Conduis-moi vers ton endroit

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- Ton harcèlement ? répété-je en me cramponnant davantage au volant humidifié par la sueur de mes mains.

- Oui, je... je suis une ancienne obèse.

- N'exagère rien, je suis sur que tu ne faisais même pas 10 kilos de plus qu'aujourd'hui.

- Je sais que c'est difficile à croire, mais j'en faisais 30 de plus. Et comme je ne suis pas très grande, alors je te laisse imaginer l'allure que j'avais.

- Mais... les autres se moquaient de toi par rapport à ton poids ?

- J'étais la grosse baleine du collège. On me balançait des « T'arrive à marcher avec toute cette graisse ? » ou des « T'as pas honte d'être aussi grosse ? »

- Mais c'est horrible ! » m'exclamé-je de dégoût.

Je ne peux m'empêcher de transposer son histoire sur la mienne. Je me revois, à la même époque, où j'étais moquée à cause de mon orientation sexuelle. J'étais rejetée, exclue. Personne ne me parlait ; ils avaient peur d'être contaminés. Mais ça s'était arrêté là, jamais il n'y a eu d'insultes. Et pourtant, j'en ai terriblement souffert. Alors je n'ose imaginer ce qu'elle a pu endurer.

« Je prie fort pour que tu veuilles de moi, c'est aussi quelque chose que j'ai pu dire, à beaucoup de personnes que j'aimais, reprend t-elle. J'avais l'impression, qu'en étant harcelée, j'avais perdu de la valeur. En m'agressant, ma pureté avait disparu.

- Qu'est-ce qu'ils t'ont fait Mél pour que tu croies des choses pareilles ? l'interroge t-elle après m'être garée sur le côté de la route pour que nous puissions parler tranquillement.

- Je... ça a commencé par des insultes. Mais ça s'est fini en violences physiques. On dit que ce sont les mots qui blessent le plus, mais moi, ce sont leurs mains qui m'ont détruite. Ils... ils était trois : deux mecs et une fille. Cette fille, je croyais qu'elle était mon amie. Et je ne comprendrais jamais comment elle a pu laisser faire ça et comment elle a pu participer à ça. Entre filles, on devrait se soutenir, je ne sais pas...

- Qu'est-ce qu'ils t'ont fait ma chérie ? insisté-je en prenant ses mains dans les miennes.

- Ils... ils m'avaient emmenés dans les vestiaires, après une séance de sport. Au début, ils me frappaient au visage tout en me crachant des insultes d'une vulgarité abominable. Rien concernant mon physique, c'était presque un soulagement, un répit sur le moment. Mais des mots qui m'impactent encore aujourd'hui.

- Quels...

- Quels mots ? Pute, salope, bonne à baiser et j'en passe, débite t-elle. Et ils ont... je... je n'aime pas en parler Axelle, je suis désolée. Je... je n'y arrive pas », parvient-elle à ajouter avant de s'effondrer en sanglots.

Je détache immédiatement nos ceintures de sécurité pour pouvoir m'approcher d'elle plus facilement et la prendre dans mes bras. Je la sens trembler de peur contre moi. Mon cœur se brise. Qu'est-ce qu'on est censé faire dans ces moments-là ? À quel moment on nous apprend à gérer ce gens de situations ? Quand est-ce qu'on nous aide à aider les autres, à prendre soin d'eux, à les garder en vie ?

« Ils ne peuvent plus rien te faire maintenant, tu es en sécurité ici. Je suis là. »

Lorsque ses larmes se calment, je propose à Mél de sortir de la voiture pour prendre l'air, en dépit de la pluie qui commence à tomber. Elle accepte. Nous restons ainsi un bon moment, toujours entrelacées l'une dans l'autre. Je sens qu'elle a besoin de ce contact ; on dirait qu'il la maintient dans la réalité, dans le présent et qu'il l'empêche de repartir mentalement quelques années plus tôt.

Ma Seconde Naissance [PAUSE]Where stories live. Discover now