Campus

19 - Diriger n'est pas régner

Les co-capitaines avaient été désignées depuis quelques jours seulement et Sally avait déjà remarqué que certaines filles de l'équipe discutaient tout bas en l'observant. Sally n'était pas de nature paranoïaque mais là, elle sentait qu'il y avait quelque chose de suspect.

Au départ, elle ne voulut cependant pas y accorder d'importance, attribuant leur attitude à de la jalousie ; c'était elle qui avait accédé au poste tant convoité de capitaine. Et rendre les gens envieux, Sally y était habituée depuis toujours.

Lors de ce nouvel entraînement, les messes basses et regards en coin se multiplièrent. Meredith, elle, afficha constamment un sourire immense quand elle croisa le regard de Sally. Cette dernière était incapable d'expliquer pourquoi mais il lui semblait aussi faux que celui qu'elle était habituée à utiliser.

Sally eut beau prendre sur elle, elle ne réussit pas à contenir son énervement et fut particulièrement autoritaire avec ses coéquipières, ce qui n'échappa pas à la coach et ses assistantes.

Au moment de quitter le terrain, Hailey prit Sally à part.

— Est-ce que tout va bien ?

Sally opina en s'efforçant d'afficher un semblant de sourire.

— Tu en es sûre ? insista Hailey tandis que Sally continuait à hocher lentement la tête. Quoi qu'il en soit, la situation ne me convient pas.

Hailey fit signe à Sally de s'asseoir à ses côtés.

— Je ne sais pas s'il y a un problème entre toi et d'autres membres de l'équipe mais si tel est le cas, tu me feras le plaisir de le régler.

— Mais, objecta Sally.

Hailey la coupa aussitôt d'un ton sec.

— Nous ne sommes pas à l'école maternelle ici. Tu ne peux pas jouer à la maîtresse autoritaire.

Sally déglutit difficilement et se mordit la langue pour s'empêcher de parler sans réfléchir. Elle croisa les bras sur sa poitrine qui se soulevait et s'affaissait rapidement, traduisant sa nervosité.

Hailey la regarda un instant en silence puis poursuivit.

— Je ne veux pas de capitaine brusque et dominatrice. Ce n'est pas ainsi que j'envisage le poste. Donc tu prends le temps de te détendre ou de faire ce que tu veux, mais je ne veux pas continuer de te voir agir de la sorte lors des prochains entraînements, on est d'accord ?

Sally revêtit une nouvelle fois son sourire factice et répondit.

— Bien-sur, coach.

Puis elle quitta le terrain, les poings serrés, les ongles enfoncés douloureusement dans ses paumes. Elle était d'accord sur un point avec son entraîneuse, cela ne pouvait pas durer. Elle voulait comprendre ce qu'il se passait dans son équipe.

Sally déboula dans les vestiaires et y trouva l'ensemble de ses coéquipières en train de se changer. Une partie d'entre elles encerclait Meredith et riait à gorge déployée.

Sally prit une grande inspiration et se dirigea droit sur Meredith. Elle se planta devant elle et plongea son regard dans le sien.

— J'aimerais savoir ce qu'il se passe.

Pour toute réponse, Meredith fronça les sourcils. Ce fut Kristen qui répondit à Sally, en venant se poster aux côtés de son amie.

— Tu as un problème ?

— Je ne sais pas, à vous de me le dire.

Kristen pouffa, puis demanda.

— Ok, on va jouer aux devinettes longtemps ?

Sally planta les mains sur ses hanches.

— Ne me dites pas que vous ne savez pas ! Vous êtes les premières à chuchoter sur mon passage.

La voix de Jasmine, membre des Lions pour la deuxième année consécutive, s'éleva.

— Moi, je vais être franche avec toi et je vais te dire ce qui ne va pas : je ne te fais pas confiance. Surtout après ce que tu as fait dans ton ancienne équipe !

— Quoi, mais, qu'est-ce que mon ancienne équipe vient faire là ? bafouilla Sally.

Puis elle comprit et pivota vers Kristen et Meredith.

— C'est ce foutu journal ! C'est ça, hein !

Kristen haussa les épaules.

— On n'y est pour rien. Après ton petit spectacle chez les Alpha Delta, les filles ont voulu savoir pourquoi tu t'étais mise en rogne de la sorte. Elles nous ont demandé, on a répondu. Tout simplement. Ni plus ni moins.

Sally comprit aussitôt que l'article du journal de son ancien lycée avait fait le tour des Lions. Chacune de ses coéquipières l'avait certainement eu entre les mains.

— Vous leur avez fait lire ce torchon ! siffla Sally entre ses dents.

Jasmine se planta devant Sally, le regard dur.

— Ce n'était pas un secret d'état, non ?

Sally perdit patience.

— Ce n'est pas la question ! Tout ce qui y est écrit est faux ! Et vous ne devriez pas me condamner sans connaître toute l'histoire, vous connaissez la présomption d'innocence ?

Kristen étouffa un pouffement.

— On n'est pas au tribunal, Sally ! Tu n'as pas besoin de jouer à l'avocate de la défense !

Des éclats de rires résonnèrent dans les vestiaires. Sally fulminait de rage mais elle ne voulait pas exploser devant son équipe.

Elle ouvrit la bouche pour dire quelque chose mais Jasmine la devança.

— Et puis, l'article mis de côté, tu ne fais de toute façon pas l'unanimité.

— Quoi ? Vous ne me connaissez même pas ! lâcha Sally, vexée.

Alison et Sarah arrivèrent à sa rescousse et après s'être placées derrière leur amie, elles renchérirent.

— Oui ! Et vous ne prenez pas le temps de la connaître !

— C'est dommage !

Jasmine leva les yeux au ciel, tout comme d'autres cheerleaders.

— On la voit agir en entraînement, et franchement ça ne donne pas envie de creuser.

— Tu te crois supérieure à nous, ça crève les yeux, intervint Mary, une nouvelle recrue.

— Le respect d'une équipe, ça n'est pas acquis, ça se gagne, asséna calmement Meredith.

À ces mots, une bonne partie de l'équipe se mit à l'applaudir. Sally survola ses coéquipières du regard avant de l'arrêter sur sa binôme. Et quand le silence retomba, Sally fit un pas vers elle, en la fixant d'un air mauvais.

— Je devrais prendre exemple sur toi, c'est ça !

Meredith secoua doucement la tête avant de lui adresser un petit sourire contrit.

— Ne prends exemple sur personne. Sois toi-même mais si tu continues à réagir comme tu le fais, ne t'étonne pas si les gens ne t'apprécient pas.

Personne n'ajouta rien de plus et là sembla se clôturer la discussion.

Meredith tourna le dos à Sally et s'activa dans son casier, tandis que chacune retourna à ses affaires.

Sally voulait hurler qu'elle ne méritait pas d'être traitée ainsi mais aucun son ne sortit de sa bouche, elle se contenta de rester plantée sur place.

Sarah vint la saisir par le bras et l'entraîna hors de la pièce, en lui soufflant que rien ne suffisait d'insister, elles finiraient par se rendre compte de leur erreur à son sujet.

Sally ne pipa mot, elle craignait que Sarah ait tord. Vu comment les choses se déroulaient pour elle à Felice, Sally avait du mal à imaginer que quoi que ce soit tourne à son avantage.