Moi je te promets une belle histoire

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Les silences de Juliette (1996)

Encore une journée bien chargée qui vient de se dérouler. Je serai toujours aussi surprise de voir la quantité de cours en première année de fac. Mais bon, je ne m'en plains pas. Bien au contraire, j'adore tout ce que l'on apprend ! Cette stimulation intellectuelle me fait un bien fou. Malgré tout, comme beaucoup d'autres étudiants de ma promo, je ne sais pas ce que je ferai après l'Université, je n'ai pas réellement d'objectifs professionnels, de projet de vie. Ces préoccupations ne sont pas encore les miennes. Je sais simplement que travailler avec des gens me plait. Rien de plus.

Lorsque je sors du bâtiment, le froid me glace immédiatement le visage. Évidemment, les températures n'étaient pas si basses quand je suis partie de chez moi après avoir mangé ce midi. Et je n'ai donc pas pensé à prendre une couche de vêtement supplémentaire en prévision. Je presse alors le pas et estime qu'en cinq minutes, je peux être arrivée à la salle de sport du campus. Heureusement, car je déteste sentir le vent froid m'irriter la trachée et tout l'intérieur de mon corps à chaque inspiration. Pour me donner du courage, je pense aux quelques livres que je m'offrirai après cette séance de sport qui ne s'annonce pas de tout repos. J'ai toujours plus ou moins évité l'activité physique, excepté la marche à l'époque où je pratiquais encore beaucoup la photographie. Je prenais plaisir à explorer des endroits qui m'étaient inconnus, à grimper jusqu'à des lieux qui, je le savais, me livrerai une vue incroyable.

Mais là, depuis que je suis à la fac, que j'ai changé de vie, j'ai pris des résolutions que je compte bien tenir : cours de musculation trois à quatre fois par mois. Évidemment, les premières séances ont été atroces, mais je m'y habitue, petit à petit. Cela faisait déjà quelques temps que j'étais en extase devant les bras musclés de Cameron Diaz et, parfois, je me surprends encore à imaginer ces formes apparaître sur mon corps. Quel sentiment incroyable je ressens lors de ces rêveries, c'est fabuleux !

Lorsque j'arrive dans les vestiaires, la gorge déjà asséchée, je suis quelque peu déçue de voir que je ne suis pas seule ; quelques filles sont en train de se vêtir de leur tenue de sport beaucoup trop sexy à mon goût. Je me dirige vers le robinet d'eau pour remplir la gourde que j'ai descendue cet après-midi en oubliant la politesse que ma mère s'est acharnée à m'enseigner. « Quand tu rentres dans une pièce, tu salues les personnes déjà là » me disait-elle de sa voix nasillarde. Au dessus de l'évier, dans le petit miroir fissuré, ce sont d'abord mes propres yeux que je fixe. Ses yeux d'un vert trop foncé pour être adulé, trop clair pour être jugé transperçant.

Un mouvement derrière moi attire mon attention et mon regard se dirige machinalement sur le reflet de l'une des filles. Elle se déshabille, sans pudeur ni honte de son corps. Je n'ai jamais vu d'aussi beaux sous vêtements. Cette vue est agréable, et pourtant, je détourne aussitôt le regard, car, en même temps qu'elles me fascinent, ces filles me mettent mal à l'aise. J'aime profondément les femmes, mais je ne parviens pas à m'identifier à elles, beaucoup trop intéressées par des choses qui m'échappent, comme les chaussures, le maquillage ou encore la coiffure. J'ai la sensation que je ne suis pas comme elles, et ce, depuis toujours. La preuve en est, l'une de ses copines réajuste son rouge à lèvres alors qu'elle s'apprête à faire du sport, pendant que, de mon côté, je ne connais même pas la sensation de cette peinture sur ma bouche. Être belle en toutes circonstances : voilà où réside la plus grande force de la femme, mais aussi sa plus grande faiblesse. Là où elle croit dominer les hommes par sa beauté, elle y est en fait assujettie. Toujours être belle, encore plus belle, sans aucun répit. Que ça doit être fatiguant d'être une vraie femme !

Pour pouvoir me changer seule, je fais mine d'envoyer un message pour gagner du temps ; pas assez pour ces filles qui ont le verbiage facile. Machinalement, je leur tourne le dos, enlève ma veste, mon pull, mon tee-shirt. En dessous, je porte toujours un petit débardeur tout fin que, exceptionnellement, je décide de garder pour cette séance. Cela m'évite de trop me dévêtir devant ces filles qui ne me ressemblent que trop peu. Encore que, avec cette brassière que je porte, mes seins sont bien couverts, bien cachés. Enfin, je dois bien avouer qu'ils ne le seront jamais assez pour moi. Je me demande alors pourquoi il n'existerait pas de vestiaires individuels. Pourquoi vouloir mélanger les filles entre elles, sous prétexte qu'elles ont le même appareil génital ? C'est ridicule. Je me sentirais sans doute un peu moins mal à l'aise dans un vestiaire masculin.

Ma Seconde Naissance [PAUSE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant