23. Copain coquin

1.1K 220 58
                                    

Toutes les deux heures, j'ai regardé mon téléphone portable en attendant le moindre appel ou le moindre message de l'hôpital. Toutes les deux heures sans réussir à fermer l'oeil plus de dix minutes. Je fais des micro-sieste et encore. J'ai quitté la chambre en laissant Basile dormir tandis que le canapé me sert de refuge provisoire. Aucune nouvelle.

"Pas de nouvelles, bonnes nouvelles, hein?"

C'est ce que je me dis. C'est ce que je ne cesse de me répéter depuis ces cinq dernières heures comme si mon cerveau essayait tant bien que mal de se convaincre de ce fait là.

Mais ça ne marche pas.

- S'il y a un dieu là-haut ou qui que ce soit d'autres...Je t'en supplie, ne m'enlève pas ma grand-mère. Pas maintenant. Je ne sais pas ce que tu veux en échange, mais je t'en conjure, pas elle. Elle a encore de belles années de vie devant elle. Elle a encore beaucoup de choses à vivre et moi j'ai beaucoup à lui dire. Ne me l'enlève pas maintenant...Pitié...Pitié...Ne me la prends pas.

Alors que je tente une approche de la chambre, j'entends comme des pleurs. Des grognements.

- Hmm...non....non.....Jacqueline.....noon...s'il te plait....

Basile.

Je monte les marches deux par deux, manquant de peu de basculer en arrière en en ratant une et me précipite dans la chambre tandis que je trouve Basile allongé là, parlant dans son sommeil, le corps en sueur, le visage trempé.

- Noooon !

- Hé ! Hé ! C'est moi ! Tout va bien. Tout va bien, chuuuut. Tout va bien. Ce n'était qu'un mauvais rêve.

Il s'accroche à moi et pose sa tête dans mon épaule tandis que les sanglots de Basile font soudainement écho en moi. Ils résonnent.

" Tu es l'homme fort de la maison maintenant Gabriel. Tu vas devoir veiller sur ta maman et prendre bien soin d'elle, d'accord ?"

C'est exactement le même genre de scénario qui se reproduit. Je ne peux pas me permettre de me laisser aller et de compter sur Basile uniquement. Lui aussi a besoin de moi. Lui aussi a le cœur en miettes. Lui aussi a ses préoccupations, ses craintes, ses doutes, ses peurs qui le rongent jusque dans son sommeil. Pourtant, Basile ne laisse rien transparaître. Il n'y a qu'à la nuit tombée, que son masque tombe, que ses défenses s'effondrent.

- Ça va aller. Tu n'es pas seul.

J'ai l'impression de me parler à moi-même, c'est terrible.

- On devrait t'enlever ce pyjama trempé maintenant, tu ne vas pas te recoucher dans un état pareil, remarqué-je en sentant le tissu entre mes doigts

- Gabriel ?

- Hmm ? Qu'est-ce qu'il y a ? Tu veux me dire quelque chose ?

- Tu étais sérieux tout à l'heure ? Quand tu me disais que j'étais ta force.

Si je l'étais ? Bien sûr. Je ne pourrais pas traverser ça tout seul. Je n'en aurais jamais le courage, ni même le cœur. J'ai besoin de Basile. J'ai terriblement besoin de Basile. C'est idiot, hein ? Comment une personne que vous connaissez à peine peut-elle autant compter ?

- Je l'étais. Tu es un peu mon garde-fou Basile, même si tu ne t'en rends pas compte. Tu es là, toujours à côté de moi et tu me retiens. Tu me retiens de tomber. Tu me retiens de plonger tête la première vers la catastrophe. Tu es là et tu me tiens tout contre toi...Je trouve cette force que tu as assez extraordinaire. Tu ne me lâches pas. Tu me tiens et me retiens et même si c'est idiot, j'ai l'impression que tu me tiendras longtemps encore.

- Pourquoi tu dis ça ? Comment tu peux en être si sûr ?

- Je ne le suis pas, mais j'ai foi en tes mots. Tu m'as dit que jamais je ne serais seul. Tu m'as dit que quoiqu'il arrive, tu serais là. Hé regarde...Nous voilà. Toi et moi.

- Pourquoi ? Pourquoi t'accroches-tu à moi comme ça ?

Bonne question. Moi-même je ne sais pas trop. Mais je ne suis pas non plus du genre masochiste à aimer me faire mal à la tête en réfléchissant à ce genre de chose. Je présume que l'on ne choisit pas ce que l'on ressent. C'est comme ça, un point c'est tout.

- Parce que tu es toi.

Il pouffe dans son coin et je ne suis même pas certain qu'il comprenne ma réponse. Pour moi aussi c'est un peu vague et je ne sais pas trop où mettre un pied pour avancer, pourtant, j'essaye. Vraiment. J'avance à mon rythme. Je marche sur des œufs, mais j'avance et je reste persuadé qu'à un moment ou un autre ...

- Tu es décidément bizarre comme garçon.

- Je sais, mais ça fait partie intégrante de mon charme.

- C'est vrai. Je suis bien au courant du charme qui est le tien.

Qu'est-ce que c'est supposé vouloir dire ça Basile ?Est-ce que tu m'envoies un signal ou pas ? Comment dois-je l'interpréter ?

- Tu peux m'aider du coup ? Je vais me changer.

Il ne le fait pas tout seul d'habitude ?

- Est-ce une façon indécente, intelligente et déguisée de me dire "Déshabille-moi".

Son visage s'illumine de ce petit sourire en coin qui en dit plus long que ce que Basile ne veut bien me dire à haute voix.

- Gabriel ?

- Quoi ?

- Je suis responsable de ce que je dis, pas de ce que tu comprends.

- Oui, mais tu sais très bien que je comprends pas toujours tout de la bonne façon et que j'ai ma propre façon à moi de sous-entendre certaines choses. Du coup, ça embrouille mon cerveau et je ne...

Ne me laissant même pas le temps de finir ma phrase, les lèvres de Basile viennent sceller les miennes avec une aisance et une puissance folle tandis que tout mon corps tombe à la renverse, le cul à même le sol de la chambre.

- Je rêve...

- Dans ce cas, c'est un rêve que nous faisons un deux. Bon tu m'excuseras, mais je vais me changer.

Il m'enjambe sans aucune difficulté et je le suspecte parfois d'avoir une sorte de sonar intégré comme les chauves-souris pour savoir où se trouvent les obstacles sur son chemin.

Ce type est...est...Pas croyable.

- Basile !! Qu'est-ce que ça veut dire, ça ?! crié-je à travers la porte de la salle de bain

- J'ai fait bouger mon pion vers toi Gabriel. À ton tour maintenant de faire ton mouvement. Essaye donc de me surprendre !

De le surprendre ? Ce type a des yeux derrière la tête faute d'en avoir au bon endroit, comment suis-je supposé m'y prendre ?

- Ok. Tu veux que je te surprenne ? Très bien. Tu ne viendras pas pleurer et crier au drame.

Je passe la porte sans crier gare et m'avance vers lui, le plaquant contre le mur près du lavabo, lui attrapant le visage et l'embrassant comme si en un baiser je peux enfin me décharger de toute la frustration et la retenue dont j'ai dû faire preuve ces derniers jours.

- Je suppose que c'est donc ta réponse ? me dit-il le souffle coupé.

- Une partie. L'autre arrive.

Sans ménagement, je lui retire cet horrible pyjama de grand-père et le pousse vers la douche, tournant les robinets au passage.

- T'es tout habillé idiot ! Tu vas attraper la mort ! lance-t-il en s'agrippant à mon tee-shirt.

Me penchant au-dessus de son oreille, je lui souffle alors deux mots dans un léger sourire narquois :

- Déshabille-moi.

Vingt mille lieues dans tes yeux (BxB) - Tome 1Where stories live. Discover now