Spoiler : On meurt à la fin

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Il n'y a plus de poésie, plus de rimes, plus de jolies phrases.

J'écris les mots tels qu'ils sont ; durs, douloureux, crus et méchants. J'écris les mots comme si chacun était vivant. Je les mets tous en ligne et j'essaye de trouver le plus mauvais d'entre-eux pour être sûre que ce soit lui qui gagne.

J'écris les mots pour les ressentir, pour qu'ils fassent mal, je veux qu'ils soient réels et pas juste gribouillés sur une feuille. Je donne vie aux souvenirs pour les prendre en pleine figure, pour ressentir la douleur encore et encore. Je me torture un peu plus l'esprit parce que mon corps ne fonctionne plus. C'est cette douleur-là qui me conforte dans l'idée que le seul moyen d'échapper à tout ça, c'est la mort.

Parfois, quand les pensées sont si violentes que je ne peux même plus les écrire, il faut que je les fasse sortir, alors, faute de mots, je trace des traits sur ma peau couleur papier.

Les mots sont des amis parfois, mais ces jours-ci, ils se retournent tous contre moi.

J'écris parce que je suis toute seule au fond et que les mots me parlent parfois, ils écoutent, ils comprennent. Les mots m'aident à faire le lien avec les autres parce que la ridicule petite personne que je suis n'en est pas capable toute seule ; je les utilise pour me faire du mal mais blesser les autres serait une perte de temps, et du temps je n'en ai plus. Je ne peux plus attendre, c'est sans intérêt, il n'y a plus d'espoir. Je me fiche de ce que je vais rater en partant maintenant, je me fiche du fait que les choses pourraient s'arranger. C'est trop tard, même si ça changeait un petit peu, c'est trop tard. Je ne pourrai jamais effacer ce qu'il s'est passé. Et je ne pourrai pas vivre avec. Je suis coincée, coincée et ça me rend folle, complètement folle. Je n'agis plus comme une personne normale ; je n'agis plus comme une personne tout court en fait.

Je ne suis plus en vie.

J'écris parce que tu dis que tu comprends, que tu sais ce que je ressens ou que tu le vois en tout cas. Mais est-ce que tu peux voir la tristesse dans mes yeux, la colère dans mes gestes et la fatigue dans ma voix ?

Non, non parce que j'ai bâti un mur et il est tellement haut que tu ne verras jamais ma douleur.

Non, parce que j'ai créé un personnage et il est parfait, invincible.

Non, parce que jusqu'à présent, je vivais deux vies, une pour les autres la journée et une juste pour moi, tard le soir.

Alors il n'y a qu'en lisant ces mots que tu sauras à quel point je suis fatiguée de tout ça.

Je suis épuisée à un point tel que me lever chaque matin est un supplice, marcher est une épreuve et parler est un véritable effort.

En vérité, je suis vide de mots, tout ce que j'écris n'est plus que du vent. Les émotions que tu crois lire sont synthétiques, à présent tout est vide et nécrosé à l'intérieur de moi. Je n'en ai plus pour très longtemps.

Je ne suis déjà plus qu'une ombre, une ombre qui erre dans les rues la nuit, une ombre qui dérange les autres au soleil.

J'écris les mots pour dire adieu parce que partir sans dire au revoir serait cruel de ma part.

Tu sais, je ne veux vraiment pas blesser qui que ce soit, mais une fois partie, même avec des centaines de mots écrits, je ne pourrai pas effacer la réalité ; on finit tous par y passer.

Adieux à l'Univers : À la dériveWhere stories live. Discover now