36. Merci maman

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Sur le moment, je n'ai rien dit. Je me suis contenté d'hocher la tête en signe d'acceptation et de compréhension. Plus de compréhension que d'acceptation en fait. Je n'ai rien accepté, mais vue mon état, je ne peux pas non plus refuser mon sort. C'était inévitable et même si ces derniers jours j'ai éperdument essayé de me convaincre que j'allais peut-être avoir une guérison miraculeuse...Cette dernière n'est pas arrivée.

- Nous espérons que tu comprends Gabriel.

- Oui.

Je comprends.

Mais je n'accepte pas. Je n'y arrive pas. Est-ce idiot ? Je trouve ça injuste. Une partie de moi est en colère et l'autre s'est déjà résolu tandis que je garde mes yeux rivés vers le fauteuil traînant dans un coin de la chambre.

- Cela n'est peut-être pas définitif. Nous allons avoir plusieurs examens à te faire passer avant de te décharger de l'hôpital, d'accord ?

- Oui.

Je suis rentré les deux pieds devant, je sortirais sans. J'ai compris. Inutile de me le répéter. Inutile de me faire un dessin. J'ai compris.

Néanmoins, j'essaye de relativiser, de me dire que cela aurait pu être pire. Que c'est ma juste "punition" pour ne pas avoir pris le temps d'écouter Basile. J'aurai dû, ô oui j'aurai dû. Si j'avais sû...J'aurai dû rester avec lui cette nuit-là parce qu'au final, je n'ai rien pu faire. Je n'ai rien pu changer. Tout ce qui me reste cette horrible sensation de me sentir couler chaque nuit dès que je ferme les yeux. Une sensation que je n'ai plus dans la partie inférieure de mon corps. Pour quoi, hein ? Qu'est-ce que j'ai changé en voulant jouer au héros ? Rien.

Je ne suis pas un héros. Je ne suis rien de moins qu'un homme bourré de défauts et voilà que je vais me retrouver cloué dans un fauteuil roulant. Génial. Vraiment génial.

C'est un cauchemar. Un cauchemar sans fin.

Ou c'est moi qui ai été trop naïf en pensant qu'en m'accordant quelques jours de repos sans trop bouger, j'allais pouvoir quitter cet endroit en galopant comme un alpaga. Mais ce n'est pas le cas.

Je ne sens plus mes jambes. Quoi que je fasse. Quoi que les médecins fassent. Je ne sens rien. Je ne peux pas marcher. Encore moins courir. Je ne peux même pas sentir les draps sur moi en me couvrant. Rien. Et honnêtement, ne "rien" sentir, ne "rien" pouvoir ressentir c'est plutôt horrible.

- Je peux savoir ce que tu fais Cléo ? la questionné-je en n'étant pas très rassuré par le silence ambiant.

- Je dessine un bateau pirate sur ta jambe.

- T'es au courant que je n'ai pas te plâtre ?

- Ouais, c'est d'autant plus drôle.

Je pose le livre dans lequel j'ai le nez pour jeter un œil à ce qu'elle fait tandis qu'un hurlement m'échappe en voyant l'état de ma chambre.

- Tu m'as dit un bateau pirate ! Pas tout le story-board de Pirates des Caraïbes ! Qu'est-ce que c'est que ça ? hurlé-je en voyant son oeuvre

- J'avoue que ça a des allures de fresque ...Ce n'est pas plus mal. Je pense sérieusement à faire une carrière dans le body-painting !

- Mais efface-moi ça ! En plus...C'est quoi cette tâche noire à côté du bateau là ? Au niveau de mon genou.

- Ça ? C'est le kraken.

Vu son niveau de dessin, je ne ferais jamais équipe avec Cléo pour une partie de picturnary. Jamais. Son kraken est sûrement passé sous la proue du bateau vu la tronche qu'il a ou il a pris un coup d'ancre dans la gueule.

Vingt mille lieues dans tes yeux (BxB) - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant