27. Une chambre (pas vraiment) à soi

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— Où est mon sac, maintenant ? 

Mes paupières se ferment d'elles-mêmes, de plus en plus lourdes. Je n'ai qu'une envie : monter les escaliers, m'enfermer dans ma chambre et m'écrouler sur le lit.

Tant pis pour la douche.

— Dans les chiottes, annonce Gérard, tout fier de lui. 

— Dans les chiottes ?

Il se fout de ma gueule, là, c'est pas possible.

— J'ai des p'tits problèmes de constipation, si tu vois c'que j'veux dire. C'est pas ma faute s'il a fallu attendre que j'me pointe chez tes vieux pour libérer l'kraken !

Cette fois, c'est sûr : il est vraiment agacé par mon évasion surprise. J'aurais dû le prévenir, c'est vrai, mais de là à ce qu'il urine chez mon ex et fasse caca chez moi...

— Merci, Gégé. 

Je le laisse planté là et me rue à l'étage sans me retourner, priant pour que plus personne ne me dérange.

— ET LES FLICS, MYMY ?

Ça, ma mère s'en chargera.

Après avoir effectué un petit détour par la salle de bain pour récupérer mon sac à main, j'ouvre la porte de ma chambre à la volée, mais étouffe un cri de surprise en manquant de tomber sur un carton... un carton rempli de livres ! 

Nom d'un chimpanzé galeux ! Le vieux schnock a ramené mes affaires !

Ni une, ni deux, je jette mon sac à l'autre bout de la pièce et redescends pour le prendre dans mes bras, mais lorsque j'arrive en bas, mon acolyte est déjà reparti. Je ne sais pas encore quand, ni comment il a eu l'occasion de tout rassembler chez Gabin, mais une chose est sûre : je lui en serai éternellement reconnaissante. 

Une fois remontée, je zigzague entre mes affaires pour atteindre mon bureau et m'empare d'un post-it : 

« Acheter cinq boîtes de chocolats pour Gérard »

« Et une pour moi », ajouté-je après une seconde de réflexion. 

Cholestérol ou pas, je l'ai méritée. Pas vrai ? 

Avec un soupir, je parcours la pièce du regard, dépitée. Difficile de ne pas prendre ce retour au nid familial comme un échec – la preuve manifeste de mon inaptitude à construire une relation saine sur la durée. 

Difficile de ne pas prendre ma vie tout court comme un échec, ces derniers temps. 

À l'heure où mes anciens camarades de classe multiplient les grossesses et les mariages, je m'extasie devant des vidéos de canards sur TikTok et Instagram, incapable de me projeter dans le futur. Ma chambre est à mon image : elle n'a presque pas changé depuis mon adolescence. Les posters de Jul placardés aux murs ont jauni – mais pas autant que ceux de Justin Bieber –, et ma Wii a pris la poussière. 

Bzzz... bzzz... bzzz...

Je sursaute, effrayée par ce bruit soudain. 

Zut. Le vibromasseur que Bleuenn m'a offert pour mon anniversaire a dû s'enclencher pendant le déménagement. 

Bzzz... bzzz... bzzz...

J'arque un sourcil, intriguée. Est-ce qu'un vibromasseur fait vraiment ce bruit-là ? Je ne crois pas. 

— C'est ton portable, sœurette. 

Rozy m'observe depuis l'encadrement de la porte, hilare.

— Merci. 

LES AMOURS ÉPONYMES 1Hikayelerin yaşadığı yer. Şimdi keşfedin