Au revoir mon coeur

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Je t'écris une lettre à cœur ouvert ; regarde, il est posé sur la table, étalé sur la nappe ; il gît devant toi.

Si je l'ai tiré de ma poitrine endolorie c'est parce que je voulais que tu le vois ; et puis je voulais le voir aussi. 

Ça fait un bon moment déjà que lui et moi c'est plus pareil. Il ne bat plus ; ni dans la journée, ni dans mon sommeil. J'ai essayé de le réveiller à coups de lame et de comprimés mais je crois bien que c'est terminé.

Je te le donne, en entier, prends-le. J'ai fait ce que j'ai pu pour ne pas trop l'abîmer, j'ai vraiment fait de mon mieux ; mais tu peux le récupérer maintenant, je le laisse à quelqu'un qui s'en servira correctement.

Reste pas là à me regarder dans l'embrasure de la porte, avec ton visage tout couvert de pitié, je suis morte, c'est pas comme si je souffrais.

J'aimerais que tu prennes mon cœur et que tu l'emportes.

Tu ne peux pas me ranimer, je suis désolée, ne pleure pas. J'avais trop mal. Ce n'est pas toi. J'avais trop mal.

C'est de ma faute, j'aurais du te laisser voir plus tôt l'état de mes côtes, le trou béant dans ma poitrine, mon corps en ruines. Mais j'ai pensé que partir d'un coup, brutalement, serait plus simple, comme retirer un pansement.

Prends mon cœur et le reste de mon corps, fais-en quelque chose de bien. Un foie ou un poumon, ce n'est pas rien. Je me sens nécrosée, toute abîmée, mais seule mon âme est réellement marquée.

Je sais que c'est étrange de distribuer son corps comme ça, mais les autres s'en sont tellement servi malgré moi, qu'après ma mort, je veux en faire quelque chose de bien, je veux qu'il serve à quelqu'un qui en a besoin.

Si tu savais depuis combien de temps j'attendais ce moment ; depuis combien de temps j'attendais de pouvoir quitter cet endroit. Je t'en prie, ne pleure pas.

J'aurais aimé que tu puisses voir l'état dans lequel j'étais réellement, juste pour que tu comprennes que je ne pouvais pas rester plus longtemps.

Je ne voulais pas te blesser, j'ai passé de longs moments à me demander comment partir sans te faire de mal. Tu sais, si je laisse mon cœur, c'est pour toi finalement.

C'est facile de laisser tomber, n'est-ce pas ? Je suis égoïste, c'est ce que tu crois ? Pourtant je sais, je sais que tu vivras mieux sans moi. Mets-toi en colère, vas-y, c'est ton droit. Mais au fond, tu sais que j'ai raison.

Je te laisse la chose la plus précieuse qu'un être humain puisse posséder : le cœur de quelqu'un. Prends-en soin, celui-là à suffisamment été malmené.

C'est toi qui me permettais  de continuer, c'était toi mon vrai cœur, pas ce ridicule morceau de chair. Tu étais le monde, la lune, les étoiles, tu étais la dernière fleur en hiver.

Tu l'avais déjà mon cœur, mais peut-être que tu ne t'en es jamais aperçu.

Ne pleure plus, je ne te l'avais jamais dit, tu ne pouvais pas le deviner. Ce n'est pas ta faute chérie, je n'ai pas pu te l'avouer.

Ne reste pas là, devant mon corps, le visage tout couvert de tristesse ; vous valez de l'or, toi et ta gentillesse, ne gâche pas ça. Prends ce cœur et va-t'en, oublie-moi. 

C'est toi qui vas me manquer.

Au revoir mon cœur, je t'aime, je suis désolée.


Adieux à l'Univers : À la dériveWhere stories live. Discover now