Devoir n°1 : Gabriella Johnson

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Tu devrais t'inscrire.

Je lève les yeux au ciel et essore la serpillière que j'ai dans les mains.

- Hors de question. Je n'irais pas jouer la jeune fille transie d'amour pour quelqu'un que je ne connais même pas.

Anna me jette un regard en coin et se mord la lèvre.

- Moi je vais m'inscrire en tout cas. Je veux me tirer d'ici.

Je lève les yeux au ciel et continue le nettoyage du salon d'une de ces pouffiasses de deux en espérant que ma très chère collègue abandonne l'idée de me faire participer à cette maudite sélection complètement misogyne et ridicule.

- En plus... si tu participais ça aiderait ta famille. Ta mère pourrait peut-être même suivre un traitement adapté à son cancer.

Cette fois j'abandonne la serpillière dans le seau et me redresse, les mains sur les hanches.

- Ma mère va mourir. Si notre cher roi en avait quelque chose à foutre de la santé de son peuple il permettrait aux six d'être soigner. Or, ce n'est visiblement pas le cas. Je ne participerais pas à cette... chose. Libre à toi de jouer les poupées si tu le souhaites.

J'attrape furieusement le seau contenant ma serpillière et de l'eau et pars nettoyer une autre pièce, laissant Anna se débrouiller seule avec le salon.

La discussion était terminée.

***

Il est près de vingt et une heures lorsque je rentre enfin chez moi. J'ai le dos en miettes, les pieds en cendres et la fatigue m'écrase un peu plus à chaque pas.

Mais je suis vivante, c'est l'essentiel.

Ma sœur et mon frère dorment paisiblement sur notre canapé en lambeaux et je passe rapidement dans la chambre de ma mère pour vérifier que tout est en ordre. Une fois ceci fait je me dirige d'un pas lent vers le réfrigérateur que j'ouvre lentement, ayant peur de ce que je pourrais voir à l'intérieur.

Vide.

Je le referme presque aussi lentement que lors de son ouverture en me mordant la lèvre.

Je n'ai pas si faim que ça finalement.

Je me dirige ensuite vers la salle de bain dans l'espoir de prendre une bonne douche chaude mais m'arrête quelques instants pour regarder ma sœur dormir paisiblement. Sa cage thoracique s'abaisse puis se gonfle doucement au rythme de sa respiration, je me rends compte à cet instant à quoi point elle est maigre et à quel point elle semble fragile.

Je soupire longuement et me rends finalement à la salle de bain, dans une ambiance maussade je tourne le robinet d'eau chaude qui crache avec difficulté une eau impure et complètement gelée.

J'observe mon reflet dans le miroir. Les cernes sous mes yeux et les rides qui commencent déjà à se former sur mon jeune visage me donnent l'impression d'avoir dix ans de plus.

La voix du prince diffusé depuis notre télévision parvient jusqu'à moi, je me surprends alors à le détester. Je le déteste aussi sûrement que je déteste ce système et aussi sûrement que je me déteste moi.

Dans un accès de rage je balance nos maigres affaires par terre et frappe avec haine mon reflet sur le miroir.

Mon image déformée me fixe désormais, je ne vois plus une fille en colère. Je vois quelqu'un de désespéré, quelqu'un de mourant.

Je déteste cette image de moi.

J'observe avec curiosité le sang s'écouler de mon poing serré, je n'ai pas senti de douleur lors de l'impact. Je le regrette presque.

Je ramasse un bout de verre brisé près du lavabo.

Ce serait tellement facile de recommencer.

Juste une fois.

J'en ai besoin.

- Gaby ?

Je me tourne vers la petite silhouette endormie de ma sœur, celle-ci me fixe les yeux pleins d'incompréhension. Je jette alors le morceau de miroir par terre le plus vite possible et lui offre un sourire réconfortant tout en lui expliquant que j'ai dérapé.

Mais ma sœur n'est pas idiote.

Elle sait.

Je l'accompagne jusqu'à notre chambre, lui souhaite une bonne nuit et porte mon frère à son lit. Une fois complètement seule dans notre petit salon je bande ma main et le formulaire d'inscription à la sélection me saute aux yeux.

Je dois le faire.

Je n'ai pas le choix.

J'attrape un crayon avec l'énergie du désespoir, bâclant en quelques lignes un portrait de moi. Je la replace dans son enveloppe et refoule les larmes qui menacent de couler.

Je me rends le lendemain matin au bureau administratif pour me faire prendre en photo et déposer mon inscription. Je n'ai fait aucun effort. Je suis restée moi. J'ai regardé l'appareil photo et ai tenté de communiquer toute ma haine, ma colère à travers un seul regard.

Je veux qu'il comprenne. Qu'il comprenne pourquoi j'en suis arrivée là.


La Sélection - RPG [INSCRIPTIONS FERMEES]Where stories live. Discover now