𝑬𝒕 𝒔𝒊 𝒐𝒏 𝒊𝒎𝒂𝒈𝒊𝒏𝒆...?

Ça : Eddie Kaspbrak - 2

Ma cheville avait craqué. La douleur monta tout de suite, fulgurante, foudroyante et tout les putains d'adjectifs qui allaient avec. Je me relevai en m'appuyant à la barrière et posai en hésitant le pied sur le sol. Ça allait, ça m'était déjà arrivé, ce n'était qu'une bête foulure. Au pire une entorse. J'aurais cru m'attendre à pire.

" Mais oui, sautons du deuxième,  refaisons-ça tous les jours, même., balança une  voix dans ma tête qui ressemblait à s'y méprendre à celle de Richie.

Je relevais la tête en l'air. Henry avait disparut à l'intérieur mais mon instinct hurlait qu'il n'allait pas tarder à sortir. Je me mis sur mes jambes en retenant un petit cri de douleur. Et je boitais le plus vite possible jusqu'à mon vélo, Choupette. Je l'enfourchais  et pédalais vivement en serrant les dents jusqu'à Neibolt Street.

La première personne que je vis était Ben Hanscom, un gentil gars du Club que je ne connaissais pas très bien. Je ratais un nid de poule et passais au dessus de Choupette en un vol plané spectaculaire. Mon dos cogna le sol avec force, expulsant tout l'air de mes poumons et mon crâne frappa brusquement la terre. Pendant un moment, je restai sur le sol avec seul objectif de réapprendre à respirer. Inspirer, expirer. Des tâches grises dansaient devant mes yeux. Inspirer, expirer.

Putain, je souffrais. Ben était sur moi depuis un moment, complètement perdu. Je n'entendais plus qu'un grésillement lorsque deux personnes arrivèrent simultanément. L'un poussa Ben en fondant sur moi pour me redresser. Richie. Et un autre, plus petit me prit le visage en coupe, m'examinant sous toutes les coutures.

Mon coeur fit un bond lorsque je reconnus Eddie.

- Eds...

Le grésillement s'estompait lorsque je l'entendait me parler frénétiquement.

- Maisie !  Enfin, tu me réponds ! Ça va ?! Mais qu'est-ce que tu faisais dans la lune ?! Ce nid de poule ça fait cent ans qu'il est là, me dis pas que tu savais pas, tu savais !

- Woh woh woh...Eddie, laisse-la respirer.

Richie le fit se retirer.  Il avait les joues rouges et une veine palpitait sur son front. Eddie sortit son inhalateur et s'en fournit une grande bouffée.

Il avait été si proche pendant un instant que j'en sentais encore son odeur et sa chaleur. Je devais encore avoir les joues rouges quand Richie m'aida à me lever. Il me glissa discrètement :

- Aah, cette tension sexuelle entre vous deux... Il essuya une larme imaginaire au coin de son oeil...Mon bébé a tellement grandi...

Je pouffais, ignorant une impression de tournis. Mon dos et ma cheville étaient encore endoloris. Dire que je devais affronter Ça dans cet état. Entre-temps, Mike, Stanley et Bill étaient arrivés et Bill expliquait qu'il fallait entrer par le puit dans le sous-sol de la maison.

Beverly était à l'intérieur.

Eddie jeta un oeil craintif à la maison et aspira à nouveau une goulée d'oxygène de son inhalateur. Mike avait apporté l'arme qu'ils utilisaient à l'abattoir. Une sorte de fusil à air. Il avait passé une écharpe de munitions sur son épaule et un regard déterminé enflammait ses  prunelles. Quelque part, la présence d'une arme me rassurait.

Eddie me serra le bras de sa main valide en un geste rassurant. Le rouge me monta légèrement aux joues. Il était si rassurant. Lui, le plus fragile ment constitué, toujours malade à s'en gaver de médocs avait pour l'instant une présence plus grande que celle de Richie ou de Mike, qui étaient plus robustes. Grand Bill sembla le remarquer aussi.

Eddie retira sa banane, qui contenait ses médicaments et, en un geste rageur après un dernier regard, il l'a balança loin dans les bosquets de plantes sauvages.

- Eddie,  tes médicaments ! Ta mère..., commençais-je.

- C'est des placebos, May. J'en ai plus besoin maintenant., coupa t'il.

Sa voix était ferme. Des placebos. Oui, mais quand même. Sa mère allait être furieuse. Elle accuserait encore les Ratés de l'influencer. Mais la flamme dans les yeux d'Eddie m'aurait presque fait fondre. Je décidai de lui faire confiance. Tout de suite après avoir lancé sa banane, il me reprit à nouveau la main et ce geste me réchauffa le coeur.

Richie s'abaissa et ramassa une bouteille de bière par terre. Il l'éclata sur la rampe de l'escalier en espérant  faire du tesson une arme mais son résultat fut si pitoyable qu'il le jeta dans les orties.

Après que Bill nous ait lancé un regard assuré, on s'engouffra dans la maison.

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L'ambiance était glacée lorsque Bill annonça qu'il fallait descendre dans le puit avec la corde. Stan descendit le premier. Puis ce fut Eddie - non sans peine à cause de son bras cassé -, ensuite moi et Richie . Ben et Bill. Les égouts était au tiers remplis d'eau brune dans laquelle se trouvaient pleins de choses dont on ignorait la nature. Et on préférait l'ignorer. 

Mike, qui fermait la marche, était le dernier à descendre. Mais lorsqu'il fut sur le point d'attraper la corde, un éclair blond sale lui sauta sauvagement dessus.

- Mike !, cria Bill.

Un instant, un grand brouhaha régna en haut. Puis plus rien. Richie se trémoussa pour passer devant Ben et avec Bill, il leva la tête en l'air. Je ne pouvais pas voir ce qu'ils voyaient, tout d'un coup, ils crièrent "Henry ?!" puis hurlèrent encore plus fort "Mike !"

La tête de Henry disparut et un nouveau brouhaha s'éleva d'en haut. La corde avait été remontée, personne ne pouvait monter ni descendre puis un gros 'BANG' fit trembler les murs. Et enfin plus rien. 

- Mike !, cria à nouveau Richie, reprit en écho par Ben, Eddie et moi.

Bill passa la tête en dehors du trou lorsqu'un corps failli lui tomber dessus. Il rebondit contre les parois du puit et alla s'écraser au fond. Puis, plus rien.

- Mike...? 

A mon tour, je bousculais les autres pour me frayer une place pour rejoindre Eddie qui était aussi parti devant lorsque Stan, qui du coup était derrière moi (techniquement il était premier de la file) et moi vîmes une ombre fugitive passer derrière nous. Les autres aidaient Mike à descendre - il allait bien, c'était Henry qui était tombé - pendant que, un instant Stan partit en avant. 

Je le suivis sans attendre les autres. Le tunnel dans lequel nous étions débouchait sur une sorte de petite chambre qui s'ouvrait sur plusieurs chemins. Un bruit s'éleva du plus grand, plongé dans le noir. Stanley se mit devant moi, protecteur, mais il tremblait de tous ses membres. 

- Beverly ?, murmurais-je. 

Sauf que la silhouette qui émergea des ténèbres n'était pas Bev. Elle était immense, un corps aussi long et fin  qu'un jeune arbrisseau et son visage... Son visage était anthropomorphe mais trop...allongé. Des yeux blancs laiteux qui n'étaient même pas à la même hauteur, une blancheur de cadavre, un nez qui lui mangeait la moitié de la figure. Et une bouche sans lèvres qui s'ouvrit sur plusieurs rangées de dents. Si Stanley sut retenir son cri, moi pas et hurlai à m'en casser la voix. Le monstre fondit sur Stan avant que je n'eus fermé la bouche.