Chapitre 2 : Suite 3

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          J'ai tout juste le temps de passer ma chemise que Téphe, d'un saut dans sa pantalon, se trouve déjà dans la pièce d'où provient le cri entendu, la chambre de Ghajii et Eldicha. Lorsque j'arrive à mon tour, je marque un temps d'arrêt sur la forme inerte qui se trouve sur le sol, à côté d'une pierre grosse comme un melon. Il me faut quelques secondes pour comprendre qu'il s'agit d'un coq noir largement déplumé, la chair tantôt lacérée, trouée ou arrachée, et dont la tête est partiellement décapitée.

- Par Ttocs ! s'exclame Lienne à la vue du spectacle.

Tout en portant la main à sa bouche, je l'aperçois laisser rouler une larme sur chacune de ses joues. La réception d'un coq noir mort n'est jamais de bonne augure. Dans la majorité des cas survient dans les deux semaines suivantes le décès de l'un des membres du foyer visé par l'attaque. Nulle ne sait si le malheur arrive suite à l'intervention d'un sorcier, d'un pénitent repenti ou simplement d'une connaissance envieuse. Cependant, nulle n'ignore les conséquences fatales d'un tel avertissement. D'aucuns l'assimilent même à une malédiction d'empreinte divine.

- N'aies pas peur femme. Affirma Plore. Les garçons avec moi ! Choppons-ce salaud !

Sur ces mots, ils quittent la pièce et ferment d'un brusque claquement la porte d'entrée.
- Nettoyons ça ! dis-je en un soupir.
Lienne ramassa le coq avec une pelle qui se trouvait dans une caisse d'outils sous l'escalier et l'enterra dehors, tandis qu'Eldicha et moi frottons le sol pour en enlever le sang. Nous attendons longuement le retour de nos hommes.
- Je vous sers une tisane mes filles ? Proposa Plore pour nous faire patienter.
- Oui merci Plore. Répondit Eldicha.
- Non merci, répondis-je à mon tour. Je n'ai jamais été très friande d'eau chaude ! Ponctuais-je d'un sourire inquiet et fatigué.

Cette petite remarque eu l'effet escompté, et permit de détendre un peul'atmosphère. Nous nous installons à la table de la salle à manger et parlons tardivement de tout et de rien quand le sommeil me surprend, puis Eldicha à ma suite.

Le chant du coq et les rayons du soleil au travers de la fenêtre ont raison de mon endormissement. J'ouvre les yeux, encore groggy, et balaye la pièce du regard. Eldicha dort toujours, affalée sur la table, tout comme je l'étais. La porte d'entrée s'ouvre pour laisser Lienne la franchir. Elle porte au bras un panier d'osier plein des œufs pondus ce matin par leur cheptel de poules. Son chignon est clairement défraîchit et les cernes sous ses yeux rougis ne laissent aucun doute, elle est manifestement épuisée.
Je me lève pour la soutenir et sent un tressaillement à mon contact. Délicatement, je lui prends le panier des mains pour le poser sur la table à manger.

- Venez vous coucher Lienne, vous avez besoin de repos. Avez-vous des nouvelles de nos hommes ? Lui demandais-je tendrement tout en l'accompagnant dans sa chambre.

Le regard furtif et vaseux, elle ne prononce pas un mot. Je la fait asseoir sur le bord de son lit puis ôter ses sabots afin de l'y allonger. Elle est si pâle, les traits crispés de chagrin. J'attrape une couverture de coton blanc souple, qui se trouvait sur une petite chaise de bois tout près de là, pour l'en couvrir. Tel un fœtus elle s'en enveloppe, ferme les yeux et s'endort aussitôt. Après avoir fermé le rideau rouge dentelé de l'unique fenêtre de la pièce, j'en sors pour retrouver Eldicha qui s'éveille au son de la porte que je ferme derrière moi.

- Quelle heure est-il ? Me demande-t'elle.

- Je l'ignore. Je vais regarder.

Je sors un instant de la maison pour consulter le cadran solaire qui surplombe la porte d'entrée. Celui-ci indique huit heures et vingt minutes. Nous avons fait une belle grasse matinée ! Je rentre auprès de mon amie et lui transmets l'information demandée.

Les Sphères d'Ebesse                               Tome 1 - Épées forgéesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant