1. Une sensation nouvelle

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Me voilà parti vers une nouvelle vie.

J'en ai pour approximativement 4 heures de train avant d'atteindre ma gare pour changer de train, je pourrais en profiter pour dormir ou bouquiner, mais les seuls bouquins que j'ai pris la peine de prendre sont des bouquins de cours et je n'ai pas la tête à me plonger dans ça maintenant.

Quelque part, je suis tout excité d'arriver comme j'ai une peur immense. Plutôt une appréhension je dirais. Cela fait des années que je n'ai pas vue ma grand-mère et je ne sais toujours pas ce qu'elle me réserve quand elle m'a parlé de "surprise" la dernière fois que je l'ai eu au téléphone. J'espère qu'elle ne va pas faire de mon arrivée tout un fromage, la connaissant, elle en serait bien capable. Je la vois inviter tout le village chez elle en disant "C'est mon Gabriel !" avec son petit sourire tout fier. De toute façon, elle sait pertinemment que je ne suis pas spécialement friand des surprises. Alors, je n'ai rien à craindre de sa part.

Je m'amuse à griffonner des lignes dans un carnet avec les premières idées que j'ai en tête pour m'occuper et aussi parce que je n'ai que ça à faire et puis une pensée en entraînant une autre, je ne m'aperçois plus du temps qui passe, du paysage qui défile à grande vitesse à côté de moi. J'oublie. J'oublie le monde et ses problèmes pour me concentrer sur le mien. J'ai longtemps oublié ô combien j'aime écrire, ça a un je-ne-sais-quoi qui me détends et qui m'amuse profondément. J'ai l'impression de donner naissance à de véritables personnes, de leur créer tout un monde bien à eux, plein de soucis divers et variés, pleins d'épreuves à traverser. Je crois que j'aime cette sensation de "contrôle" ou bien de "puissance" que l'on ressent. J'ai toujours aimé avoir le contrôle sur ce que je faisais ou bien même entreprenais. C'est sans doute pour ça que les surprises ne me font jamais un bon effet.

Puis le train s'arrête, on arrive à la gare. Je descends et je monte dans le train suivant, qui pour une fois, est à l'heure. Pile poil. Avant le départ, j'envoie un petit SMS à ma maman pour lui dire que tout va bien, que je suis encore vivant et que je me débrouille comme un grand garçon. À 23 ans, il est temps !

Là encore, je repars pour au moins 3 heures de voyage. C'est qu'elle n'habite pas la porte à côté la grand-mère. Comme ça, je suis certain que personne ne viendra me trouver là-bas. Personne ne me connait mis à part les habitants de ce village paumé dans les blés.

Après mes sept heures de voyages, une dizaine de pages griffonnées et un ou deux ronflements échangés avec ma voisine de devant, j'arrive enfin à destination.

J'attrape ma valise, repars avec mon sac en bandoulière et sors de la gare dans laquelle j'aperçois ma grand-mère agitant une pancarte comme si elle attendait un V.I.P. Je me sens touché par son geste, mais un peu moins par tous les petits cœurs un peu difformes se trouvant autour de mon nom.

- Gaby mon chéri !!

À côté d'elle se tient un jeune homme auquel je ne prête absolument pas attention. Sans doute attend-il quelqu'un lui aussi. Par contre, porter des lunettes de soleil dans un bâtiment, je ne sais pas si ça se fait. Gueule de bois de lendemain de soirée non assumée, je présume ?

- Mamie !

À peine me suis-je approché pour l'embrasser qu'elle me frappe.

- Aïe ! Pourquoi tant de violence alors que ça fait au moins 6 ans que tu ne m'as pas vu ?

- Je t'ai déjà dit de m'appeler Jacqueline !

- Tu ne peux pas m'enlacer d'abord et me frapper après ? Oserais-tu frapper ton petit fils préféré ?

- Heureusement que tu es le seul que j'ai. Penche-toi vers moi. Tu es trop grand pour que je puisse te voir comme il faut.

Ça me fait rire. Elle semble toute petite à côté. Je sais d'où maman tient sa taille minuscule du haut de son mètre soixante et encore. On dirait une petite chose fragile et délicate.

- Tiens Gabriel, je te présente Basile !

Le jeune homme à côté enlève donc ses lunettes de soleil et me tend une main maladroite.

- Enchanté ! Jacqueline m'a beaucoup parlé de toi.

- Ah oui ?

Elle ne m'a pas du tout parlé de toi par contre.

- Basile m'aide à la boutique depuis trois ans maintenant. Quel jeune homme incroyable, si tu savais !

- Tu m'en diras tant.

- Il vit aussi avec moi.

Pardon ?

- Il vit...Avec toi ? fis-je surpris

- Oui ! Ça m'aide à rester dans le coup, tu comprends ? Et puis c'est plus pratique comme ça.

- Pratique ? Tu as des soucis de santé ? demandé-je soudainement paniqué par la nouvelle

- Non, moi ça va.

Si elle ça va alors...

- C'est Basile, il est aveugle, m'annonce-t-elle de but en blanc

Pourtant, il se tient là tout fièrement, me souriant à pleine dent comme s'il me voyait correctement.

- A..Aveugle ?

- Oui de naissance, mais ne t'en fait pas, je ne mords pas, dit ce dernier en riant

- Surprise ! me crie ma grand-mère en levant les bras en l'air.

Ah. Donc c'était de lui dont il s'agissait ? Génial. Vraiment génial.

Vingt mille lieues dans tes yeux (BxB) - Tome 1Where stories live. Discover now