1. Une sensation nouvelle

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Je me demande comment on en arrive à vouloir tout quitter. Comment peut-on se dire que l'on veut tout laisser derrière soi, tiré un trait de manière radicale, oublier cette vie emplie de souvenirs, d'images, de bons moments. Est-ce par un coup de tête ? Ou est-ce mûrement réfléchi ?

- Tu es sûr que tu n'as rien oublié ? Tu as tout ce qu'il te faut ? Oh et ton gilet en laine, tu l'as pris ?

- Maman, je pars à la campagne pas en Alaska non plus.

- Mais si tu as froid ?

- Je suis certain que tout ira bien, tu t'en fais trop pour moi.

Ma mère s'en est toujours trop fait pour moi. Même maintenant, alors que je m'apprête à souffler mes 24 printemps, elle est aux petits soins, veillant au grain. Quelque part, ça me fait mal de la laisser là, toute seule, mais ça fait déjà trois ans qu'elle est toute seule. On ne peut pas dire que j'ai été réellement présent pour elle avec mes études qui m'ont noyé mes seuls jours de liberté.

- Tu m'envoies un message quand tu arrives, d'accord ? s'inquiète-t-elle

- Je t'envoie même un petit mot à chaque gare si tu veux.

- C'est vrai ? Tu n'oublieras pas, hein ?

- Mais non ! Bon, je dois y aller, sinon je vais rater mon train et au prix du billet, ça m'embêterait.

J'ai pratiquement dû vendre un rein pour l'avoir ce fichu billet. On ne peut pas dire que les bourses permettent de rouler sur l'or, mais je n'ai pas à me plaindre non plus, je ne suis pas pauvre, ni à la rue, ni affamé et je suis même en pleine santé.

- Tes amis ne sont pas venus...

Elle paraît déçue, mais pas moi. Je suis plutôt content que personne ne soit venu me dire au revoir, non pas que cela ne m'aurait pas fait plaisir, mais si je pars, c'est bien pour m'éloigner d'eux. C'est malheureux à dire, mais je sais reconnaître un entourage toxique quand il gravite autour de moi. Ces amis qui t'empruntent constamment 10 balles par ci et par là. Ces amis qui te disent "Tu peux me filer ça ? Promis je saurais me rattraper" ou "Tu n'as pas ça par hasard?". Mais jamais un "Comment tu vas aujourd'hui?"

- Ce n'est pas très grave, tu sais.

- C'est vrai, vous les jeunes vous avez la technologie...Facebook, Snapcat et Amstramgram !

- Snapchat et Instagram, maman.

- C'est du pareil au même pour moi !

Et puis je doute de toute façon qu'il y ait le wi-fi chez mamie. Tant mieux d'un certain côté ! J'ai besoin d'une vraie coupure avec cette vie là. Je l'ai aimé pendant 24 ans, maintenant, je veux en découvrir une autre.

- Bon, j'y vais !

- Attends ! Mon bisou ! Tu ne m'as pas fait un bisou avant de partir !

- Pardon, j'oubliais.

Je me rapproche d'elle et l'embrasse tendrement sur la joue tandis qu'elle me saute au cou, tentant tant bien que mal de cacher ses larmes de crocodile.

- Tu sais que ce n'est pas un départ définitif ? Je vais revenir et puis tu pourras descendre chez mamie toi aussi.

- Je sais, mais bon. Mon poussin s'en va ! C'est comme si on m'arrachait une aile. Allez, file avant que je ne te retienne davantage.

- A vos ordres mon général ! Prend soin de toi maman, je t'aime.

- Moi aussi mon Gabriel.

Je monte dans le train et me précipite vers la première vitre que je trouve pour lui faire de grands signes de la main avant de la voir disparaître petit à petit.

Vingt mille lieues dans tes yeux (BxB) - Tome 1Όπου ζουν οι ιστορίες. Ανακάλυψε τώρα