31. Conséquences à venir et promesse d'avenir

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-BASILE-

Je ne sais pas faire un nœud de cravate. Je ne sais pas dans quel sens je dois la tourner ou comment la positionner autour de mon cou. Je ne sais pas si c'est dans ce sens là ou l'autre. Je n'arrive pas à faire la différence. Je ne sens pas, la différence. Je sens le tissu sur moi, me frôlant la peau, le cou, mais mes doigts sont incapables de se souvenir. J'ai oublié. Suis-je obligé d'en mettre une ? J'ai horreur des cravates, ça nous serre, ça nous étouffe.

Et honnêtement, j'étouffe suffisamment comme ça.

- Basile ? C'est moi ! Tu es prêt ?

Non. Comment puis-je être prêt ? Comment peut-on être prêt à mettre quelqu'un en terre ? Moi, je ne le suis pas. Personne ne l'est vraiment. Pourtant, on sait qu'un jour ou l'autre, on va tous y passer. Bien souvent on enterre nos grands-parents, puis nos parents. Des fois, un ami ou deux y passent.

Mais moi ? Moi j'ai connu ça bien trop de fois en une vie. Je devrais en avoir l'habitude maintenant, je devrais savoir à quoi m'attendre et pourtant...Je n'arrive pas à me faire l'idée. Je n'arrive pas à me dire que Manu ne sera plus là.

- Qu'est-ce que tu fiches sur ton lit, assis comme ça ? En plus, tu n'as même pas ouvert les volets, on n'y voit presque rien !

Je m'en fiche. Je n'y vois rien de base moi.

J'entends alors le grincement bien distinctif des volets en bois quand on les ouvre et remarque que le plancher craque à chaque pas de Cléo. Je sens ses mains m'agrippant les bras et me relevant pour me mettre debout alors que je n'ai qu'une envie : resté couché toute la journée. Ne plus bouger et attendre.

- Je te laisse une matinée tout seul et tu te laisses déjà dépérir. Si tu continues comme ça, des champignons vont pousser sur ta tête.

- Finalement, j'ai changé d'idées Cléo, je n'ai pas envie d'y aller.

- Qu'est-ce que tu racontes ? Il faut qu'on soit là. On doit être présents Basile. Ça ferait plaisir à Manuel.

Mais Manuel est mort et je ne pense pas que ma simple présence change quoi que ce soit. Je suis un fervent partisan de l'idée de quand on meurt, on devient de la bouffe pour asticot. Il n'y a pas de vie meilleure après. Il y a juste...La décomposition et notre cadavre qui gonfle avec la chair en putréfaction.

- Au fait ! Tu as appelé la mère de Gabriel ? Qu'est-ce qu'elle t'a dit ?

- Elle devrait arriver dans la journée. Elle m'a dit qu'elle venait avec une amie de la famille.

- Tu sais à quelle heure ? Après l'enterrement on peut aller la chercher directement à la gare.

- Cléo ?

- Quoi ?

Je sais ce qu'elle fait ou du moins ce qu'elle tente de faire et je n'aime pas ça. Faire comme si tout allait bien. Pourtant même si je ne la vois pas, je perçois distinctement les vibrations dans sa voix, son comportement rapide et nerveux, ce faux ton joyeux...Je ne sais pas ce qu'elle essaye de faire en se montrant comme ça, mais ça ne prend pas avec moi. Alors, pour lui faire comprendre, je l'attire contre moi et la prends dans mes bras.

- Ne te sens pas responsable, s'il te plaît. Pas de ça avec moi. Tu as tous les droits de pleurer et d'être triste, personne ne t'en voudra.

Et elle craque. D'un coup. Net. Ses doigts attrapent ma chemise tandis que ses pleures, son chagrin, fait écho au mien.

Manu est mort. Nous avons le droit d'être tristes. Nous avons le droit d'avoir de la peine. D'avoir mal. Mais nous n'avons pas le droit de nous sentir coupable. Ce n'est de la faute de personne. Ni de la mienne...Ni de la sienne. Personne n'aurait pu prévoir ce qui allait se passer. Personne n'aurait pu savoir que le barrage allait lâcher emportant tout avec lui sur son passage. Personne n'aurait imaginé que Gabriel et Manuel se retrouvent tous les deux mêlés à ça.

Vingt mille lieues dans tes yeux (BxB) - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant