1. Ma vie au clair de lune

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Ce soir, comme a peu près tous les soirs, je vais être quelqu'un. Celle que je choisirai ou celle que le moment m'imposera. Lola, Yvana, Sissi et tout ce qui paiera.

Je rapplique du rouge a lèvres, ce qui fait ressortir une sensualité dans cette chair. Un petit grain de beauté entre mon nez et mes lèvres pour plus de sex appeal. Le mascara, les sourcils et tout le maquillage semble être a succès. Je laisse retomber une mèche au-dessus de mon œil gauche. avec ma coupe dégradée, ça fera un effet sublime. je rajuste mon soutien gorge jusqu'à laisser ressortir ma voluptueuse poitrine. J'ai fini par comprendre qu'être n'importe qui et surtout pouvoir être tout le monde payait parfois bien. Ce soir, j'étais disposée à faire tout ce qu'il faut pour un peu plus d'argent.

Je regarde l'horloge au dessus de mon lit. Il est déjà 8 heures. Stacy me crie qu'il faut partir.

_Une minute, criai-je !

Je suis toujours en retard lorsque je stresse. Et la raison de mon stress se concrétise lorsque on téléphone sonne. Je décroche le cœur battant. Il fallait bien que je réponde après 10 jours sans signe. Pourvu que ce ne soit rien de grave.

_Allô?

_Léane chérie! T'étais ou tout ce temps? Tu ne réponds plus a mes appels. Je voulais te remercier...

J'essaie de garder ma modestie, mais la semaine dernière, j'ai pu lui envoyer mille cinq cents Gourdes. Ma mère n'est pas du genre a se plaindre, mais quand elle me parle de ses problèmes d'argent, c'est qu'elle est au fond. Les choses étaient difficiles, ces derniers temps, que ce soit pour elle avec les enfants que pour moi. Mais il fallait que quelqu'un fasse fonctionner la maison car elle ne le pouvait plus. Ma mère est croyante. Elle croit à la vie dans l'au-delà et partage souvent avec moi des petits miracles qui se produisent pour elle de temps à autre.

Moi, je ne crois plus à grand-chose sinon qu'il faut lutter pour survivre. Il faudrait que ma mère guérisse pour commencer à croire. J'ai cessé de croire en tant de chose depuis 5 ans déjà.

J'invente une excuse avant de me débarrasser de ma mère. Elle m'appelle presque tous les deux soirs. Surement pense-t-elle, que je sors de travail dans la soirée.

_Elle colle ta vieille ! Dépêche-toi, Samuel attend ! Il nous a déjà débauché quelques clients.

Stacy me fais une grimace de l'embrasure de la porte et file habilement sur ses talons. Stacy, la plupart du temps Sophie, est ma colocataire âgée de 22 ans. Nous vivons depuis presqu'un an déjà dans ces quatre centimètres qui ont appartenu à sa mère,depuis qu'elle m'a intégré dans le club des filles de joie de Pétion-Ville. Ma contribution se fait donc plus exigeante par moment vu que je suis chez elle. On est loin d'être de bonnes amies. On se comprend simplement et on reste professionnel. De toute façon, nous n'avons, toutes les deux pas grand chose à perdre, même si Stacy a de grands espoirs. Bernard, son client le plus fidèle a su lui faire voir la vie en grand. 

Bernard est le membre d'un cabinet ministériel et baigne dans pas mal d'affaires. Même s'il a fait des promesses à Stacy et que sa vie conjugale en démontre le contraire, celle-ci croit qu'elle sera un jour Mme Alcius. Quelle fille de notre rang ne souhaiterait pas être un jour Madame de pas n'importe qui ? Son grand gaillard de 43 ans a même l'audace de me faire des avances en douce. Malgré le métier, entre coéquipières, on ne se trahi pas. Ce sont des règles qu'on a acquise de Samuel, notre promoteur. N'empêche que Stacy est souvent jalouse de moi. Les hommes préfèrent souvent ma peau noire et si pure avec mes formes voluptueuses que sa peau claire et ses cheveux soyeux.

A notre arrivée, Samuel nous sermonne puisqu'il du refiler un de nos clients qui a trop longtemps attendu. Il venait de perdre vingt pour cent de notre lot à chacune et menaça de nous virer.

_Medam, pran fom ko nou ! Nou stil bliye ke se mwen ki fe nou manje chak jou.

Ces propos blessants mais trop vrais n'ont pas l'ombre d'un impact sur Stacy :

_Doudou, twop istwa ! Sa pap rive anko, ok ?

Stacy sait souvent comment le calmer en usant de toute sa feminité, car ce n'était pas la première fois. Avec tous les embouteillages, je ne suis pas sûre que ce sera non plus la dernière fois. Mais il faut bien admettre que ce métier a l'indépendant n'est pas très rassurant lorsque la concurrence est grande. Samuel rentre dans la boite de nuit devant laquelle on se tient habituellement tandis qu'on attend dehors des potentiels clients.

La fille de joie a l'identité perdueWhere stories live. Discover now