18. Hérisson, chaton & poussin

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Je me demande combien de temps s'est écoulé depuis que Basile m'a raconté son histoire et ce silence plus que troublant. Depuis combien de temps suis-je assis comme un idiot, à le dévisager sans pour autant trouver les mots. C'est ça. Je n'ai pas les mots. Je ne sais pas quoi dire. Je ne sais pas comment le dire. Je me retrouve comme un con à attendre je ne sais quoi et à me rendre soudainement compte que je suis le roi des connards.

Je me suis plains tellement de fois, que ce soit dans ma tête ou en le hurlant sur tous les toits en moins de temps qu'il n'en faut pour dire "ouf" que je n'ai même pas vue, non, je n'ai pas réalisé que tout compte fait, dans la vie, je suis certainement celui qui s'en sort le mieux.

Après tout, je ne suis que le type qui a perdu son père, mais qui a encore de quoi vivre. De quoi avancer. J'ai ma mère. J'ai ma grand-mère. Je n'ai jamais eu de quoi me plaindre. Bien au contraire.

Mon dieu. Je ne sais pas quoi faire. Dois-je le consoler ? Le prendre dans mes bras ?

Je me souviens de ce que Basile m'a dit avant-hier. Il m'a dit qu'il ne m'abandonnerait et soudain, tout semble prendre son sens. J'ai été trop pressé. Trop hâtif. Trop désireux d'avoir plus qu'une main tendue vers moi. J'ai voulu le beurre, l'argent du beurre et le crémier.

On juge souvent les gens bien trop vite, sans même comprendre ce qui leur est arrivé, ce qu'ils ont traversé et ce qu'ils ont dû subir pour en arriver là où ils en sont aujourd'hui. Donc oui, je me sens carrément minable maintenant. Coupable. De la façon dont j'ai agi. J'ai honte de mon comportement.

- Voilà, j'ai tué l'ambiance !

Il sort ça en riant, mais je sais que c'est un faux rire. J'ai les même. Je les connais et je sais les reconnaître quand je les entends.

- Es-tu choqué Gabriel ?

- Je ne dirais pas "choqué", mais je ne sais pas...N'ya-t-il pas un mot plus fort pour exprimer ce que je ressens ?

- Je sais ce que tu penses. Tu es désolé pour moi, mais il ne faut pas.

Je ne suis pas désolé non plus. Ce n'est pas ça. Ce n'est pas le bon mot.

- Ce n'est pas ça. Ce n'est pas non plus de la pitié. Dis-moi Basile, je peux te poser une question ?

- Je t'en prie, profite ce soir c'est "livre ouvert".

- Est-ce que je te fais peur ?

En fait, c'est ça. J'aurai dû commencer par ça.

- Je n'ai jamais eu peur des hérissons de ma vie à ce que je sache.

Tu sais, je suis un idiot fini sans aucun doute, mais pas tout à fait un simplet. Il y a des choses, des mimiques, des intonations que je sais reconnaître quand je les entends. Détourner la conversation ou prendre le sujet à la légère ne me fera pas lâcher l'affaire pour autant.

- Si je suis un hérisson, tu es un chaton égaré.

- Un chaton ?

- Petite boule de poil mignonne, mais qui sait se servir de ses griffes.

- Dois-je prendre ça comme un compliment ?

- Je n'en sais rien. Tout le monde aime les chatons.

Oui, tout le monde.

- Et toi Gabriel ? Tu aimes les chatons ?

- Je les adore.

Je perçois facilement son petit sourire en coin tandis qu'il se lève du canapé dans lequel nous sommes assis tous les deux.

- Je viens de te tendre une perche là ! Oh ! Tu pourrais réagir.

- Je sais. Mais tu sais ce que l'on dit ? C'est le chat qui choisit son maître.

J'ai déjà entendu ça quelque part, je crois...Ah oui ! "La baguette choisit son sorcier, Harry".

- Ne crois pas que tu vas m'adopter aussi facilement, mais c'est mignon d'avoir essayé.

- Hé !

Ma grand-mère revient au même moment dans le salon comme si son sixième sens féminin lui avait fait comprendre que nous avions fini de discuter Basile et moi.Je n'en ai pas fini pour autant. Maintenant, je vais jouer cartes sur table, ne prendre aucun détour. Il finira par craquer !

- Bon, on passe à table les garçons ?

- J'arrive !

C'est ça, va te cacher sous les jupons de ma grand-mère. Mais tu ne pourras pas me fuir bien longtemps. Je vais te faire ta fête mon petit. Tes carottes sont cuites. Tu vas passer à la casserole !

- Gabriel ? Qu'est-ce que tu regardes comme ça ?

- Hmm ? Rien, rien. Je vais mettre la table.

J'ai l'avantage du terrain, Jacqueline ne vient jamais dans notre chambre donc je pourrais poursuivre plus tard et essayer un nouveau tour de passe-passe. Inutile de tenter le coup de la serviette qui tombe et d'y aller au physique, ce type est une taupe. Il faut que j'essaye autre chose.

Après avoir fini le repas, je monte me doucher et enfiler mon jogging quand Basile est déjà dans la chambre en pyjama. Traître. Je présume qu'il a utilisé la salle de bain de ma grand-mère. En plus, elle a une baignoire elle.

- Je trouve qu'il fait de plus en plus chaud...Je pourrais presque dormir tout nu dit donc !

- Y'a un ventilateur au grenier si tu préfères.

Non ! Non ! Non ! Ce n'est pas ce que tu es censé répondre.

- Rohlala cette place de ouf dans le lit quand même ! C'est un une place, mais il est large.

- Parce que tu as enfin enlevé ta peluche ?

Alors non, "Marcus" est toujours là et sera toujours là. Marcus est une part de moi-même.

Gaby, réveille-toi ! A l'attaque mon grand ! Va chercher le bâtonnet de Basile et ramène-le-moi.

- Je sais ce que tu tentes de faire Gabriel. Je te l'ai dit, ça ne prend pas.

- Tu ne sais pas. Tu ne sais rien. Tu ne me vois pas.

- Non, mais je sais que tu es à deux mètres derrière moi, la main tendue.

Il a des yeux derrière la tête ou quoi ?

- Tu es un homme sans cœur. Daredevil. Démon.

Il pouffe de rire avant de me dire confiant

- Oui, mais c'est ce qui te plaît ! Tu connais l'histoire de l'âne qu'on fait avancer avec une carotte ? Tu es l'âne, je suis la carotte.

- Je rêve ou tu viens de me traiter d'idiot au passage ?

- Va te coucher Gabriel, tu te fais du mal pour rien.

- Tu vois mon troisième prénom c'est "détermination".

Et crois-moi, je ne suis pas connu pour baisser les bras, loin de là.

- Dors, on sent que le contre-coup de ton incident est encore bien présent.

- Mais je te dis que...

- Chut.

Il vient de me "chut" ? Non, mais je rêve !

Tu vas voir mon poussin, à la fin de ce mois, tu vas me picorer dans le creux de la main.

Vingt mille lieues dans tes yeux (BxB) - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant