Chapitre 1

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La seule chose qui marqua vraiment Emma ce soir là, c'est l'odeur de l'hôpital. Elle ne le connaissait depuis quelques minutes, mais il lui paraissait déjà si familier. Le parfum des médicaments, mélangé à celui des produits ménagés sans cesse utilisés ne plaisait pas forcément à tout le monde, mais il était comme, réconfortant, pour elle. A l'instant où elle avait posé un pied à l'intérieur du Boston Miller Medical Center, elle savait que sa place ne pouvait pas être ailleurs qu'ici.

Elle se souvint vaguement des mots du chef de la chirurgie, le docteur Steven Adams, se rappelant plutôt avoir fait une fixette sur sa carrure d'homme des cavernes; alors qu'il était en train de lui annoncer qu'elle était la nouvelle titulaire en chirurgie cardiothoracique de l'hôpital.

Lorsqu'elle était sortie du bureau du chef, elle se rappela avoir vu une jolie blonde assise parterre qui ne faisait que de souffler sur une mèche rebelle. Emma se souviendra avoir noté que ce petit brin de femme était bien trop débordante d'énergie de joie pour une seule et même personne. Pendant qu'elle l'avait arrosé de paroles, Emma avait retenu quelques informations à son sujet : elle s'appelait Camille, et elle était terrifiée à l'idée de rencontrer le chef qu'elle surnommait l'ours. C'est tout.

Il était bientôt vingt heures à Boston, et la nuit commençait doucement à tomber sur le ciel du Massachusetts. Au volant de sa voiture, Emma n'était plus qu'à deux petits miles d'annoncer à sa famille qu'elle allait travailler parmi les plus grands noms de la chirurgie. Après quelques minutes à jongler entre les feux rouges et les lignes droites, elle arriva devant chez elle. Sans connaître les propriétaires, on pouvait deviner que cette maison n'appartenait pas à n'importe qui. La villa était énorme où toutes les lumières, intérieures comme extérieures, étaient allumées. La longue allée en macadam était bordée de petites lampes en forme de champignons placées dans la pelouse parfaitement tondue. Dans cette pelouse, on pouvait voir de nombreuses plates-bandes de jardin toute très fleuries. Emma avança sa petite voiture sur le grand parking qui se trouvait entre la maison et les trois garages. Elle se gara devant le celui de gauche puis descendit de sa petite auto et s'engagea dans les quelques marches qui montaient jusqu'à l'immense porte d'entrée en chêne massif et pénétra à l'intérieur.

- Y'a quelqu'un ?

Question rhétorique, Emma savait très bien qu'il n'y avait personne, mais espérait quand même trouver Zack, au cas où il n'aurait pas travaillé ce soir. Elle déposa ses clefs sur la petite console et accrocha sa veste au porte-manteau. Elle s'avança dans les immenses pièces du séjour, traversa la cuisine et entendit soudainement du bruit provenant du jardin. En regardant de plus près, elle constata que la baie vitrée était restée ouverte. Elle sortit, et s'avança vers la terrasse.

- Maman ? Mais qu'est-ce que tu fais là ?

- Oh, ma chérie, tu es rentrée ! Je voulais t'attendre ce soir, c'est ta tante qui s'est proposée pour gérer le service au restaurant. Alors ?

- Je suis embauchée !

- Emma, ma grande, je suis tellement fière de toi ! Félicitations !

- Merci beaucoup, maman...

- Pour tout te dire, je pensais que tu ne serais jamais acceptée...

- Pardon ?!

- C'est vrai quoi, être une femme métisse aux Etats-Unis n'est pas toujours facile !

- Maman ! Nous sommes en 2018 !

- Tu sais, chérie, les racistes traversent le temps ! A mon époque, être une femme noire n'était pas une mince affaire !

Emma roula les yeux, exaspérée par les mises-en-garde vieux jeu que sa mère ne cessait de lui répéter sans même se rendre compte que les temps avaient changé. Alors que Michelle continuait son récit sur comment le chemin avait été rude pour en arriver à sa situation actuelle, elle entendit les pas de quelqu'un résonner sur les planches de la terrasse.

- Félicitations ! Lui lance son petit frère, Zack.

- Merci ! Mais, qu'est-ce que tu fais là ?

- Je suis invité à l'anniversaire d'un copain, répond-t-il en enfilant son casque de scooter.

- Mais il presque 21h, tu ne devrais pas déjà être là-bas ?

- Vous comprenez, c'est plus stylé d'arriver à une soirée après l'heure donnée, on se fait plus attendre vous voyez ?

Les deux femmes se regardèrent, sourire en coin, repensant à cette phase stupide qu'était l'adolescence.

- Ne rentre pas trop tard d'accord ? Lui intime sa mère.

- Mais oui maman, ne t'en fait pas ! La rassure-t-il même s'il y avait peu de chance qu'il revienne avant l'aube.

Zack partit avec son scooter, et laissa la mère et la fille en tête à tête sur la terrasse.

- Au fait, tu as des nouvelles d'Alex ?

- Pas encore, je l'appellerai tout à l'heure.

- Le pauvre... J'aimerais pas être à se place, se lamente Michelle en pensant au calvaire qu'il devait subir.

Alors que Michelle était partie à la cuisine préparé le thé, le téléphone sonna, et Emma se précipita pour décrocher quand elle vit le mot "restaurant" s'afficher sur l'écran. Entre deux cuissons de magret de canard, il avait réussit à trouver le temps pour l'appeler. Comme toujours, les discutions avec son père n'avaient jamais de fin. George la félicita au moins une dizaine de fois, puis c'est elle qui finit par raccrocher pour l'insciter à ne pas laisser ses casseroles sans surveillance.

Après avoir raconté son aventure à sa mère autour d'une théière qui se vidait au fur et à mesure de la conversation, Michelle s'en alla donner un coup de main à son mari au restaurant, et Emma se retrouva seule dans cette gigantesque maison vide. Elle s'installa au fond du gros fauteuil du salon, avec un plaid et son chat Norman sur les genoux, puis attrapa son téléphone.

- Je t'en supplie, dis-moi que tu es prise, déclare Alex avant même de lui avoir dit bonjour.

- C'est bon, valide-t-elle en riant.

- Oh, super, soupire-t-il, soulagé. Tu peux pas t'imaginer comme j'ai stressé pour toi toute la journée.

- En parlant de journée, comment s'est passé la tienne ?

- Pas mal, mais j'ai vu mieux.

- Alex !

- Honnêtement ? Catastrophique. C'est le pire hôpital du pays. Y'a rien, rien de rien, ni matériel, ni personnel, rien.

- En même temps, quelle idée d'avoir choisi de te spécialiser en chirurgie fœtale à l'autre bout du pays ?! Tu aurais très bien pu le faire ici !

- Je sais, mais le docteur Farmer est l'un des meilleurs, je voulais apprendre du meilleur !

- Je te rappelle que tu as validé ta spécialité, tu peux exercé où tu veux !

- Je sais, mais je ne pouvais pas refuser son offre...

Il discutèrent encore, encore et encore, jusqu'à ce que chacun baille à intervalle régulier. Au bout d'un moment, plus personne ne parlait et quelques ronflements commencèrent à se faire entendre. Norman sauta sur les pieds de sa propriétaires, se mis à ronronner et s'allongea sur ses jambes et s'endormi. Emma et Alex, aussi.

A Coeur OuvertOn viuen les histories. Descobreix ara