Chapitre 10

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–  J'ai été heureuse.

Ce fut ainsi que Camila commença son récit.

–  Mes parents étaient de bons chrétiens... Mon père, comme vous le savez déjà, était pasteur... Il l'est toujours d'ailleurs... bégaya la jeune femme avant de prendre confiance et de se laisser emporter par ses souvenirs. Ma mère était institutrice et, le week-end, elle enseignait le catéchisme. J'ai une sœur, Maritza, Ritza. De trois ans mon aînée. Elle était protectrice, trop. Elle m'étouffait sans cesse. J'étouffais dans cette famille.

–  Pourquoi ?

–  Une pression que mes parents exerçaient, sans même s'en rendre compte. En tant que représentants de notre paroisse, ma sœur et moi étions les modèles à suivre. Ceux qui ne devaient pas faire de vague. Nous devions être irréprochables tant par nos comportements que par nos résultats scolaires. C'était pesant. Mes parents étaient justes, mais sévères.

–  Je peux comprendre, répondit Lauren en se souvenant de la pression exercée par sa propre mère toute son enfance.

–  J'ai grandi dans un cocon idéal où rien ne dépassait, rien n'allait de travers. Mais les choses ont changé quand je suis arrivée au lycée. Un lycée privé bien sûr.

–  Bien sûr, répéta Lauren face à cette évidence qu'elle avait elle-même vécue.

–  Et puis j'ai rencontré quelqu'un, c'était mon premier flirt, j'étais... perdue. Dans ma religion, du moins celle de mes parents, les relations sont quelque chose de sérieux. On ne se met pas avec n'importe qui, on ne s'affiche pas officiellement sans l'accord des parents ou l'aval de l'église. On ne se fiance pas et on ne se marie pas avec quelqu'un de non conventionnel.

–  Et j'imagine que la personne que vous aviez choisie n'était pas conventionnelle... murmura doucement son interlocutrice pour l'encourager.

–  Loin de là. Mais je savais qu'en en parlant à mes parents, je risquais de les mettre en boule, genre... vraiment ! Alors j'ai vécu mon premier flirt à l'abri des regards, dans le plus grand secret.

–  Et qu'en pensait la personne avec qui vous étiez ? questionna Lauren, avide de curiosité.

–  Cette personne était dans le même état. Nous sommes sorties quelques semaines, avant que l'on ne rompe, la peur de se faire prendre étant bien trop grande. Mais cette relation m'avait confortée dans l'idée que j'étais... différente.

–  Différente ? répéta Lauren sans comprendre la portée du terme employé.

–  Je ne sais pas ce que vous en pensez, je n'ai même jamais songé à l'éventualité de vous en parler un jour. Après tout, ça ne rentre en rien dans mes qualités de dame de compagnie...

–  De quoi parlez-vous ?

Lauren pouvait sentir la tension monter chez Camila, ainsi qu'une nervosité qui semblait la ronger.

–  Si je vous le dis, j'ai peur que vous me regardiez d'une manière différente... J'ai peur de perdre ma place... commença à dire la jeune femme prisonnière de ses propres insécurités.

–  Dites-moi Camila, l'encouragea Lauren qui n'avait jamais vu la jeune femme réagir de la sorte.

–  Je... Ce qui est arrivé chez moi, à Seattle, j'ai peur que cela arrive ici, et je n'ai pas envie de partir. Je tiens à cette place. Je suis bien ici, avec vous, expliqua maladroitement la brunette pour gagner un peu de temps.

Lauren s'approcha et prit sa main pour l'encourager et l'inviter à se confier.

–  Racontez-moi, l'invita doucement sa patronne sans la brusquer.

Journal d'une Confidente - Camrenحيث تعيش القصص. اكتشف الآن