Les Sphères d'Ebesse Tome 1 - Épées forgées

Chapitre 1 : Insouciance

  " Dans un monde troublé,
certains parleront de chance quand d'autres parleront de fatalité...
Et si une succession de hasards traçait notre destinée ? "

***

Cleynénia

          L'aube se lève. J'entends déjà Khéon, mon père, mener nos chèvres et nos moutons en direction des pâturages. Les oiseaux eux, chantent à tout va en cette nouvelle saison des amours, et ce premier jour de printemps. J'ouvre un œil, puis l'autre, avant de me lever. Dans notre petite chaumière, une voix s'élève avec force. Xsoraine, ma mère, s'impatiente de me voir ainsi m'éterniser au lit. 

Faisant quelques pas, la tête encore transie par le sommeil, je m'approche de mon miroir à pieds, d'un grossier bois sculpté, et contemple mon affreuse mine matinale. Dans cette demi-pénombre, traversée par les frêles faisceaux de lumière qui percent localement mon rideau troué par l'usure, un doux rayonnement ondule sur mes longs cheveux dorés. A cet instant, l'idée de les démêler me désespère, j'opte donc pour les lier d'une pince de cuir, maintenue par un pic en amandier. 

Nouvel appel de ma mère. Il faut que je me dépêche. Tout en descendant prestement les quelques marches séparant ma chambre de notre salle commune, j'enfile au plus vite une légère robe bleue par-dessus ma longue et blanche chemise de nuit. D'emblée ma mère m'annonce les tâches de la journée, aller chercher de l'eau au puits du village, laver le linge au lavoir, nourrir les poules, et le plus urgent, aller me laver, j'empeste paraît-il...

Sur ces mots, j'embrasse ma mère qui tout en me repoussant, m'empresse d'aller à l'étang.

     Courant jusqu'à l'étang, tout près de notre maisonnette, je rejoins là-bas quelques amies se prélassant dans l'eau claire. Dans mon enthousiasme, je ne peux résister à l'envie de sauter dans l'eau, et du même coup, à toutes les éclabousser. Après quelques réprimandes, elles se prennent au jeu et nous nous éclaboussons, nous faisons couler, nous attrapant les pieds et rigolant à en perdre haleine.

Désormais nues comme de petits vers, nous nous passons l'une l'autre le savon, et nous rinçons avant que les garçons du village n'arrivent. Mais nous n'avons semble-t-il pas été assez rapides, les jeunes hommes sont déjà là, cachés derrière de maigres buissons et autres arbrisseaux entourant l'étendue d'eau. Les plus vives d'entre nous réussissent à attraper leurs vêtements et s'enfuient à toutes jambes, celles qui restent, dont moi, nous retrouvons nues au milieu d'une dizaine de garçons, pour la plupart assez séduisants il faut l'avouer. L'un d'eux viens vers nous, il s'appelle Téphe.

Téphe est le plus grand et le plus fort des jeunes à marier comme on dit chez nous, il est aussi et très certainement le plus attractif. Il s'avance dans l'eau, torse nu, et passe entre nous. Sur huit filles au départ, nous n'étions restées qu'à cinq, et étions aussi intimidées et apeurées qu'émoustillées. Il s'arrête auprès d'Eldicha, une petite blonde un peu fluette, qui puise tout son charme dans la profondeur de ses yeux verts. Eldicha est probablement ma meilleure amie, nous partageons absolument tout. Il se penche sur elle, lui glisse un mot à l'oreille, et se redresse, partant vers une autre jeune fille, tandis qu'Eldicha se retourne vers moi et me regarde malicieusement, avant qu'on ne lui remette ses affaires et qu'elle ne rentre chez elle.
Je me retrouve seule, entourée de tout ces garçons, en face à face avec Téphe.
Mon cœur bat à une vitesse folle, d'ailleurs, je crois bien que je suis plus rouge qu'une pivoine ! Téphe me dévisage, puis se penche sur moi, respirant alors mon parfum, et caressant de son souffle le creux de mon cou. Tout mes sens se trouvent en éveil sur chacun de ses gestes. Les bras en croix, cachant ce que je peux de ma poitrine, le reste de mon corps étant immergé, il poursuit de son souffle son ascension, tout en déposant ses mains sur mon bassin. Je frissonne à chaque instant. Il parvient à mon oreille, et tout en parcourant mon dos, me susurre :