Tu m'apprendras que mon heure est grave

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- Arrête de m'appeler Axelle putain ! » m'égosillé-je les larmes aux yeux.

Mél se tait immédiatement, comme choquée de mon agressivité si rare. Elle semble même apeurée. Mais pourquoi ? De quel droit ? Qu'est-ce que j'ai fait pour mériter qu'elle me regarde comme si j'étais un monstre ?

Pendant que les larmes coulent sur mes joues, je me laisse glisser le long du mur, mes jambes n'étant plus assez solides pour me supporter.

Mais, en réalité, qui peut me supporter ?

« Je... je suis un garçon. J'ai tou... toujours été un garçon. Et c'est comme ça, je... je n'y peux rien. Personne n'y peut », ajouté-je dans un murmure.

Mes cuisses repliées contre ma poitrine, mes mains les enlacent, ma tête enfouie. Je pleure, encore et encore. Comme jamais je n'ai pleuré. En même temps, comment aurais-je déjà pu découvrir plus tôt le sentiment qui m'habite en ce moment puisque cette situation est inédite ? Finalement, un pleur n'est-il pas systématiquement différent de tous les autres ?

Mes sanglots s'étend dans tout l'appartement, déborde sur ce silence écrasant qui nous entoure. Tout ma peine ressort. C'est dégueulasse tellement je suis pathétique.

J'entends les pas de Mél s'approcher de moi. Mon corps se tend instantanément. Elle s'agenouille mais laisse une distance entre nous.

« Ax... pardon je... écoute, tu peux te faire soigner pour ça. Tu as un sexe féminin, donc des hormones féminines. Comment est-ce possible que tu te sentes homme à l'intérieur ? Ça n'a aucun sens. Tu es juste chamboulée, on ira voir quelqu'un et tout ira bien », répond t-elle avec douceur, comme pour me ramener à la raison, convaincue de ce qu'elle avance.

Se rend t-elle compte de la violence de ses mots ? De la douleur qu'ils me procurent ? A t-elle conscience que c'est insupportable de la voir nier ce que je suis maintenant persuadée d'être au fond de moi ?

Elle prend une des mes mains dans les siennes que je retire instantanément. Elle se lève et s'écarte. Je la fixe alors d'en bas avec agressivité. Je comprends que sa douceur de surface vient de s'envoler.

« En fait, c'est juste une excuse tout ça. C'est comme quand tu n'as pas pu coucher avec moi, murmure t-elle les larmes aux yeux. Alors que je t'avais raconté mon passé, mon agression... toi tu... tu n'as même pas réussi à me faire confiance, tu n'as pas réussi à être assez à l'aise avec moi, crie t-elle maintenant.

- Mél, mais... ça... ça n'a rien à voir, bulbutié-je. Je ne supporte pas mon corps de femme. Je n'y arrive pas. Alors, prendre du plaisir avec, ça m'est... c'est impossible pour moi ! Ça n'a rien à avoir avec toi, je suis...

- Tu es quoi ? Tu es désolée ? C'est ça ? Tu es désolée de me trahir ? Tu ne crois pas que j'ai suffisamment souffert par le passé ?

- Te trahir mais qu'est-ce que...

- Oui, tu me fais croire depuis tout ce temps que tu es une fille alors que, apparemment, tu es un garçon. Enfin, c'est vraiment n'importe quoi cette histoire ! J'en ai marre ! »

Après quelques minutes de réflexion, une question me taraude. Je dois lui poser. De toute façon, qu'ai-je à perdre ?

« C'est à cause de ça que tu t'es éloignée de moi ? Parce que je n'ai pas... réussi ? demandé-je, pas tout à fait certain de vouloir entendre sa réponse.

- Tu veux que je sois franche ? Oui, c'est pour ça.

- Je croyais qu'on avait mis les choses au clair... Ce... ce n'est pas ta faute Mél, tu le sais. Tu n'as pas à t'en vouloir, tenté-je de la rassurer, malgré ma peine, en posant ma main sur son épaule qu'elle dégage aussitôt.

- Ne me touche pas ! Sors de chez moi ! »

Rester ici, devant elle qui me déteste, est, de toute façon, bien trop dur pour moi. Je me détourne d'elle et, avant de passer le palier de la porte pour la toute dernière fois, je ferme les yeux et, intérieurement, c'est comme si j'effaçais Mél de mon disque dur cérébral. Je retrace le fil de notre histoire et me persuade que je peux supprimer ces instants de ma pensée. Je voudrais tellement que tout cela soit possible. Pouvoir entrer dans une machine qui rendrait inexistants certains moments de vie, qui nous épargneraient d'une douleur insupportable, d'une blessure inguérissable. Je rêverais d'être Jim Carrey dans le sublime film Eternal sunshine of spotless mind pour radier toute cette opposition à ce que je suis, cette solitude qu'elle me renvoie, cet anéantissement.

Quelques larmes s'échappent de mes paupières closes. Je reviens instantanément à la réalité. Je remets de l'énergie dans tout mon corps endolori, endormi et me redresse et quitte son appartement dans lequel je ne veux plus jamais remettre les pieds.

Feel my blood enraged

It's just the fear of loving you

Là, je sais que je t'ai perdue.

Définitivement.

Ma Seconde Naissance [PAUSE]Where stories live. Discover now