chapitre 17

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Il remonta son sac sur son épaule et marcha d'un pas lourd à travers les couloirs du lycée, faisant abstraction des remarques que l'on faisait sur lui ou des gens qui le poussait. Il avait pris l'habitude d'être le bouc-émissaire. C'était lui le garçon étrange du lycée, sans amis, même pas intelligent. Mais après tout, qui aurait voulu être ami avec lui, sachant qu'il rembarrait quiconque osait l'approcher de trop près? Personne. Et justement, il n'avait personne.

Il n'avait rien.

- M. Lahey, qu'est ce que vous faites encore là? Demanda une voix nasillarde à l'intention d'Isaac.

- Je marche. Répondit-il simplement.

- La sonnerie a déjà sonné, vous devriez être en cours. Isaac releva la tête qu'il tenait jusque la baissé sur ses chaussures et remarqua qu'il était le seul dans le couloir. Il n'avait même pas remarqué le départ des autres élèves.

- Je devrais effectivement.

Le professeur pinça les lèvres.

- Est-ce de l'insolence?

- Non, juste la vérité. Isaac le contourna pour monter à sa salle de cours.

- Où comptez-vous aller comme ça? Revenez ici! Dit M. Gersay de sa voix insupportablement aigu. Isaac s'arrêta, serra les poings et fit lentement demi-tour.

- Je vais en cours monsieur Gersay, parce que vous m'avez fait remarquer à juste titre que je suis en retard.

Le professeur plissa les yeux et s'approcha de l'élève.

- Sachez, Lahey, que je vous aie dans le collimateur. Isaac serra d'au temps plus les poings. Filez en cours, et que je ne vous reprenne pas ailleurs que les fesses vissées à votre chaise. Sinon, comptez sur moi pour faire preuve de toute la justice que vous méritez. Compris?

- Compris. Grogna Isaac entre ses dents. Il se retourna et repartit en direction de sa salle de classe, déployant des efforts surhumains pour calmer les battements effrénés de son cœur. Il relâcha ses poings et remarqua que ses griffes avaient entaillé ses paumes.

- Hé merde... Jura-t-il avant d'essuyer ses mains avec un mouchoir. Il toqua à la porte de sa salle de cours.

- Ho Isaac, justement nous vous attendions! Dit d'un ton joyeux la professeure de langue. Isaac ne put s'empêcher de sourire. Cette prof était vraiment la meilleure qu'il n'est jamais rencontrée. Il s'installa et fit l'effort d'écouter le cours. C'était bien uniquement en français qu'il avait des notes au-dessus de la moyenne. C'était le seul cours qu'il trouvait intéressant.

L'heure passa plus rapidement qu'il ne l'aurait espéré. Il fut forcé de quitter la salle à contre cœur, le dernier à sortir.

- Isaac, j'aimerais vous parler. Dit Mme Malgoa.

Isaac ferma la porte et vint s'installer sur une table pour écouter ce qu'elle avait à lui dire.

-Je m'inquiète pour vous.

-Vous n'avez pas besoin, je me gère très bien.

- Ce n'est pas vrai Isaac, vous le savez.

Ce dernier baissa les yeux, en proie à une tristesse qu'il ne pouvait plus dissimuler.
Elle attrapa son visage entres ses mains pour le forcer à la regarder.

- Vous êtes un garçon qui mérite mieux, bien mieux que la vie que vous vous forcez à avoir.

Il se déroba de son emprise, se reculant d'elle pour éviter d'autre contacts qui ne ferait qu'encore plus accentuer le malaise dans lequel il se trouvait déjà.

-Chris vous a appelé parce que je ne répondais pas au téléphone? Dites lui que c'est juste parce que je l'ai perdu.

Elle soupira.

- Il m'a demandé de vos nouvelles, c'est vrai. Kate est morte. Rajouta-t-elle dans un murmure à peine audible.

Isaac releva immédiatement son regard sur sa professeur de lettre, ne sachant pas s'il devait se réjouir de cette nouvelle.

- Comment dois-je réagir?

- Je ne sais pas, je ne suis pas dans votre tête. Mais cela veut dire une chose, qui je pense est très importante à vos yeux. Vous avez le droit de rentrer chez vous.

-Je n'ai pas de chez moi.

-Beacon Hills est votre foyer, là où se trouve votre meute.

-J'ai quitté la meute il y a longtemps, trop longtemps. Et je n'ai aucune envie d'y retourner, c'est pourquoi je suis dans ce lycée miteux.

- Vous vous mentez à vous-même. Je comprends que ce soit dur. Mais perdre Alison a brisé chaque personne qui la connaissait, à commencer par Chris. Mais est-ce qu'il passe ses journées à errer comme un zombie et à ruminer le passé? Non. Il se bat, tout comme ceux que vous avez abandonné à cause de la douleur qui déchirait votre cœur, mais qui les déchirait eux aussi.
Vous êtes devenus un Oméga, une proie, un faible. Il est temps que vous arrêtiez ces bêtises, que vous repreniez votre vie en main. La meute qui vous attend a besoin de vous, et vous avez besoin d'elle. Vous faites de votre vie une erreur.

-Sauf votre respect madame, je ne vous permet pas de me parler ainsi. Je ne vous connais que par le biais d'un chasseur qui m'a étonnamment prit sous son aile. Vous êtes une inconnue à mes yeux, et je ne pense pas que vous soyez bien placé pour me dicter ma conduite. Ce qui serait une erreur, ce serait de revenir. Il s'est passé trop de choses depuis mon départ, mes amis ont changé, et moi aussi. Rien ne serait plus comme avant, je n'ai désormais plus ma place parmi eux.

- C'est ce que tu crois. Mais rien ne peut séparer une meute. Rien ne peut briser le lien qui vous a un jour unit, et qui vous uniras à jamais. Ce lien, c'est Alison. C'est elle qui vous maintient ensemble. Sa mort, cette tristesse liée à sa disparition, vous la ressentez tous. Et c'est ça qui vous rend tous irremplaçable les uns pour les autres. 

- Je vous interdis de parler d'elle. Vous ne me connaissez pas, vous ne connaissez pas mes amis, et vous ne la connaissiez pas. Vous n'étiez pas là, quand c'est arrivé. Et votre venue subite dans ma vie aujourd'hui n'y changera rien!

- Je n'étais pas là. Mais tu y étais, toi et tous tes amis. Et c'est là-bas qu'est ta vie. Tu as peur d'y retourner parce que tu as peur de souffrir, alors que c'est ici que tu connais la plus vive douleur.

Un rire amer s'échappa de ses lèvres, un rire faux et monstrueux. La situation était loin d'être amusante, il était juste épuisé.

- Ce n'est pas parce que vous êtes une amie de Chris et qu'il vous a demandé de veiller sur moi que je suis obligé de subir vos monologues que vous vous permettez de faire sur ma vie. Vous croyez que je vais suivre les conseils d'une inconnue pour ses beaux yeux?

- Je crois que oui. Et ce ne sera pas pour mes beaux yeux comme vous dites, ce sera pour vous.

- Je crois que cette discussion va prendre fin maintenant.

Il sortit en trombe de la salle et fila directement dans la cour.

- Lahey, cette partie de la cour est interdite d'accès, tu m'as bien compris?! Dit furieusement M. Gersey. Isaac se retourna et lui lança le plus beau de ses doigts d'honneur.

- Revenez ici, que vous preniez la punition que vous méritez! Hurla-t-il.

- Allez-vous faire foutre! Cria-t-il à son tour. Le teint habituellement pâle de M. Gersey prit une teinte cramoisie.

Mais Isaac se fichait bien que cet odieux prof continue à proférer des injures à tour de bras, il ne l'écoutait pas. Il ne regardait même pas sa tête qui ressemblait désormais à une tomate plus qu'à autre chose.

Il ne lui portait aucune intention, parce que désormais, il savait une chose, une chose qui le faisait sourire comme il ne l'avait pas fait depuis longtemps. 

Sa prof de français était folle.
Et son prof de maths aussi.

Mais il ne les reverrait jamais.


Parce que l'erreur est humaineWhere stories live. Discover now