Conduis-moi vers ton endroit

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Savoure le rouge (1993)

Les vacances sont terminées, les cours ont repris, mais ce n'est pas pour autant que la déprime m'envahie. Bien au contraire ! Il est vrai que si je ne suis pas du genre à être rancunière avec ma mère, il faut bien avouer que je me sens mieux quand je suis loin d'elle et de ma famille en général, pour la simple et bonne raison que ce n'est pas avec eux que je me sens épanouie. Quand je retourne chez ma mère, j'ai la sensation de jouer un rôle, de ne pas pouvoir être moi-même. Et quand on y réfléchit bien, c'est dramatique : n'est-ce pas à la maison que l'on doit être véritablement à sa place ? N'est-ce pas auprès de sa famille que l'on doit se sentir le plus en sécurité ?

Alors, si ce week-end je rentre quand-même, c'est surtout parce que Mél a insisté. Elle trouve dommage que ma mère et moi sommes en froid depuis le soir du Nouvel An. Elle n'a pas tord ! Si elle ne m'a pas aidée à intégrer Mél au sein de notre famille, elle a quand-même accepté qu'elle soit là. Mais au-delà de ça, ce qui m'a surtout décidé est que Mél est avec moi. Au mieux, la tension entre ma mère et moi disparaitra, au pire, j'aurais profité de celle que j'aime. Et ce n'est pas rien !

Après avoir quitté les cours, je suis passée chercher mes valises chez moi qui étaient déjà prêtes et suis allée rejoindre Mél chez elle. Elle a fini de laver ses dernières assiettes et couverts et sommes parties. Quelques minutes plus tard à peine, nous arrivons déjà à la gare. Et je suis abordée par autant de beauté ! On ne lève pas assez les yeux lorsque l'on se balade, me dis-je à moi-même. Je ne reste qu'une poignée de secondes en extase devant ce bâtiment puisque Mél m'attrape par le bras pour me faire avancer.

« Nous ne sommes pas en avance », argumente t-elle.

Nous prenons nos billets et nous installons aussitôt dans le train déjà sur le quai et qui ne tarde à démarrer.

Les secousses me détendent immédiatement et me font presque sombrer dans le sommeil. Mes paupières s'alourdissent et mon corps se relâche. Dans un demi-sommeil, je crois que Mél prend ma main dans la sienne qu'elle caresse délicatement pendant tout le trajet.

Arrivées à la gare, je récupère ma voiture que j'avais laissée là le week-end dernier, avant de prendre mon train pour aller à Metz. Ma mère habite dans une campagne tellement reculée que le train n'y passe même pas. Une fois installée, nous jetons nos sacs sur les sièges arrière et reprenons la route. Lorsque je lance le CD qui était mis sur pause, la voix de Nicola explose dans toute la voiture et me ravive immédiatement.

« C'est le dernier album d'Indochine », dis-je simplement en baissant le son.

Nous restons en silence pendant ces trente minutes qui nous mènent jusqu'à la maison. Moi, j'écoute Indochine. Elle, je ne sais pas. Je n'ose pas lui poser la question, de peur qu'elle me dise que, en réalité, elle n'aime pas particulièrement ce groupe. Mais, finalement, je lui demande :

« Ça ne te gène pas ?

- De quoi ?

- La musique.

- Pas du tout. J'aime bien cette chanson, d'ailleurs. C'est quoi ?

Memoria. Je l'adore aussi. Elle est très calme et puissante à la fois.

- Je la trouve très poignante en fait. Les paroles sont... comment dire... douloureuses, dit Mél le regard dirigé vers l'autoradio. Quand il dit que le pire est derrière lui, c'est une phrase qui résonne en moi. Après avoir subi le collège, je me dis que le futur ne peut qu'être plus beau.

- Au collège ? lui demandé-je gênée en imaginant avoir omis cette information.

- On n'en a jamais parlé ? De mon harcèlement ?

Ma Seconde Naissance [PAUSE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant