–  Je... Je suis lesbienne, Lauren.

Lauren lâcha soudainement la main de son employée et fronça les sourcils. Ce qu'avait craint Camila venait d'avoir lieu. Elle avait effrayé Lauren, elle l'avait perdue à la minute même où elle avait prononcé ces mots.

–  Vous êtes dégoûtée, soupira-t-elle vaincue.

–  Non, non. Bien sûr que non. Je... Continuez, s'il vous plaît, lui répondit Lauren en tentant de digérer sa surprise.

–  Vous êtes sûre ?

–  Absolument, répondit avec assurance la plus vieille.

–  Je... J'ai toujours su que j'étais différente. Je regardais avec plus d'insistance les filles que les garçons ; dans les films je me mettais toujours à la place de l'homme imaginant embrasser sa femme... J'ai toujours cru que j'étais... malade. Mais au lycée, je suis tombée sur cette fille, cette Jade, une belle métisse aux yeux noisette. On était amies mais... Un soir, on... On s'est embrassées. J'ai cru que c'était une erreur, mais elle m'a rassurée en me disant qu'elle ressentait la même chose. Mais son père était aussi un fervent religieux et elle avait peur qu'il le découvre.

–  Cela a dû être difficile à vivre, j'imagine, fit remarquer Lauren avec empathie.

–  Très. On avait constamment peur d'être surprises... que nos parents sachent et fassent un scandale. Pour eux, l'homosexualité est contre nature. C'était une maladie qui peut se guérir, mais dont il faut avoir honte. Quand notre relation a pris fin, j'étais confortée dans l'idée que je n'étais pas malade, que je vivais la chose la plus étrange, mais aussi la plus excitante qu'il m'avait été donné de vivre. Je savais que c'était mal pour mes parents, mais je ne pouvais renier ce que j'étais, ce que je ressentais.

–  Cela a-t-il duré longtemps ?

–  J'ai réussi à finir le lycée sans éveiller les soupçons. Une fois à la faculté de Droit, les choses se sont accélérées. C'était un univers plus libre, moins strict. Je n'avais pas à faire attention à mes arrières, mes parents et ma sœur n'étaient pas là à me surveiller. J'ai eu plusieurs relations, plus ou moins sérieuses... Cela a duré deux ans environ...

–  Et ensuite ?

–  Ensuite... J'ai décidé de l'annoncer à mes parents. Ils ne comprenaient pas pourquoi je voulais rester à Seattle, ne pas revenir à la maison. Mais pour moi, revenir chez nous c'était oublier qui j'étais réellement, c'était jouer un rôle usant. Je n'étais plus heureuse avec eux. C'est horrible de dire ça non ? D'arriver à un point où on ne supporte plus ses parents, sa famille.

–  Je peux comprendre, croyez-moi.

–  Enfin bref... Un soir, j'ai... Je sortais avec une fille à l'époque, on avait des projets. On voulait terminer nos études et emménager ensemble, c'était du sérieux. Alors, la veille de recevoir mon diplôme, j'ai parlé à mes parents. Je m'en souviendrai toujours... On était à table... Ma mère était élogieuse sur le parcours sans faute de ses enfants... Ma sœur faisait une brillante carrière dans la police de Seattle et leur deuxième fille allait recevoir son diplôme qui allait lui ouvrir les portes des meilleurs cabinets d'avocats de la ville. Quelle déception hein, soupira-t-elle, le regard voilé d'une tristesse qui contamina Lauren.

–  Continuez...

–  Je me souviendrai toujours de cette soirée... Du bruit du verre qui s'est brisé quand ma mère l'a lâché après avoir compris. Le couteau que mon père a enfoncé dans le rôti... Ils se sont regardés, perdus. Ma sœur... Il s'est mis à rire nerveusement avant de comprendre que ce n'était pas une plaisanterie. Le pire a été le silence... J'aurais préféré qu'ils me hurlent dessus. Mais ils ont préféré le faire quand je suis partie me coucher. La dispute a été violente, je distinguais quelques mots comme « outrage » ou encore « secret », « ruine » ou « déshonneur ».

Journal d'une Confidente - CamrenWhere stories live. Discover now