Chapitre 9

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Les joues rouge, Mira affronta son regard saisit par la colère. La chaleur qui s'irradiait de son corps imposant vint caresser sa peau au moment où elle s'y attendait le moins. Elle se recula du comptoir sans le quitter des yeux. Déstabilisée, son sang s'échauffa dans ses veines quand il se redressa lentement en levant le menton. Ses mâchoires se contractèrent comme un soubresaut de l'intérieur. À travers son regard gris, l'encrier de ses pupilles durcissait son regard implacable et saisissant.

Elle passa derrière le comptoir pour l'affronter mais le regretta aussitôt. Les talons aiguilles de ces derniers jours l'avaient grandi. Perchée sur dix centimètres de plus, Mira se pensait plus grande. Mais aujourd'hui, chaussée de converse blanche, Mira s'arrêta avant même d'être à sa hauteur. Il était impressionnant grand et immense à deux doigts de toucher les lampadaires au-dessus de lui. Confusément elle se recula en fuyant son regard.

- Vous ne pouvez pas rester ici monsieur Kaïros. Balbutia-t-elle en replaçant des mèches derrière son oreille.

- J'ai toute la journée...

Il s'avança d'un pas tranquille.

- Je vous ai dit non ! Gronda Mira en relevant les yeux.

- Et moi j'ai dit si...vous ne pouvez me refuser ça, pas après ce que vous m'avez fait.

Effarée elle le dévisagea les lèvres entrouvertes.

- Je ne vous ai rien fait ! Vous êtes détestable vous le savez ?

Il sourit avec machiavélisme.

- Détestable pour vous peut-être. Rétorqua-t-il en haussant négligemment des épaules.

- Les gens dans monde vous apprécie parce qu'ils ignorent quel genre de monstre vous êtes.

Cette fois-ci il se rembrunit, sans pouvoir dissimuler sa colère.

- Savez-vous ce que j'ai fait pour redresser le pays quand il était sans dessus de sous ? Quand la famille royale s'est exilé un peu partout dans le monde sans se soucier de son pays ? Dit-il d'une voix sombre. Sans moi ce pays aurait sombré ! J'ai tout redressé. L'économie est fleurissante...

Il posa sa main sur le comptoir en planta un regard froid dans le sien.

- Je suis un conquérant, un soldat et un soldat n'abandonne jamais la bataille.

Que rétorquer à ça ?

Mira aurait voulu s'enfoncer dans le sol devant la brutalité de ses propos...qui malgré tout était la pure et dure vérité. Il avait tout d'un guerrier, au sombre regard.

- Je refuse votre proposition, je suis désolé.

Voilà tout ce qu'elle avait trouvé à dire.

- Une proposition qui regorge de délicieuses opportunités et d'atouts.

- À bon ? Et quoi par exemple ? Demanda Mira en plissant des yeux en le considérant d'un air méfiant.

- Vivre dans mon fabuleux manoir au charme exotique. Si mes souvenirs son exactes vous n'étiez pas sans vous plaire là-bas ? Surtout dans mon lit...rappelez-vous hier soir quand vous, vous prélassiez dedans.

Dans ses yeux gris anthracite, une lueur amusé se forma. Mira serra les poings le long de ses hanches, les joues enflammées.

- Mira il faut que...oh mon dieu, monsieur le duc.

Son patron s'inclina devant lui, le teint cramoisi.

- C'est un honneur de vous avoir dans mon modeste magasin.

Le duc n'y prêta guère attention.

- Moi aussi c'est un plaisir. Dit-il enfin en lui adressant un regard poli.

- Vous désirez quelque chose ? Mira l'as-tu servi ?

Elle reprit peu à peu ses esprits et repassa derrière le comptoir en manquant de vaciller.

- Désirez-vous quelque chose monsieur ? Du pain ? Demanda-t-elle en un sourire crispé.

Le duc échangea avec elle un regard silencieux chargé de mystères.

- Un sandwich fera l'affaire...que me proposez-vous.

Mira n'était pas dupe, elle savait qu'au fond de cette question, il y avait autre chose.

- Sandwich au thon ? Proposa-t-elle en s'efforçant d'être courtoise.

Il hocha simplement de la tête.

Mira glissa le sandwich dans le sac en papier alors que son patron avait les yeux rivés sur le duc.

Devant l'étau qui se resserrait autour d'elle, Mira se dépêcha de refermer l'emballage en priant pour que l'intervention de son patron fasse déguerpir l'homme aux yeux d'argent.

Sans un mot, il récupéra le sandwich et glissa sur le comptoir un billet conséquent.

Ahurie devant le billet de cinquante euros, Mira le dévisagea avant qu'il ne lui adresse un autre regard mystérieux.

Quand il quitta enfin la sandwicherie, Mira porta une main à son cœur essayant de retrouver sa respiration.

Cet homme qu'elle pensait ne jamais revoir venait de créer en elle un tourment qu'elle ne put déterminer. La ténacité dont il faisait preuve ne pouvait qu'être de la pitié. Il avait de la pitié pour sa pauvre petite personne. Evy méritait bien plus qu'une gifle. Tout ça était de sa faute, et elle se sentait stupide d'avoir crû en sont amitié. C'était ici même six mois plus tôt qu'elle l'avait rencontré. Si au début elles s'en tenaient à des coups de fil, Mira avait comprit bien trop tard que son attitude de ces dernières semaines était dans l'unique but de se servir d'elle.

Ce matin encore, elle croyait pouvoir se confier à sa seule amie. Elle avait lutté pour ne pas fondre en larmes quand elle s'était cachée pour rire. Exactement de la même façon que sa patronne il y a trois mois, quand elle l'avait renvoyé pour faute professionnelle. Mira n'avait pas réussi à rédiger le message important à transmettre dans l'une des suites les plus prestigieuses. Ne pas savoir lire était si humiliant qu'elle vivait dans la peur qu'un jour, d'autre personne se moque d'elle. Car à chaque fois la même scène se répétait. Après l'avoir avoué avec l'espoir d'être comprise, les murmures incertains se transformaient en un rire humiliant. Elle n'avait pas le temps d'expliquer pourquoi. Elle n'avait pas le temps de dire qu'elle était le fruit d'une union de deux inconnus complètement stones dans les quartiers sales de Chicago, là ou les dealers vendent leur drogue. Qu'elle avait vécue dans un orphelinat juste assez longtemps pour apprendre à parler avant que ce dernier soit victime d'un incendie. De ce fait, tous les enfants avaient été placé dans des familles. Cette femme qui lui avait servi de mère jusqu'à ses dix-huit ans avait réussi à faire d'elle qu'un écran de fumée. Mira n'avait jamais pris le chemin de l'école. Sa famille d'accueil jugé sa présence à la maison comme une bonne manière de les remercier pour leur accueil.

Elle avait passé des années de sa vie à faire des tâches ménagères. Parfois...elle regardait par sa fenêtre les autres enfants rentrer de l'école pour jouer ensemble sans comprendre pourquoi elle n'avait pas le droit d'être comme eux. Mira essuya une larme sur sa joue pour s'arracher à ses douloureux souvenirs. Son identité lui avait été arrachée pendant plus dix ans, alors aujourd'hui, elle souhaitait la perdre.

Être invisible.

Un bouleversant chantageOù les histoires vivent. Découvrez maintenant