7. Le vilain petit caneton

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Dix minutes et un hoquet de stupéfaction plus tard...

Il est approximativement deux heures du matin, ma tête est encapuchonnée dans un pyjama dinosaure, et il est urgent que je prenne une douche avant que les mouches ne deviennent une espèce en voie de disparition. Sauf qu'au lieu d'empêcher une nouvelle extinction de masse, je dois me taper la visite impromptue de ma famille.

Je le répète : IL EST APPROXIMATIVEMENT DEUX HEURES DU MATIN.

Mes parents, Jean-Luc et Christelle Jaouen, sont définitivement tombés sur la tête.

— Ah, ma poussinette ! Je suis ravie, ravie, ravie ! Tu as déjà demandé une place en crèche ? Il faut s'y prendre à l'avance, tu sais. Avant la grossesse. Et l'allaitement, qu'en penses-tu ?

Je l'arrête d'un geste de la main. Suis-je la seule à être terrifiée à l'idée de donner naissance à UN BÉBÉ ?

— Tu as déjà tout d'une super maman ! pépie-t-elle, plus enthousiaste que lors du mariage de Kate et William, qu'elle décrit pourtant comme le plus beau jour de sa vie.

Rozenn, l'unique Jaouen disposant encore d'un quelconque sens moral, compatit :

— Elle parle de la bave qui dégouline le long de ton menton, sauf que c'est la tienne et non celle du rejeton que tu vas mettre au monde dans quoi... six mois, maintenant ? Bien joué, sœurette.

— Six mois ? Aucune idée. Je dois faire une échographie de datation dans la semaine.

Le hic, c'est que je n'ai annoncé ma grossesse à personne à part Gabin...

Gabin, qui se mordille la lèvre parce qu'il a merdé. Dans les grandes largeurs.

Je lui lance un regard noir qui signifie « vire ces asticots tout de suite si tu ne veux pas passer la nuit sur le canapé ».

Heureusement, son sommeil est plus important que cette petite fête nocturne improvisée : il s'empresse de faire sortir Papa et Maman de la pièce, et me gratifie même d'un petit sourire.

Profitant de l'agitation générale, ma fouine de cadette se faufile derrière la bibliothèque, à l'angle du bureau, et attend que gendre et beaux-parents aient fichu le camp pour me prendre dans ses bras. Pas pour me féliciter, non : parce que je lui fais pitié.

— Tu pues, sœurette.

— Merci, sangloté-je dans ses cheveux.

Rozy est la seule personne de mon entourage à ne pas être effrayée par les livres, ce qui témoigne sans conteste de sa qualité d'être supérieur.

— Maintenant que le berger s'est barré avec son troupeau, explique-moi comment tu t'es retrouvée dans cet état.

Elle précise face à mon air perplexe :

— En cloque, débilos ! Et épargne-moi les détails, steuplaît. Je sais comment on fait les bébés !

Je reste interdite, ne sachant quoi penser. Y a-t-il réellement quelque chose à dire ? Ma petite sœur le sait : je ne veux pas être enceinte. Tout comme elle n'a jamais souhaité que Gabin devienne le père de mon hypothétique enfant. Nous nous sommes disputées des milliers de fois à ce sujet. Elle a fini par respecter mon choix en promettant de ne plus m'importuner, mais elle reste convaincue que Gab' n'est « pas assez bien » pour moi.

— Eh, oh, du bateau ! Ce sont les hormones qui te rendent muette ?

Prise par l'émotion, je me racle la gorge avant de balbutier :

— C'est juste que...

— Tu préférerais avorter, je me trompe ?

Mon silence vaut pour confession.

LES AMOURS ÉPONYMES 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant