L'air est irrespirable

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Ça sent comme lui dans la maison.

Il a infesté chaque pièce, il est partout, tout le temps.

Je suis sûre qu'il est entré dans ma chambre ; son odeur a imprégné les draps et les vêtements.

L'air est irrespirable.


Je suffoque.

Où que j'aille, quoi que je fasse, je le sens ; ma gorge brûle, mes yeux larmoient.

Je ne peux pas...

Je ne peux plus respirer.

C'est là.

Tout le temps,

Sur les murs ; les draps, les vêtements.

Sur mon corps

Rien ne peut l'effacer.


Mon Dieu, l'odeur est insupportable.


J'étouffe.

Même la nuit dans mes cauchemars, j'entends sa voix et je sens son souffle.

Je voudrais arracher chaque morceau de peau qu'il a touché, je voudrais brûler ce corps abîmé.

J'ai essayé de le laver, chaque jour, encore et encore, mais rien n'y fait, je la sens toujours, c'est incrusté dans ma peau, l'odeur refuse de s'en aller. J'ai mal, pitié, je voudrais l'enlever.

« Pense à respirer,

Pense à respirer. »

Non ! Non ! Ne respire pas, ne laisse pas l'air entrer. Tant pis si ton corps t'abandonne, il est encore marqué par toutes ces mains sales qui t'ont touchée.

Il ne t'appartient plus désormais. On t'a tout pris. Il ne te reste même plus tes yeux pour pleurer. Tout ce que tu as c'est le néant, le vide, la souffrance. Tu ne trouveras jamais la paix parce que les personnes comme toi ne le méritent pas.

Tu es répugnante. Du matin, quand tu te regardes dans le miroir et que la vue de ton corps te donne des hauts le cœur ; Au soir, quand tu vas te coucher, que tu as peur et que tu penses à la mort.

Parfois, la journée, sans prévenir, tout revient. L'air calcine tes poumons, sa voix résonne dans ta tête ; son visage, son sourire et son air amusé t'apparaissent ; ton corps se brise et la douleur est affreuse.

Alors, en pleine détresse, tu te tords dans tous les sens, tu te replies sur toi-même afin d'empêcher que quoi ce soit ne t'atteigne, ni l'air, ni le bruit, ni le monde extérieur. Mais ça ne change rien, ça fait beaucoup trop mal ; tu sens encore ses mains sur ton ventre, sur ton dos, sur ton corps, sur ton cœur.

Pitié, faites que ça s'arrête ; il faut que la douleur t'emporte pour de bon ou bien qu'elle cesse ;

Cependant, au fond de toi, tu sais qu'elle ne s'en ira jamais.


Je suis fatiguée.


J'ai peur de marcher dans la rue, jusqu'au lycée, dans la cohue, au milieu des autres qui pourraient être un danger.

J'ai peur quand je suis seule et qu'il n'y a pas un bruit, parce que le calme précède la tempête. Parce qu'elle fait encore plus de dégâts quand on ne l'entend pas arriver.

Et pourtant, je ne supporte plus le bruit, le mouvement.  

Je regarde partout autour de moi, je reste sur mes gardes, je crains tout et n'importe quoi.

Maintenant, je sursaute quand on me touche l'épaule ou le bras.

Leurs rires se mêlent à sa voix, le bruit est insupportable. Ils prennent toute la place, Je n'entends plus que ça. Des monstres qui rient et d'autres qui parlent, qui envahissent tout l'espace.

Je ne vis plus dans la réalité. Mes sens altérés ne me permettent plus d'exister.

Je prépare ma fin, silencieusement.

Mes poumons sont vides, Je n'ai plus de temps.

Je lutte continuellement mais ça n'a pas d'intérêt.

Mon seul réconfort est de savoir que là, tout près, bien cachée, se trouve une boîte de comprimés, et que cette fois, lorsque que tout sera prêt, il me suffira de tendre le bras pour m'échapper. 

Adieux à l'Univers : À la dériveOnde as histórias ganham vida. Descobre agora