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Lila

Une fois rentrés à la maison, CJ et moi rangeons les courses dans la cuisine. Nous sommes rejoint quelques minutes plus tard par Nikko, le sourire aux lèvres. Ce dernier a toujours hâte de voir si nous avons bien pensé à prendre ce qu'il avait demandé. À chaque fois que nous arrivons de la "mission courses", il est autant excité qu'un môme qui découvre les cadeaux de Noël sous le sapin un 25 décembre. Mais je crois qu'il est comme ça car il a souvent été privé étant enfant. La Roumanie est pays divisé en deux classes bien distinctes. Il n'y a clairement pas de "classe moyenne" telle que nous la connaissons, seulement les riches, et les pauvres. Nikko n'en parle pas souvent, mais je suppose qu'il faisait parti de la seconde classe.

- Hi prieteni* ! (*salut les amis).

- Nikko, râle CJ.

Notre petit roumain d'amour se marre alors que je lui tends son flacon de shampoing.

- Mulțumesc draga*, dit-il avec un clin d'œil. (*merci chérie).

- Mais de rien mon chou !

- Ohhhh vous me fati...

- Ah vous êtes là ! Vous avez penser à prendre des oignons ? lance Valentina en arrivant à son tour et coupant l'instant « râlage » de CJ.

- Oui, c'est bon... Au fait, CJ a acheté un truc pour toi, dis-je à mon amie.

- Lila ! gronde CJ. Et ta copine t'as dit qu'elle s'était faite draguer ? dit-il à Valentina pour détourner l'attention.

- Il m'a pas dragué ! Je lui ai juste rentrée dedans c'est tout !

La discussion s'emballe et prend des proportions énormes. Il ne m'a pas dragué. Il a été poli rien de plus. Et très gentleman. Et très beau... Et très sexy...

Euh Lila ? Tu fais quoi là ?
Bah je fantasme cinq secondes !

CJ raconte toute la scène sous les yeux amusés de Nikko et Val. Cette dernière est comme une petite folle, excitée comme une pile électrique.

- Tu vas le revoir ? demande la belle espagnole.

- Mais de quoi tu me parles ? Je ne l'avais jamais vu et ne le reverrai sans doute jamais. Et puis je sais même pas comment il s'appelle !

- Il était comment ? demande-t-elle le sourire en coin.

- Et si tu t'occupais d'un truc plus important, comme faire à manger !

Valentina rage dans son coin en voyant qu'elle n'obtiendra plus aucune information de moi. Ça ne sert à rien de s'enflammer pour un truc qui n'existe pas. Ça arrive à tout le monde de percuter un beau mec dans un supermarché entre deux rayons.

×××

Alors que l'eau tiède ruisselle sur ma peau, je repense à cette bousculade à la supérette. L'inconnu au sourire ravageur s'est incrusté dans ma petite tête. J'ai rarement vu un homme aussi attirant que celui-là. Rien à voir avec Charles. Lui, j'ai appris à l'aimer au fil du temps sans trop me poser de questions, comme si c'était normal.

Lui et moi, on se connaissait depuis l'école primaire. J'étais assez timide et très introvertie lorsque j'étais enfant, et Charles lui, a toujours su me mettre en avant et a pris ma défense quand je n'avais pas le courage de le faire moi-même. Et ça a été ainsi durant des années. Mais il aimait ça. Que je lui sois redevable. Que j'ai besoin de lui. Et uniquement de lui. C'est donc tout naturellement qu'à l'âge de 15 ans, je me suis laissée aller. J'ai lâché prise et accepté son amour, pensant que seul lui en avait le droit, qu'il l'avait mérité après tout.

À la fin du lycée, Charles est parti deux ans faire des études de management à New-York, son père tenant à ce que son fils suivent ses traces pour pouvoir reprendre l'entreprise familiale. Les Keller sont les heureux propriétaires d'une grande chaîne d'hôtel du pays, et en Europe désormais. Charles dirigera son empire avant même d'avoir 30 ans. Les deux ans d'études, c'était juste histoire de dire qu'il n'avait pas arrêté l'école après le lycée.
Moi, j'avais choisi la vente, et j'avais été ravie d'avoir trouvé un stage dans une bijouterie de la capitale. D'autant que j'avais réussi à me faire embaucher à la fin. La vente n'était clairement pas ce que mes parents avaient choisi pour moi. Mais j'aime le contact avec les clients, leur donner conseil avec le peu d'assurance que j'avais. Je crois que c'était aussi une sorte de thérapie contre ma timidité bien trop présente. Mes parents me voyaient comme eux, dans le milieu médical ou un truc plus "prestigieux" que le commerce. Mais je ne suis pas comme eux, et je ne me voyais pas me cloîtrer toute ma vie dans le monde qu'ils m'avaient créé, juste pour qu'ils envisagent d'être fiers de leur fille.

Persuadée que seul Charles avait le droit de me rendre heureuse, je l'ai attendu ces deux années-là. De toute façon, il était très fort pour se rappeler à mon bon souvenir. Même dans un autre pays, il était tout autant présent. Tout autant jaloux, et possessif. Mais je pensais naïvement que c'était parce qu'il m'aimait véritablement et que la distance le déchirait.

Hélas, à son retour définitif, sa jalousie maladive a empiré. À tel point que j'avais peur de lui. Peur de ses réactions. Quoi que je dise, quoi que je fasse, je le craignais. Il avait acquis tant de pouvoir sur moi au fil des années que j'avais l'impression de lui appartenir. La sensation de ne plus être maître de soi même est un sentiment étrange et destructeur. Ce n'est pas ça l'amour. Ou du moins, si c'est la définition que lui donnait Charles, elle ne me convenait plus. Lorsqu'il m'a demandé en mariage il y plus d'un an, j'ai été assez courageuse pour refuser. Pensant que c'était trop tôt pour nous engager. À 21 ans, j'avais déjà passé les trois quarts de ma vie à ses côtés en le regardant devenir une personne toujours plus méprisante, et méprisable. Je ne voulais pas de la vie qu'il m'offrait. Mes parents n'ont d'ailleurs pas cautionné mon choix, tout comme Charles d'ailleurs. Tous les trois se sont ligués contre moi pour me faire changer d'avis. Mais si un « oui » franc et sincère n'est pas sorti de ma bouche le jour où j'ai eu la bague, il ne serait pas venu après. La réalité était là, je n'aimais plus Charles depuis longtemps. J'aimais seulement l'idée d'être amoureuse.

Les semaines qui ont suivi, Charles est devenu envahissant comme jamais auparavant. Menaces, culpabilisation et crises de jalousie ont fait partis de ma vie un moment. Heureusement que Rafael, mon frère, me soutenait. Je n'aurai jamais réussi à tenir tête à Charles sans lui. J'ai cédé une fois de plus à Charles et je suis retombée dans ses bras. Mais Charles sera toujours Charles, et je ne pouvait plus encaisser dans rien dire. Ne supportant plus tout ce cirque, toute cette ambiance malsaine, j'ai fuit, pensant que c'était la seule chose à faire pour me protéger. Charles a fait de moi une fugitive. Comme si ne plus l'aimer était un crime.

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Charles Keller

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Et oui, l'argent et le pouvoir ne font pas le bonheur et Lila l'a bien compris.

À la semaine prochaine 😘

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