Me serait-il possible de pouvoir lui parler, le rencontrer ?

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Des fleurs pour Salinger (1990)

Après avoir regardé pour la énième fois le film del'Alice & June Tour, je me coucheavec des images plein la tête. Ce concert m'a donné une furieuse envie de les revoir, là, maintenant. C'est tellement bizarre, mais ils me manquent. Ce que je suis lorsque je suis avec eux me manque. Je ressens soudainement une espèce de tristesse ou de nostalgie, mais je fais en sorte qu'elle ne m'envahisse pas et sombre tout doucement vers le pays des songes. 

*

L'air est doux. Ni trop lourd, ni trop frais. Juste comme il faut. Les odeurs de sel marin et de sable tiède qui me parviennent provoquent en moi un apaisement immédiat. Le vent qui caresse ma peau est agréable. Et je le vois, lui, Nicola Sirkis, avec ses petites lunettes de soleil et son pull de bleu foncé où se battent quelques rayures couleur prune sur le haut. Il est là. Et je me sens bien.

Nous avons discuté, lui et moi. Je lui ai dit combien je le remerciais, combien je l'admirai, comment il me redonnait espoir en la vie, chaque matin. J'ai vidé tout ce que j'avais en moi. C'est si bon. Mieux que tout.

Je lui explique que ma meilleure amie aussi est fan d'Indochine elle aussi, et que donc, chaque concert est un moment où l'on se retrouve, un moment de plus que l'on partage ensemble, un moment où l'on est heureuses, toutes les deux. Puis, je me surprends à lui demander s'il veut bien que l'on prenne une photo. Rien que lui et moi.

« Mais oui, bien sûr », me répond-il avec cette sincérité incroyable et cette bienveillance éternelle envers ses fans.

June est là, elle aussi. Mais plus en retrait. Sa mère, fan depuis L'Aventurier, a fait grandir sa fille dans un bain auditif particulier : Indochine uniquement. Et aussi beaucoup de mots de doux. Ce sont sans doute ces petites attentions envers June qui fait que leur relation est si fusionnelle. Bizarrement, ce n'est pas Indochine qui les rapproche autant, au contraire, c'est même ce qui a pu énerver June une paire de fois, sans doute par lassitude.

« Tu ne veux pas changer de musique ? », demandait-elle avec son air désabusé.

Ou encore « Si tu continues, c'est pour toi qu'Axelle va venir à la maison », criait-elle parfois avant de se réfugier dans sa chambre après avoir claqué les portes.

Alors June est à quelques mètres de nous, mon appareil photo à la main, et j'entends qu'elle nous mitraille déjà. Elle sait à quel point j'ai besoin que ce moment soit immortalisé, arrêté par la puissance de la photographie.

Nicola et moi faisons quelques pas sur le sable et nous installons sur des petites chaises, au milieu de cette plage magnifique et vide, me laissant ainsi seule avec mon héros. Nous sommes dos à la mer, le vent passe dans nos cheveux et s'infiltre en dessous de mon tee-shirt trop large. J'adore cette caresse sur mon corps.

Nicola s'assoit le premier, je m'approche de lui, hésitante car je ne sais pas quelle distance il convient de laisser avec son idole. Il m'arrête immédiatement dans mon questionnement en exerçant une pression avec son bras contre le mien pour m'amener un peu plus contre lui. Aucune ambiguïté n'est perceptible dans ce geste : quand on connaît Nicola, on sait aussi à quel point il donne à ses fans et à quel point il est rempli de générosité. Il est comme un père pourrait être avec sa fille. Enfin, c'est de cette façon que j'imagine les rapports entre un père et sa fille. Nous sommes à présent l'un contre l'autre. Tout semble naturel, nous parlons et bougeons comme si tout cela est normal. Pourtant, c'est tout le contraire. Ce moment est incroyable, magique, surréaliste. Inespéré.

Presque instinctivement, ma tête repose soudain contre son épaule. Une pression que je ne discernais même plus vient de s'envoler. Comme si un poids s'en était allé grâce à lui. Je me sens légère. Je ne suis que légèreté.

June prend adroitement des postures de photographes professionnels. Le fait-elle dans le simple but de me détendre ? La connaissant, c'est fort possible. Quand elle est avec moi, elle se donne ce rôle de mariole qui lui va si bien et qui me fait tellement de bien à moi.

Après quelques secondes ou minutes à me ressourcer au creux de son cou, Nicola, blagueur comme il est, se met à me chatouiller au niveau des mollets. Comme s'il savait exactement quelle est ma faiblesse. Mon corps gesticule bêtement pour échapper à ses doigts pendant que je ris aux éclats face à son visage si joueur, si enfantin, si spontané. Moi qui je suis pourtant tellement discrète, voire effacée, je lâche tout. Lui rit à son tour. Il est tellement beau avec ce sourire. J'ai l'impression de vivre simplement pour voir cette magnifique expression sur son visage, si lumineuse et de n'être pour n'être qu'au près de lui. Plus rien autour de nous n'existe. Je ne vois plus rien d'autre que lui. Ses bras m'enlacent à nouveau et je me blottie contre lui, comme pour échapper à la réalité.

Puis nos sourires se font face. Nos regards aussi. Quelque chose passe entre nous à ce moment-là. Que dis-je, une tonne de choses circule. Je me convaincs alors qu'il perçoit tout ce que je ne peux lui dire par manque de temps, par manque de mots.

À présent, il me semble que je pleure. Il passe sa main dans mes cheveux comme s'il voulait me réconforter et me dire de ne pas pleurer. Il m'embrasse sur le haut de mon crâne. Je me sens enfin en sécurité, complètement sereine.

Rien ne peut m'arriver.    

Ma Seconde Naissance [PAUSE]Where stories live. Discover now