noublions pas le choc des émotions de chacun. Vous avez dû être secoués par les événements des deux derniers jours. Imagine ce qu'elle a dû ressentir en plus. Ce fut probablement de trop à assimiler.
— Oui, je vois. C'était déjà beaucoup pour ma personne seule, alors je peux comprendre qu'elle n'a pas dû se sentir au meilleur de sa forme, surtout que le voyage a été long. »

Rupert sourit. Il pensa que s'il avait eu la chance d'avoir un enfant, il aurait apprécié avoir un fils tel que Dustin ;  férocement intelligent, brillant, drôle, mâture, et sensible. Heureusement qu'il avait déjà sa fille de substitution, et qu'il se sentait suffisamment chanceux comme cela. Et puis, il n'y avait aucune raison qu'il kidnappe ce garçon. Il émit un léger rire à cette pensée farfelue.

« Qui a-t-il de drôle ?
— Rien, mon garçon. Nous devrions rejoindre les autres. »

Dustin approuva simplement, sans demander son reste — les questions viendraient plus tard, Max ne pouvait pas avoir raison et lui tort —, et ils sortirent de la pièce, laissant une Alison paisiblement inconsciente derrière eux. Ils s'apprêtaient à descendre quand ils tombèrent nez à nez avec Steve.

« Où tu vas ? » interrogea Dustin en fronçant ses épais sourcils.

Il crut apercevoir ce qui ressemblait à un rougissement sur le visage de son ami. Steve Harrington, rougir ? C'était nouveau et drôlement inattendu.

« Je venais te chercher, quelle question, baffouilla Steve.
— C'est ça, ouais. Elle va bien, elle dort toujours, tenta Dustin.
— Tu t'inquiétais pour Alison ?, demanda Rupert.
— Hein ? Non ! Non, non. Manger. On devrait aller manger. Je meurs de faim ! »

Steve fit marche arrière et déboula en bas des escaliers à la vitesse grand " V ".

Le premier pressentiment de Dustin à l'égard de son ami et de la petite brune s'avérait donc être juste. Rupert avait raison ;  il était perspicace. Peut-être pas à un niveau tel que celui de Nancy, mais il n'en était pas loin. Le jeune bouclés ricana ; c'était bien la première fois qui voyait son ami mal à l'aise à ce point, et il trouva cela autant attendrissant que risible.

« Ils sont beaucoup à avoir un problème, aujourd'hui. »

STRANGER THINGS 4 : Le Monde Renversé (abandonnée) Where stories live. Discover now