Console-moi et berce-moi, encore une fois

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She Night (1999)

Ce petit-déjeuner en ville avec June se passe d'abord dans le calme. Difficile, pour nous deux, d'émerger du sommeil qui n'a duré que quelques heures. Forcément, hier, nous avons voulu profiter le plus longtemps possible, comme tous les autres jours ; si Isa n'est restée chez moi que le temps d'un thé – trop épuisée par ce foutu jet lag, disait-elle – il en a été autrement pour June qui est repartie à leur hôtel bien plus tard dans la nuit... ou plutôt, bien plus tôt dans la matinée. Nous avons discuté, sans jamais nous arrêter, comblant chaque micro-silence ; comme si nous ne voulions gaspiller aucune minute, aucune seconde, qui nous semblaient à présent si précieuses. Nous avons tellement ri. Il n'y a qu'avec elle que je peux rire autant, sans doute parce qu'elle me connaît mieux que quiconque. Il faut dire qu'en dix ans d'amitié, nous en avons passé du temps ensemble, à dévoiler des choses nous concernant, mais nous avons aussi passé énormément de temps à ne rien se dire, juste être là l'une avec l'autre. C'est aussi ça, la véritable amitié ; communiquer sans se parler, se comprendre simplement à travers des postures, des gestes, des regards.

Ce matin, je sens que mon corps se réveille un peu plus à chacune des gorgées que je prends de ma boisson. Mes mains qui l'entourent se réchauffent petit à petit et, installée dans un gros fauteuil, je me sens bien. Ma tête posée sur le haut du dossier, je ferme mes yeux, me permettant ainsi de savourer ce moment, avec la chaleur du lieu, les odeurs de pâtisseries, le goût délicieux de mon lait d'amande, le bruit des conversations doucement étouffées, le contact de l'assise sous mes jambes.

« Sinon, avec Mél ? me demande June, me sortant de mon espèce de méditation improvisée.

- Ça va, réponds-je simplement, ne voulant pas entrer dans les détails. C'est vrai, qu'est-ce que je pourrai dire ?

- Oui, je sais, tu me l'as déjà dit hier, et aussi avant-hier. Tu as eu des nouvelles ?

- Euh... oui oui, bien sûr. Elle est assez occupée, et puis, moi, je veux profiter de toi, conclue-je en lui souriant. Un sourire qu'elle reconnaitra forcément comme faux et fabriqué.

- Mmh...

- Quoi ?

- Rien, je sais que tu mythonnes, mais si tu le fais, c'est qu'il y a une bonne raison, alors je n'insiste pas », dit-elle simplement en me lançant un regard bienveillant avant de retourner à sa boisson.

Chaque fois, elle me perce à jour. Ce pourrait être mignon ou touchant – et ça, l'est, généralement – mais là, pas vraiment. Je suis plutôt mal à l'aise qu'elle ait perçu mon mensonge, mais je lui rends son sourire, pour la remercier de ne pas m'en vouloir. June n'est pas du genre à insister, à bousculer les gens pour obtenir des informations croustillantes. Elle veut mon bonheur avant tout ; et je peux l'affirmer ainsi parce qu'elle me l'a suffisamment répété.

« Je suis tellement heureuse que tu sois là », avoué-je enfin, comme pour la rassurer que je l'aime toujours, malgré mon omission.

Elle se contente de rapprocher son fauteuil du mien – avec du mal étant donné son poids – et pose sa tête contre mon épaule. Voilà, nous n'avons besoin d'aucun mot, ils ne feraient que gâcher l'instant. Et nous restons ainsi un bon moment. C'est tellement plaisant que je donnerai tout pour ne plus avoir besoin de bouger. Pourtant, il le faut. Si June est là, je dois malgré tout aller en cours. J'avoue que je sélectionne les plus importants... mais c'est ma meilleure amie quand même ! Que je n'ai pas vu depuis presque une demie année ! Mais là, le cours de cette fin de matinée, je ne peux pas me permettre de le rater.

Nous finissions nos boissons et nous dirigeons vers la caisse pour régler. June se précipite pour y arriver avant moi ; elle tient à m'inviter !

Ma Seconde Naissance [PAUSE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant