Strictement professionnel

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Lila

- Querida ? 

Je m'agite dans ma chambre totalement paniquée. Ma valise est ouverte et posée sur mon lit, attendant que je la remplisse. Je tourne et vire dans tous les sens et rassemble mes affaires sans perdre de temps. Plus vite je quitterai cette maison, et plus vite je pourrai retrouver mon frère.

- Querida ?

Plus rien autour de moi n'existe, hormis la peur. Je pense sentir chaque poil hérissé par la terreur sur mon corps, écouter chaque battement de mon cœur qui s'excite dans ma poitrine. Heureusement que je connais cette pièce par cœur, car même ma vision me fait défaut. Entre la frayeur qui m'aveugle et les larmes qui menacent de couler, je ne suis plus sûre de ce que je vois.

- Lila ! hurle Valentina en me sortant de mes pensées troublées par la honte et l'effroi. 

- Quoi ?! dis-je en regardant mon amie dans les yeux et lâchant quelques vêtements dans ma valise.

- Tu ne peux pas partir avec lui. Il est horrible ce mec ! 

- Je suis au courant Val. Et c'est justement pour ça qu'il faut que je rentre avec lui. Tu ne sais pas de quoi il est capable.

- Préviens la police ! Je le fais moi si tu veux ! 

- Pourquoi faire ? Pour qu'il leur file un billet pour qu'ils oublient la pauvre petite Lila traumatisée, et que je m'en prenne plein la gueule parce que j'aurai été me plaindre ?! Non merci !  Autant m'épargner ça tout de suite.

- Et Dimitri ? Il peut t'aider lui ! 

- Laisse Dimitri là où il est ! Il en a déjà assez fait ! C'est à cause de lui que Charles m'a retrouvé ! 

J'explique alors à mon amie tout ce que je sais au sujet de Dimitri et de son travail. En fait, je ne sais presque rien, mais je suis certaine d'une chose : Dimitri a été payé par Charles pour me trouver. Et ce simple fait est bien suffisant pour avoir la certitude qu'il faille que je tire un trait sur cet homme. 

Si c'était si simple...

Encore prise par la peur liée à l'arrivée de Charles, je n'ai pas encore pris le temps de réaliser que Dimitri venait de me détruire lui aussi. Toujours emprisonnée par l'adrénaline du moment, je n'ai pas encore mal de sa trahison. Mais je sais que dès lors que ma colère envers Dimitri se sera réveillée, je serai plus dévastée que jamais. Mais il ne faut pas que je me laisse submerger par mes sentiments. Je ne dois garder qu'un seul et unique objectif en tête, protéger Rafael. Personne ne pourra m'empêcher de partir, pas même Val. 

Dimitri

Toujours assis à même le sol dans ma chambre, la tête contre le mur, je ne cesse de faire tourner en boucle le visage de mon ange dans mon esprit. Elle avait l'air terrifiée face à Charles et je l'ai laissée seule. Je ne l'ai pas soutenu et l'ai regardé s'enfuir. J'ai été lâche. Elle ne doit pas repartir avec lui. Je sais qu'il lui fera du mal. Je connais bien les hommes comme lui, ils ne s'arrêtent pas tant qu'ils n'ont pas obtenu ce qu'ils voulaient. Et Keller, ce qu'il veut, c'est Lila, mon ange.

Bouge-toi putain !

Revenant peu à peu à la réalité, je me redresse pour sortir de la chambre 28. Il faut que j'aille empêcher Lila de partir avec Keller avant qu'il ne soit trop tard pour tout le monde. Je dois absolument la retenir. Elle mérite bien mieux que ce que lui offre Keller. Lila est une belle personne, et je ne dois pas laisser ce monstre détruire sa lumière.

Alors que je m'apprête à quitter la pièce, mon téléphone résonne. Je n'ai pas le temps de m'occuper de ça maintenant. Mais lorsque je vois "Dan" écrit sur l'écran, je décroche tout de même. J'ai comme un mauvais pressentiment.

- Ouais ?

- Putain mec t'as branlé quoi ? demande-t-il furax. Ton Keller m'a appelé ce matin pour savoir où t'étais, vu que tu ne répondais pas à ses appels ! Et devine quoi ! Là, il vient de me dire que tu te tapes ton contrat ! T'es sérieux ?! 

- Putain Dan, c'n'est pas le moment là !

- Si c'est le moment sale con ! Keller, il va nous démolir ! Tu l'aurais entendu-...

- Je vais arranger ça, dis-je en lui coupant la parole. 

Ne voulant pas m'éterniser à me faire engueler plus longtemps, je raccroche au nez de mon ami, si toute fois je peux encore l'appeler ainsi. D'ailleurs, peut-être que demain à la même heure, le terme "associé" ne sera plus d'actualité également. Je sais que Keller va nous démonter et que notre petite entreprise ne survivra pas. Il a les moyens et le pouvoir. Il ne fera pas dans la demie mesure et nous piétinera jusqu'à ce qu'il ne reste rien de nous. Mais à cet instant, mon boulot m'importe peu. La seule à laquelle je doive penser, c'est Elle.

Une fois sortis de l'hôtel, je pars louer un vélo pour me rendre au plus vite chez Lila. Ce n'est pas très loin mais je n'ai pas de temps à perdre. Il me faut moins de dix minutes pour me retrouver devant sa porte. Tout le courage qui m'habitait il y a quelques secondes a totalement disparu. Je sais que je dois passer cette putain de porte mais mon corps ne parvient plus à réagir.  Je reste tétanisé sur le perron, en ayant presque oublié le pourquoi de ma présence ici. 

Si j'avais su il y a quelques semaines que ça tournerait comme ça, je n'aurais jamais aidé Keller dans ses recherches. Mais je n'aurais alors jamais fait la connaissance de Lila. Je ne serais jamais tombé sous son charme, tombé amoureux. Je m'apprête à enfin frapper à cette porte quand celle-ci s'ouvre, laissant apparaître Charles Keller.

- Qu'est-ce que tu fous là toi ? Je ne t'ai pas dit de dégager ?  lance-t-il.

- Je m'en irai, mais pas tant que je ne serai pas sûr que Lila est en sécurité. Et je doute qu'elle le soit avec vous.

- T'es tenace Léoni, j'admire. Nan sérieux, il faut des gens comme toi dans ce monde de guignols. Mais là, tu vois, tu commences à me faire chier !

- Vous ne pouvez pas la forcer à vous suivre.

- Bien-sûr que si ! D'ailleurs, on s'en va. Lila ?! hurle-t-il en se tournant.  Passe la seconde, j'n'ai pas que ça à faire !

- Je suis là ! Pas la peine de crier, lance la voix de mon petit ange. 

J'entrevois le visage de ma douce Lila apparaître dans l'embrasure de la porte. Elle est belle. Terriblement belle. Même avec son regard noir qui me foudroie. Même avec son sourire effacé. Même avec sa lumière disparue.